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Qui va remplacer le dollar ?

lun 06 Fév 2023 ▪ 17 min de lecture ▪ par Satosh

Il est courant d’entendre dans l’écosystème crypto que le dollar est littéralement sur son lit de mort. Agonisant, le billet vert serait sur le point de disparaître, remplacé par l’or, le yuan ou le bitcoin. Ce ne serait qu’une question de temps avant que l’Empire Américain et sa devise nationale perdent leur suprématie. Qu’en est-il vraiment ?

Dollar vs yuan

Guerre monétaire et puissance

Beaucoup de gens considèrent la monnaie, comme une continuation de la politique par d’autres moyens, pour reprendre les mots de Clausewitz. Pour un État-Nation, avoir une devise puissante et stable permettrait d’exposer sa domination sur le monde. À l’inverse, une monnaie faible, ferait de votre pays la risée de la planète.

Ce n’est pas nouveau. Déjà, dans les années 20, Benito Mussolini à la tête de l’Italie fasciste, mena la bataille de la lire. Un épisode emblématique de la guerre monétaire qui a eu lieu au cours de cette décennie.

Lire italienne
Lire italienne

Il s’agissait de restaurer la puissance économique du pays en commençant par rendre à la monnaie nationale sa vigueur. Il appliqua ainsi une salve de mesures drastiques pour réévaluer la lire et s’affirmer face à la livre sterling britannique, qui était la puissance monétaire hégémonique depuis près d’un siècle.

Un peuple puissant descendant des valeureux soldats romains se devait d’avoir une monnaie forte dans laquelle on pouvait avoir confiance et qui ne se laissait pas écraser par les devises des démocraties libérales comme l’Angleterre. La guerre monétaire avant la guerre militaire.

On voit que dans l’histoire moderne, la force d’une monnaie est souvent allée de pair avec la puissance économique d’un pays. C’est pourquoi, lorsque les Américains lisent dans la presse des personnes brillantes comme Ray Dalio annoncer depuis des années que le dollar est sur le point de perdre sa suprématie, à l’instar de la livre dans les années 30, ils craignent que ce déclin ne soit le signe annonciateur de la déchéance de la Nation Américaine.

Alors, faut-il prendre au sérieux les prophéties de Ray Dalio et de Jack Dorsey ?

Russie, Chine, Inde, Brésil : des joueurs de ligue 2

Si certains lecteurs se sont laissé duper par la propagande du Kremlin, il est urgent de redevenir raisonnable en analysant objectivement la situation.

Pour rappel, c’est en 2001, qu’un économiste de Goldman Sachs a commencé à évoquer la thèse d’un reversement de l’ordre américain par l’émergence de nouvelles puissances. C’est la thèse des BRIC. Le Brésil, la Russie, l’Inde et la Chine, s’apprêteraient à supplanter le vieil Oncle Sam. Leurs atouts (notamment en matière démographique) devaient leur offrir une forte croissance dans les prochaines décennies, ce qui représenterait une thèse d’investissement extrêmement attrayante.

Si l’on prend du recul sur les deux dernières décennies, on se rend compte que parmi ces BRIC, il convient de distinguer la Chine et l’Inde qui ont effectivement tenu leurs promesses, de la Russie et du Brésil qui demeurent des nains économiques.

Certains dirigeants des BRIC ont pris très au sérieux et ont décidé que l’heure était venue d’organiser un vaste mouvement de recomposition de l’échiquier géopolitique mondial. Les BRIC devaient devenir un bloc de pouvoir, une sorte d’évolution du mouvement des pays non alignés d’après-guerre, mais qui désormais avait la capacité de dérober aux États-Unis et à l’Europe le contrôle des institutions économiques mondiales.

Face au système dollar, peu de résultats

Plusieurs initiatives ont ainsi été lancées depuis le début des années 2000 : création de la nouvelle banque de développement pour concurrencer la banque mondiale ou encore création d’un fond de réserves en tant qu’alternative au FMI, pour se prêter des liquidités lors d’une crise monétaire.

Quel est le résultat de ces initiatives ? Assez médiocre, il faut le reconnaître. Par exemple, la nouvelle banque de développement n’a pratiquement pas déboursé de prêts si bien que l’économiste de Goldman Sachs à l’origine du concept de BRIC a parlé d’un « projet décevant ». Surtout, lorsque le tsar Poutine a décidé d’envahir l’Ukraine, la banque a définitivement coupé ses liens avec la Russie. Même bilan pour le fond de réserves qui n’a pas été très utile.

Beaucoup de bruit ; peu de résultats.

C’est pourquoi, il est important de se méfier des annonces fracassantes qui émanent du Kremlin. Par exemple, nous avons pu lire cet été, que la Russie était sur le point de développer une nouvelle monnaie de réserve mondiale aux côtés de la Chine et des autres pays des BRICS afin de contester la domination du dollar américain.

Dollar vs Monnaie BRICS ?

