Réinventer le Réseau Social : Rencontre avec les architectes de Republike
Dans un paysage numérique où prédominent des géants centralisés dont les modèles économiques reposent principalement sur la publicité et l’exploitation des données personnelles et où les alternatives dites web3 peinent à s’affranchir de la dépendance financière au temps d’écran des utilisateurs et à tous les biais qui en découlent (polarisation des univers, contenus clickbaits et uniformes, censure, prolifération des fake news, addictions numériques), une plateforme nommée Republike a fait son apparition et offre de nouvelles perspectives. Cette plateforme d’un autre genre vise à transformer radicalement nos relations aux réseaux sociaux. Pour ce faire, elle opère un retournement complet des modèles économiques existants, faisant passer les utilisateurs du statut de produit (par le drainage et la revente des données personnelles) à celui de copropriétaires, gestionnaires et bénéficiaires de la plateforme. Nous avons rencontré Etienne de Sainte-Marie et Julien Gerardot, les fondateurs, pour explorer cette idée innovante.
Pourriez-vous nous donner un aperçu succinct de ce qu’est Republike ?
ESM : Republike est avant tout un modèle pour une nouvelle façon de “faire du réseau social” , conçu pour nous libérer de l’économie de l’attention et de toutes ses conséquences délétères sur le paysage digital comme la polarisation des idées, la difficulté croissante pour échanger entre opinions différentes, la violence et la censure, la généralisation des contenus plats ou l’augmentation des fake news et des addictions numériques. En effet, quand un modèle économique a pour principal objectif la captation par tous les moyens de l’attention et non la valeur réelle qu’il peut délivrer, on ne peut pas s’attendre à ce qu’il en ressorte beaucoup de satisfaction de long terme pour les utilisateurs. En fait, ça ne diffère en rien d’une forme d’hypnose collective. A contrepied de cette approche, en plaçant les utilisateurs au cœur du système en tant que véritables propriétaires, bénéficiaires, gestionnaires participant au financement de la plateforme, Republike se libère de la dépendance financière à l’attention des utilisateurs et peut dès lors réinventer de fond en comble l’engagement en ligne, en favorisant des interactions sociales plus authentiques et en mettant l’accent sur la liberté d’expression et la variété et la qualité des contenus.
JG : Au-delà de la vision de Republike, il est crucial de reconnaître que les réseaux sociaux ayant promis de nous unir ont aussi souvent produit l’effet inverse… Et cela s’intensifie, la culture qui se forme au sein des plateformes dominantes a tendance à diviser et pervertir, en raison des modèles économiques toxiques de la gratuité contre de l’attention. Republike est le réseau social payant qui appartient à ceux qui créent et apportent de la valeur, les utilisateurs.
Quelle a été l’étincelle initiale qui a donné naissance à Republike ? Pouvez-vous nous partager l’histoire derrière la création de cette plateforme ?
ESM : A l’origine, Republike est née d’un désir de libérer les utilisateurs de la domination des algorithmes, en créant un espace où le contenu reflète les véritables préférences des utilisateurs plutôt que des réactions impulsives à des contenus sponsorisés ou poussés par le machine learning. C’est lors des élections présidentielles américaines de 2020, en sondant des utilisateurs, que nous avons pris conscience de l’existence de problèmes bien plus profonds encore peu apparents à l’époque, ce qui nous a rapidement amené à la conclusion qu’il fallait repenser le concept même de réseau social.
JG : L’innovation technologique seule ne suffit pas à résoudre les problèmes fondamentaux auxquels nous faisons face. Avant de se précipiter vers les nouvelles technologies et d’imaginer le metaverse ou tiktok 2.0, nous étions animés par la conviction qu’il fallait commencer par “réparer” les réseaux sociaux qui divisent et nous polarisent aujourd’hui. Nous avons besoin d’un espace neuf et vertueux pour effacer la toxicité des plateformes de discussion et les pièges à clics des feeds au profit d’une plateforme pour des interactions plus profondes et significatives pour le collectif.
Votre slogan met en avant l’idée de rendre les utilisateurs propriétaires. Pouvez-vous préciser ce concept ? Comment cela se matérialise-t-il concrètement sur Republike ?
ESM : Dans l’industrie des réseaux sociaux, les utilisateurs sont bien plus que de simples consommateurs; ils sont le cœur et la valeur des plateformes. Certes ils consomment le contenu mais avant tout ils le créent. Sans eux, pas de réseau. Pourtant, depuis l’aube des réseaux sociaux globaux il y a une vingtaine d’années, au lieu d’être valorisés et rétribués, ils sont essorés et leurs données drainées et monétisées par les plateformes sans aucune contrepartie autre que la sois-disant “gratuité”, dont le coût global à long terme est en réalité exorbitant pour eux et pour la société. En réalité, les utilisateurs des RS sont des produits. Pour rompre avec cette dynamique, nous avons élaboré un modèle économique innovant, le ‘Pay-to-Own‘.
