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Erdogan : L'agent double au service de Bitcoin (BTC) ?

dim 09 Oct 2022 ▪ 15 min de lecture ▪ par La Rédaction C.

Le président turc Erdogan a récemment annoncé qu’il continuerait à réduire les taux d’intérêt tous les mois tant qu’il serait au pouvoir. Pourtant, l’inflation a atteint en septembre un nouveau record depuis plus de 20 ans, approchant les 83 %. Alors que les banques centrales ont globalement fait le choix de durcir leur politique monétaire depuis quelques mois pour endiguer l’explosion de l’inflation tirée en partie par l’envolée des prix de l’énergie, la Turquie prend un autre virage. Erdogan assume de maintenir la planche à billets jusqu’au bout et son pays marche dangereusement vers la spirale explosive de l’hyperinflation.

Hyperinflation à Istanbul

Le taux d’inflation en Turquie ne cesse d’augmenter depuis 16 mois consécutifs et a atteint près de 83 % en septembre. L’année dernière, ce taux était de 20 % à la même période. Il s’agit clairement du plus haut niveau d’inflation depuis l’année 1998. Sur une base mensuelle, les prix alimentaires ont augmenté de 3 % sur le seul mois de septembre !

En Turquie, le Menemen, un plat traditionnel composé d’œufs, de tomates et de poivrons a vu son coût total s’apprécier de 130 % en un an. Certains magasins ont même investi dans de petits écrans numériques pour mettre à jour quotidiennement les prix. L’inflation détruit absolument tout.

L’amour d’Erdogan pour les taux négatifs

Erdogan est convaincu que les taux d’intérêt réels négatifs permettront à la Turquie de sortir de ce marasme économique dans lequel est plongé son pays. Il s’est même déclaré « ennemi des taux d’intérêt ». Il fait campagne sans relâche depuis qu’il est Premier ministre en 2003 puis président en 2014 pour baisser les taux. En 2018, il parlait d’un « outil d’exploitation semblable au commerce d’héroïne … à l’origine de tous les maux ». Malgré les critiques de l’opposition et les manifestations dans la capitale, Erdogan jure de continuer de livrer cette guerre aux taux positifs.

Une approche peu orthodoxe qui peut surprendre. L’immense majorité des économistes admet le fait qu’une hausse des taux d’intérêt est généralement l’outil discrétionnaire le plus efficace pour neutraliser l’inflation.

Mais pour les dictateurs, la réalité économique n’existe pas : tout est convention. La semaine dernière, le président (et ami de Poutine) Alexandre Loukachenko interdisait l’inflation. « À partir d’aujourd’hui, il est interdit d’augmenter les prix de quoi que ce soit. Interdit ! », Bitcoiners, oubliez vos fonctions SHA256 et vos courbes elliptiques bizarres, Loukachenko a réglé le problème.

De même, en Erdoganland, l’hyperinflation est le résultat de taux d’intérêt élevés. Si les prix augmentent en Turquie et en Occident c’est en raison de l’orthodoxie légendaire de la Fed et de la BCE, bien connue pour être intraitables avec l’inflation. La Fed n’aurait aucun mal à reconnaître que les faibles taux favorisent la croissance, mais de là à admettre qu’ils ont une portée déflationniste …

Trump pouvait à certains moments concurrencer Erdogan sur ce terrain

« Comment le secteur réel peut-il faire des investissements lorsque les taux d’intérêt approchent les 50 % ? Est-ce que l’un d’entre vous gagne autant d’argent ? Seulement dans le commerce de l’héroïne », Erdogan.

D’où vient cet amour viscéral  ?

Tout d’abord, une réélection l’année prochaine qui s’annonce difficile. Erdogan est conscient qu’une augmentation significative des taux d’intérêt directeurs (30, 50 voire 60 %) conduirait à l’effondrement de l’économie turc à court terme. Or, le chômage n’est jamais très populaire pour remporter une élection. Il s’agit du même dilemme auquel est confronté Jerome Powell ou encore Christine Lagarde, mais avec un risque récessionniste bien plus conséquent. 

L’homme d’affaires Erdogan pense également qu’en donnant la priorité aux exportations, aux investissements et à l’emploi à travers des taux réels négatifs, le pays pourra plus facilement se relever de la crise. 

En théorie, les faibles taux attirent les investisseurs étrangers et stimulent la croissance en permettant aux entrepreneurs de se lancer dans de nouveaux projets. Dans les faits, ils détruisent l’épargne réelle, augmentent les mauvais investissements, ce qui nuit à la productivité et conduit le pays vers l’inflation. Et lorsqu’une économie comme la Turquie dépend fortement des biens importés comme l’énergie ou les biens intermédiaires, la dépréciation de la monnaie favorise l’inflation, car les coûts des intrants augmentent, ce qui est détruit la compétitivité nationale.