Il s’agirait d’émettre une nouvelle monnaie basée sur un panier devises des pays membres de ces pays pour diversifier les avoirs de leurs banques centrales. Une sorte de DTS mais cantonnés aux BRICS. Pour rappel, les droits de tirages spéciaux, créés en 1969 par le FMI pour remplacer l’or dans les transactions internationales sont basés sur un panier de devises composé de dollar, d’euro, de livre, de yen et du yuan.

Un moyen de construire une sphère d’influence alternative au système « otanesque » et d’attirer les réserves des membres du groupe, mais aussi des autres pays émergents comme au Moyen-Orient. Il faut dire que les sanctions financières décidées par les pays occidentaux ont exclu la Russie du système financier mondial, en gelant notamment près de 50 % de ses réserves de changes. La rapidité de réaction des Occidentaux a surpris les puissances émergentes, encourageant Moscou et Pékin à travailler de concert à une alternative.

« La question de la création d’une monnaie de réserve internationale basée sur le panier de monnaies de nos pays est à l’étude », Vladimir Poutine.

Un projet illusoire

En fait, il est assez peu probable qu’un tel projet se concrétise. En effet, pour lancer cette monnaie, il faudrait que le Brésil, l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud approfondissent leur coopération avec la Russie. Or, même si ces pays n’ont pas soutenu activement l’invasion de l’Ukraine, ils se sont légèrement éloignés de la Russie, dans une difficile position d’équilibriste. Comme on l’a dit précédemment, même la banque de développement des BRICS a coupé les ponts avec la Russie…

De plus, une telle monnaie conduirait naturellement à une domination du yuan dans le panier de devises puisque la Chine est indiscutablement le pays le plus puissant du groupe. Or, l’Inde et la Chine ne sont pas vraiment copains comme cochons et le premier n’accepterait pas de voir les entrées et les sorties de capitaux dans la roupie, être déterminées par la Banque centrale chinoise. En effet, alors que l’Inde risque de supplanter démographiquement la Chine, les tensions militaires s’intensifient ces dernières années dans la région du Ladakh. Modi a également interdit de nombreuses sociétés technologiques chinoises.

Il est donc peu probable que les deux géants, futurs rivaux pour devenir le concurrent numéro 1 des Etats-Unis décident de partager une monnaie commune, liant ainsi leur destin financier.

Bref, la probabilité de voir une monnaie « BRICS » dans les années à venir est très faible. N’écoutez pas les trolls russes qui sévissent par centaines sur Twitter pour nous faire croire que la Russie a réussi à rallier d’autres puissances dans sa croisade contre l’OTAN.

Dollar et pétrole : le divorce ?

Certains analystes nous expliquent que la suprématie du billet vert est inéluctable car les pays exportateurs se tournent vers d’autres devises pour vendre leur pétrole. On parle de pétrodollars pour faire référence aux recettes d’exportation de pétrole libellées en dollars. Pour rappel, des pays comme l’Arabie saoudite vendent leurs hydrocarbures à des pays importateurs en échangent de dollars américains. Ensuite, ces dollars servent à acheter des actifs comme des bons du Trésor américain, qui sont parmi les plus sûrs du monde. Par exemple, un accord entre l’Arabie saoudite et les États-Unis a été conclu en 1974 pour transférer les pétrodollars saoudiens dans des bons du Trésor américains.

En effet, dans l’hypothèse où les pays exportateurs s’orienteraient vers d’autres devises pour vendre leur pétrole ou s’ils cessaient d’acquérir des bons du Trésor américains, alors la demande mondiale de dollars s’effriterait. Les pays importateurs devraient par exemple acquérir des yuans au lieu de dollars pour payer leur énergie. Et si les exportateurs acceptaient toujours du dollar, mais décidaient d’acquérir des actifs non libellés en dollars par la suite, cela les conduirait à vendre leurs dollars en échange d’autres devises.

Dans les deux cas, on pourrait s’attendre à une dépréciation du dollar. Mais encore faut-il que ce désir de s’émanciper du dollar naisse au sein des pays exportateurs…

Le PCC et le contrôle des capitaux

La Chine n’est toujours pas prête à embrasser pleinement l’ouverture des capitaux. Le PCC craint trop de voir le yuan s’envoler ce qui dégraderait la compétitivité prix des exportations chinoises. Or, tant que la Chine n’acceptera pas de renoncer au contrôle de son taux de changes, les pays exportateurs de pétrole resteront hésitants à investir dans des actifs libellés en yuan. En effet, accepter la monnaie chinoise serait surtout utile pour investir en Chine.

Et puis, même si Xi Jinping nous surprenait en cessant de contrôle les flux de capitaux (après tout la fin de la politique du zéro covid était inattendue), les pétrodollars représentent une faible demande. Par exemple, les réserves de change de l’Arabie saoudite ne représentent que 470 milliards de dollars, soit un tout petit peu plus que celles de Hong Kong.