JG : Dans ce modèle, les contributions financières des utilisateurs ne sont pas de simples transactions. Elles affranchissent la plateforme de la dépendance financière à l’attention des utilisateurs, qui est donc la racine de tous les maux, tout en leur donnant en contrepartie une part concrète dans le projet. Aujourd’hui, en phase de pré lancement, les utilisateurs reçoivent des tokens AURE, un actif digital que nous distribuons régulièrement et qui nous permet de partager avec eux la valeur créée ensemble. Dans le modèle cible, cela passera par un security token qui octroiera directement des parts du projet à la souscription. L’idée est aussi que, tout comme vous prenez soin de votre maison parce qu’elle vous appartient, en devenant co-propriétaires de Republike, les utilisateurs seront motivés à enrichir et à prendre soin de la plateforme, et bénéficieront directement de son succès, tant sur le plan de la qualité des interactions et du contenu sur la plateforme que celui de la redistribution future des profits..
Votre plateforme promet des récompenses concrètes pour les contributions des utilisateurs. Comment ce modèle se distingue-t-il de celui d’autres plateformes, comme X, où les créateurs de contenu sont également rémunérés ?
ESM : Notre approche, bien qu’elle puisse sembler similaire à celle de X en apparence, est en réalité radicalement différente. Sur X, la rémunération des créateurs est liée à la volumétrie de l’engagement, conséquence directe de la course à l’attention. A l’inverse, notre système récompense non pas la quantité, mais l’apport réel le plus objectif possible à la communauté que nous évaluons au travers de l’engagement généré certes mais celui-ci étant passé par le filtre de valeurs universelles (respect, intention constructive) que le design de Republike a été pensé pour favoriser et évaluer. Notre processus de modération joue un rôle déterminant pour filtrer la qualité. En se focalisant sur le contexte émotionnel et l’intention derrière chaque post, il permet une richesse de contenus et d’échanges largement supérieure en favorisant des interactions plus saines et plus authentiques. Cela nous permet de créer un environnement où le contenu est évalué de manière plus holistique. En outre, notre modèle de récompense ne se limite pas à des incitations financières. Il intègre des aspects de reconnaissance communautaire et de participation à la gouvernance de la plateforme, offrant ainsi aux utilisateurs un sentiment d’appartenance et de responsabilité envers l’écosystème de Republike. C’est cette combinaison d’engagement qualitatif, de modération contextuelle et de récompenses diversifiées en lien direct avec l’intérêt général de la communauté qui distingue notre modèle de ceux des autres plateformes.
Quels bénéfices concrets Republike offre-t-il à ses utilisateurs, au-delà des aspects techniques et économiques ?
ESM : Les retours de nos utilisateurs mettent en avant plusieurs avantages clés de Republike. Premièrement, ils apprécient la possibilité d’exprimer leur authenticité sans contraintes. La qualité des interactions sur notre plateforme est également très valorisée puisqu’elle permet des échanges plus riches et plus significatifs. De plus, les utilisateurs se sentent libérés des restrictions habituelles de la censure et de l’autocensure, tout en bénéficiant d’un environnement respectueux et sécurisé. Tout ça n’est pas du déclaratif de ma part, ça a été unanimement remonté par les utilisateurs de la plateforme, avec des mots très proches.
En second lieu, la perspective de gagner de l’argent est attrayante, mais c’est surtout la possibilité de devenir copropriétaire de la plateforme et par là même de prendre part à un projet de long terme qui inclut une dimension humaine et sociétale profonde, qui répond à un besoin réel de notre époque, qui suscite un intérêt particulier. Cette opportunité unique, avec les divers “enablers” qui l’accompagnent, renforce le sentiment d’appartenance et encourage les utilisateurs à contribuer activement à l’enrichissement de la communauté. En somme, Republike offre une expérience utilisateur franchement nouvelle, même à ce stade préliminaire (le lancement officiel de la v1 aura lieu en février) , où l’authenticité, la qualité des échanges et la participation active à la construction du réseau sont des réalités.
JG : Republike aspire à être le réseau dans lequel nous pouvons être qui nous sommes réellement, avec nos forces et nos faiblesses. Nous envisageons un espace où les interactions ne sont pas seulement libres et authentiques, mais aussi éducatives et enrichissantes, formant une communauté d’utilisateurs propriétaires unie non pas uniquement par des contenus, mais par une culture commune et vertueuse, dans le but de s’élever collectivement.