Il semblerait que sa politique de laxisme monétaire ait plutôt dissuadé les épargnants locaux et les investisseurs étrangers de détenir le shitcoin national. Ou des actifs libellés dans le shitcoin national qu’est la lire turque. Naturellement, lorsque moins de gens désirent votre shitcoin, sa valeur a tendance à se déprécier. Surtout, lorsque vous avez transformé votre pays en régime autoritaire et démantelé l’état de droit.

Tout comme Poutine, le dictateur turc a utilisé des palliatifs pour atténuer l’effondrement de sa monnaie. Par exemple, en obligeant les exportateurs à convertir près de la moitié de leurs recettes en devise nationale. 

« Les taux d’intérêt continueront à baisser chaque jour, chaque semaine, chaque mois », déclarait récemment Sözcü, un quotidien turc.

Demain, le Venezuela ?

Si Erdogan ne change pas de cap et n’augmente pas significativement les taux pour réduire la demande, la Turquie risque de connaître une catastrophe analogue à celle du Venezuela. Famines, manques de soins médicaux, troubles sociaux, crises politiques, hyperviolence, révolutions… sont le lot habituel des pays qui traversent une période d’hyperinflation. 

Une situation tragique pour un pays qui connaissait un développement intéressant depuis le début des années 2000 et qui est parvenu rapidement à doubler le niveau de vie de sa population grâce aux exportations de biens manufacturés. La trajectoire de la Turquie ressemble beaucoup aux succès d’Europe de l’Est après l’effondrement du bloc soviétique.

La destruction de l’unité monétaire peut autant faire tomber des dictateurs qu’en engendrer de nouveaux. L’inflation pourrait bien réussir à accélérer la fin du règne d’Erdogan, là où le coup d’État de 2016 a échoué.

Les origines de la crise en Turquie

Depuis le début des années 2000, la croissance de la Turquie a principalement été tirée par un afflux important de capitaux étrangers. Les perspectives de développement et les taux élevés ont séduit les investisseurs, ce qui a apprécié la lire turque durant plusieurs années.

La cause profonde de la crise en Turquie s’explique notamment par le haut niveau d’investissement du pays par rapport au niveau d’épargne. Ce déséquilibre a favorisé une forte augmentation du stock de dette extérieure de l’État. Une partie significative de cette dette extérieure avait des échéances à court terme, ce qui a entraîné un arrêt soudain de l’investissement étranger. Le retrait brusque des capitaux étrangers a alors accéléré le déclin de la monnaie turque.

Plutôt que d’agir sur le mal en augmentant massivement les taux, le gouvernement turc ne cesse d’annoncer des expédients qui alimentent la spirale inflationniste. Par exemple, le gouvernement a annoncé récemment une deuxième augmentation du salaire minimum en 6 mois. 

« Cette crise n’est pas notre crise », Erdogan.

Crise politique et planche à billets

Au-delà du simple calendrier électoral, l’amour d’Erdogan pour les taux réels négatifs s’explique par la forte instabilité politique de la Turquie. Entre les conflits internes, la division entre les laïcs/islamistes et la tentative avortée de coup d’Etat en 2016, la Turquie est dans une situation politique précaire.

Face à ces défis majeurs qui ont pu remettre en cause la légitimité d’Erdogan, le très autoritaire chef de l’Etat a apporté une réponse traditionnelle pour calmer la colère populaire. Au final, toutes les dictatures sont volontaires et aucun tyran ne peut résister au soulèvement des masses. Il est donc vital pour le Prince de stimuler la croissance à court terme, quitte à la freiner à long terme. De plus, il est également de distribuer une partie du butin national aux puissants patrons turcs pour éviter d’alimenter un putsch par le haut. 

C’est aussi pourquoi Erdogan a cherché à soutenir la bulle immobilière en baissant les taux : continuer à arroser les amis proches d’Ankara. Des projets de construction pharaoniques ont été lancés par le gouvernement. Étant donné que beaucoup de ces projets ne répondaient à une réelle demande du marché, mais plutôt à un agenda populiste, un nombre significatif n’ont pas produit le retour sur investissement escompté. La politique des éléphants blancs …

Ca ne vous rappelle pas la politique menée par le PCC en Chine ?