Comment Republike, en tant que plateforme payante, contribue-t-elle à la défense de la liberté d’expression ?
ESM : Notre approche payante chez Republike est fondamentalement liée à notre engagement envers la liberté d’expression et l’authenticité qui pour l’essentiel a disparu des interactions et des contenus. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, le fait de payer pour accéder à la plateforme ne restreint pas la liberté d’expression, mais la renforce. Dans les systèmes reposant sur la captation de notre attention, ce qui compte n’est pas d’abord la liberté mais la promotion des contenus qui font réagir et / ou maximisent le temps d’écran. La qualité ou même, poussons un peu, la vérité, sont des critères accessoires : en aucun cas cela ne signifie que ces plateformes font la promotion de la médiocrité ou du mensonge, ce n’est ni ce que nous disons, ni ce que nous pensons, mais simplement que ces notions n’entrent pas dans les principes structurels de base de leurs modèles.
Pour ouvrir au maximum la liberté d’expression tout en garantissant la sécurité et une expérience saine, notre système de modération unique en son genre ne se contente pas de juger le contenu en surface, mais cherche à identifier l’intention et le contexte émotionnel derrière chaque publication pour déterminer si le contenu a sa place ou pas. On peut en effet en arriver à des échanges très violents sur des sujets anodins si l’état d’esprit n’est pas bon, et à l’inverse à des interactions de qualité, même à partir de vues différentes, sur des sujets beaucoup plus sensibles (politique, société, religion) si l’intention est saine de part et d’autre..
Lorsqu’un contenu est signalé, un groupe d’utilisateurs est sélectionné aléatoirement par le système pour le processus de décision. Ces utilisateurs, qui ne peuvent se concerter, évaluent le contenu en se basant sur une analyse approfondie de son contexte et de son intention. Ceux qui se rangent du côté majoritaire dans leur évaluation sont récompensés, ce qui encourage une prise de recul sur ses propres opinions et peut amener à rejeter des contenus auxquels on adhère et inversement à en valider d’autres qui ne correspondent pas à nos vues.
JG : Sur internet et plus spécifiquement les réseaux sociaux, on trouve de tout, il y a dans tous les sujets, du vrai dans le faux et du faux dans le vrai. Il est extrêmement chronophage, voire devenu impossible de s’informer consciemment. Il est, de notre point de vue, inutile de créer un réseau qui prône une liberté d’expression absolue, semblable à celle de X, sans s’appuyer sur un pacte social et moral universel. En payant pour accéder à un espace qui n’est pas dépendant de l’économie de l’attention, je favorise la convergence des utilisateurs autour de l’envie de dialoguer dans des conditions propices, puisque je ne suis plus là pour être vu et entendu à tout prix comme souvent ceux dont la voix est amplifiée par les algorithmes.
Comment les principes du Web3 s’intègrent-ils dans l’écosystème de Republike et quel est leur impact sur l’expérience utilisateur globale ?
ESM : L’intégration du Web3 dans Republike est un élément clé de notre vision, mais en support et strictement là où cela apporte une valeur substantiellement différenciante. Jamais autrement ni pour le buzz. Nous prévoyons d’adopter les technologies Web3 et blockchain de manière stratégique et réfléchie.
La modération de contenu bénéficiera également de la transparence et de la décentralisation offertes par la blockchain, permettant une approche plus équitable et participative. Le système d’engagement et de réputation, qui joue un rôle crucial dans la détermination des niveaux de profil des utilisateurs, sera également influencé par les technologies Web3.
JG : Nous souhaitons redéfinir profondément l’engagement sur les réseaux sociaux. Celui principalement fondé sur des logiques volumétriques et individualistes (de likes, de posts, de commentaires, de vues, de temps passé, de clics…) au profit d’un modèle de réputation qui favorise le collectif et permet aux utilisateurs engagés de s’impliquer dans la gouvernance du projet.
L’objectif est simple : plus il y a de monde sur la plateforme, plus on crée de la valeur ensemble et plus on redistribue cette valeur aux utilisateurs actifs.
Le “Pay-to-Own”, inspiré du Web3, rétribue la valeur et favorise le partage. Il permet à l’utilisateur de se sentir réellement chez lui avec d’autres contributeurs qui ont compris que nous avions besoin d’une base de respect et de responsabilité commune pour créer des connexions.
Quelles sont les perspectives d’avenir pour Republike ? Comment envisagez-vous de continuer à innover dans le domaine des réseaux sociaux ?
ESM : Pour l’avenir de Republike, notre vision est claire : nous voulons démontrer qu’il est possible de sortir de l’économie de l’attention qui a profondément influencé nos sociétés depuis 20 ans et qu’à plus ou moins long terme c’est non seulement nécessaire mais permet aussi de construire des médias sociaux d’une qualité largement supérieure, capables d’avoir un impact positif non seulement dans les interactions digitales mais sur la société en général..
Notre ambition est de démontrer que le modèle Pay-to-Own permet non seulement de régler les problèmes qui minent les RS depuis 20 ans mais qu’à terme il corrige une anomalie (la soi-disant gratuité de capitalisations gigantesques) et recouvre une forme d’évidence. C’est en tout cas un message auquel les utilisateurs concernés par les problèmes des RS globaux ont été directement sensibles, comme en témoigne le fait que, durant notre phase Alpha, une proportion significative d’utilisateurs a choisi l’option payante, alors même qu’une alternative gratuite était offerte.
Notre objectif à long terme est d’ancrer ce modèle dans les habitudes des utilisateurs et de contribuer à ce qu’il essaime dans d’autres projets et se généralise. Si nous y parvenons, cela représentera une avancée majeure : cela pourrait transformer la manière dont les réseaux sociaux sont utilisés, les rendant plus sains et plus équilibrés, et permettre d’exploiter leur énorme puissance à des fins plus constructives pour la société.
En résumé, notre ambition chez Republike est de redéfinir les interactions en ligne, en mettant l’accent sur l’authenticité, la qualité et la propriété partagée, tout en intégrant des technologies de pointe comme la blockchain et l’IA là où elles permettent une avancée décisive dans des utilisations concrètes. Nous voulons être acteurs du changement dans le paysage des réseaux sociaux, en influençant positivement notre rapport à la technologie et à la société numérique.
JG : Côté produit, nous allons transformer l’algorithme des réseaux sociaux, qui est aujourd’hui “le pote” qui te recommande des contenus dans le but de te faire consommer en “véritable ami” qui est là pour te tirer vers le haut, challenger tes idées et tes opinions en te proposant aussi des contenus différents. Tout cela de manière parfaitement transparente et paramétrable par l’utilisateur. C’est l’une des clés pour conserver la richesse que peut apporter le machine learning et sortir de l’économie de l’attention.
REPUBLIKE AI, va très vite arriver aussi, pour te challenger dans la conception de tes posts, mais aussi sur les feeds, en pointant du doigt les logiques fallacieuses par exemple ou les contenus douteux sans source qui prêtent à confusion. L’IA si elle est correctement entraînée, encadrée et finement alignée, offre des perspectives nouvelles comme il n’y en a jamais eu auparavant, aussi bien en termes de surveillance que d’agencement des contenus. C’est la clef pour sortir de plateforme dans lesquelles les contenus périment trop vite au profit de matières faciles à digérer et fabriquer du like.
Etienne de Sainte Marie et Julien Gerardot nous ont offert un aperçu fascinant de la vision et des ambitions de Republike. Cette plateforme se distingue par son désir de transformer les utilisateurs en acteurs et copropriétaires de leur espace numérique, en encourageant des interactions plus authentiques et de qualité. En s’écartant des modèles économiques traditionnels axés sur l’économie de l’attention et en adoptant des technologies innovantes telles que le Web3 et la blockchain, Republike se positionne comme un pionnier potentiel dans la révolution des réseaux sociaux. Cette initiative promet non seulement de redéfinir notre manière d’interagir en ligne, mais aussi d’avoir un impact positif sur notre relation avec la technologie et le monde numérique.
Maximisez votre expérience Cointribune avec notre programme 'Read to Earn' ! Pour chaque article que vous lisez, gagnez des points et accédez à des récompenses exclusives. Inscrivez-vous dès maintenant et commencez à cumuler des avantages.
L'équipe éditoriale de Cointribune unit ses voix pour s’exprimer sur des thématiques propres aux cryptomonnaies, à l'investissement, au métaverse et aux NFT, tout en s’efforçant de répondre au mieux à vos interrogations.
Les contenus et produits mentionnés sur cette page ne sont en aucun cas approuvés par Cointribune et ne doivent pas être interprétés comme relevant de sa responsabilité.
Cointribune s’efforce de communiquer aux lecteurs toutes informations utiles à disposition, mais ne saurait en garantir l’exactitude et l’exhaustivité. Nous invitons les lecteurs à se renseigner avant toute action relative à l’entreprise, ainsi qu’à assumer l’entière responsabilité de leurs décisions. Cet article ne saurait être considéré comme un conseil en investissement, une offre ou une invitation à l’achat de tous produits ou services.
L’investissement dans des actifs financiers numériques comporte des risques.
Lire plus