L’inflation augmente, il faut baisser les taux

Lors de la réunion de septembre 2022, la banque centrale turque a décidé de baisser son taux d’intérêt directeur de 100 points pour le ramener à 12 %. Les marchés ont été surpris, car ils s’attendaient à ce qu’ils restent globalement stables à 12 %. Depuis un an, on assiste à une baisse de 700 points des taux d’intérêt accompagnant une chute de près de 50 % de la lire turque. 

En termes réels, la Turquie a l’un des taux d’intérêt les plus faibles du monde : -60 % ! Autant dire que votre épargne fond comme la neige au feu. Les investisseurs étrangers l’ont bien compris et se dirigent vers des devises étrangères. Et tant que les taux nominaux seront inférieurs aux taux d’inflation, cette spirale destructrice continuera de faire des dégâts.

Les États modernes n’ont jamais été vraiment indépendants des banques centrales. Dès lors qu’une crise survient, ils ont tendance à se rapprocher un peu plus de leur enfant qui organise la production monétaire sur le territoire. C’est ainsi qu’il y a un an, lorsque la crise monétaire s’intensifiait en Turquie et que le banquier central Naci Agbal augmentait les taux, Erdogan le limogeait pour le remplacer par un ami qui a rapidement abaissé les taux comme l’exigeait le chef.

Solution n°1 : augmenter les taux

La première chose à faire pour freiner l’effondrement de la lire Turque est de cesser d’alimenter l’inflation. Pour l’instant, nous n’avons pas trouvé mieux qu’augmenter les taux d’intérêt. La Turquie traversera alors sans doute une forte récession durant quelques années, le temps de purger l’économie des mauvais investissements. Toutefois, des taux élevés pourraient attirer de nouveaux capitaux étrangers comme en 2018 et favoriser l’épargne nationale.

Pour cela, Erdogan doit abandonner l’idée que l’on lutte contre l’inflation avec des taux négatifs. Il devra sans doute limoger son ami banquier central pour le remplacer par un économiste plus orthodoxe, capable de tenir le cap jusqu’à l’éradication du mal inflationniste. Un Paul Volcker turc.

Les stablecoins pour sauver son épargne

Comme dans la majorité des pays émergents qui traversent un phénomène d’hyperinflation, les gens rationnels cherchent à échanger leur shitcoin national contre un substitut plus stable pour transporter leur pouvoir d’achat dans le temps. 

En général, il s’agit du dollar américain qui demeure la monnaie la plus fiable du monde. De plus en plus de Turcs acquièrent également des stablecoins dollars comme l’USDT pour espérer se réveiller avec un capital plus ou moins identique à celui de la veille. L’argent tokénisé, c’est-à-dire les cryptomonnaies adossées à des réserves très liquides à court terme et de grande qualité sont très utile dans les pays victimes d’inflation. 

Avec un simple mobile, il est possible de conserver souverainement son épargne en dollars US et de l’échanger pour des frais minimes à travers des réseaux Layers 2 comme Polygon.

En effet, même si les paiements en crypto sont interdit par la loi, la majorité des grandes villes permettent aux gens d’échanger leur lire turque contre du BTC ou de l’USDT. On peut même parfois retrouver des distributeurs de bitcoins.

Le problème de la confiance

« On ne peut pas faire confiance à l’Etat pour gérer la monnaie. Si on lui laisse les clefs de la machine, à la moindre crise, il utilisera ce prétexte pour augmenter la masse monétaire en circulation, ce qui est un viol inacceptable du droit de propriété. Une chose particulièrement inique. ».

Telle est l’idée qui a motivé la création de Bitcoin : un cash électronique que l’on échange de pair-à-pair sans avoir besoin d’un intermédiaire à qui faire confiance. Un intermédiaire qui a tendance à nous trahir systématiquement.

Bitcoin ne comportera que 21 millions d’unités et pas une de plus. Sa construction logique, fondée à la fois sur des primitives cryptographiques solides et une communauté incitée économiquement à agir dans la préservation du protocole permet de régler définitivement le problème fiat. Ces deux éléments aboutissent à une gouvernance spontanée qui limite le risque de modification de la politique monétaire.
« Nous avons maintenant abaissé le taux d’intérêt à 12 %. Est-ce suffisant ? Ce n’est pas suffisant. Il faut que cela descende encore plus bas. », Erdogan.

Erdogan, Stephanie Kelton : même combat

Erdogan est sans doute un agent double au service de l’agence de renseignement « Satoshi ». En déclarant la guerre aux taux d’intérêt qui seraient à l’origine de l’inflation, il espère sans doute conduire la Turquie vers l’anarchie monétaire. A partir de là, il deviendra évident que la monnaie a besoin d’être définitivement séparée de l’Etat. L’alternative Bitcoin deviendra alors évidente.

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