Bref, la suprématie du dollar ne repose pas vraiment sur les ventes/achats de pétrole et si les réserves de changes des principales banques centrales sont constituées de billets verts, ce n’est pas vraiment pour acheter du pétrole. C’est avant tout parce que les États-Unis constituent la première économie, le premier importateur de biens, avec des marchés de capitaux liquides soutenus par l’État de droit et une puissance militaire extraordinaire.

Quelle alternative au dollar ?

Les « Golden Boys » évoquent le retour de l’or dans le cadre d’une renaissance des accords de Bretton Woods. (Au passage, acheter des ebooks de youtubeurs qui vous parlent d’investissement dans l’or en vous montrant des analyses chartistes et des communiqués de l’état-major russe ou iranien est une initiative hautement risquée).

Les shitcoiners parlent d’un nouveau super stablecoin adossé à l’or et émis sur une blockchain obscure comme Ripple par un tandem Iran-Russie. Et même si cette idée originale venait à se concrétiser, encore faut-il que d’autres pays décident d’acquérir ce stablecoin. Or, pour quoi faire ? Si des pays veulent investir en Iran ou en Russie, il suffit d’acquérir dès aujourd’hui du rouble et des rials. Or, personne ne fait ça. Et donc, personne ne ferait ça demain. Les banques centrales ne vont pas FOMO le nouveau stablecoin du Kremlin, car il y a le mot “blockchain” qui apparaît dans un communiqué des mollahs.

Ah oui ! Il y a aussi ceux qui parlent de l’hypothèse d’une monnaie commune entre le Brésil et l’Argentine. Le « SUR ». A-t-on réellement besoin d’expliquer en quoi ce projet n’a aucun sens. Tout d’abord, quel dirigeant sain d’esprit peut vouloir lier sa politique monétaire à celle de l’Argentine (qui a enregistré une inflation de près de 100 % au cours de l’année 2022 et qui est au bord de l’insolvabilité) ? Et puis, même si ça se concrétisait, qui peut réellement penser une seconde que ce shitcoin binational pourrait concurrencer le dollar ? Soyons sérieux.

« L’une des idées les plus stupides que j’aie jamais entendues », Mark Sobel, Trésor américain.

Un recul relatif du dollar

Alors même si le dollar demeure en excellente position en raison de l’absence de concurrent sérieux, on peut raisonnablement s’attendre à un recul relatif du dollar. Depuis deux décennies, on observe une tendance à la baisse de la part des réserves de change libellées en dollars. Autrement dit : le dollar demeurera probablement la principale devise de réserve internationale, mais elle sera de moins en moins hégémonique au cours du siècle.

Des pays comme la Chine, la Russie ou la Turquie se sont par exemple constitué d’importantes réserves d’or. De plus, la diversification se fait également en faveur du yuan, de dollars canadiens et australiens, de won sud-coréen ou encore de franc suisse.

On peut également s’attendre à ce que certaines banques centrales commencent à acquérir des BTC pour se protéger des sanctions occidentales. Il s’agirait d’un actif intéressant en raison de sa propriété exceptionnelle à résister à la censure.

Bref, le privilège américain n’est pas près de mourir. Les Américains (sociétés et particuliers) pourront continuer à bénéficier d’emprunt à bon marché grâce à la détention d’actifs libellés en dollars par les autres pays.

Un flatcoin émis sur Bitcoin pour remplacer le dollar ?

Alors si Ray Dalio a récemment critiqué bitcoin pour sa capacité à transférer le pouvoir d’achat dans le temps, il s’est en revanche positionné en faveur d’une crypto qui aurait pour objectif de lutter contre l’inflation.

« Bitcoin ne sera pas une monnaie efficace. Ce n’est pas un stockage efficace de la richesse. Ce n’est pas un moyen d’échange efficace ».

« Chaque individu, que veut-il ? Ils veulent sécuriser leur pouvoir d’achat. Si vous créez une pièce qui dit ‘voici un pouvoir d’achat dans lequel je sais que je peux épargner, et placer mon argent sur une période de temps et ensuite, je peux effectuer des transactions n’importe où’, je pense que ce serait une bonne pièce », Ray Dalio.

Ray Dalio

Brian Armstrong parle de plus en plus du flatcoin

Cela me fait penser à la proposition de flatcoin, émise par Brian Armstrong, le fondateur de Coinbase. En effet, Bitcoin n’est pas une monnaie et encore moins une monnaie résistante à l’inflation. C’est une marchandise très volatile qui a pour principal objectif d’être résistante à la censure. Cette caractéristique d’incensurabilité lui donne sa valeur.

Mais pour concurrencer réellement le dollar, nous avons besoin d’une crypto qui soit à la fois résistante à la censure et résistante à l’inflation. Se pourrait-il qu’un jour un tel projet naisse sur la blockchain Bitcoin à l’aide de protocole comme RGB ? Pour ce faire, il faudra sans doute utiliser un panier de biens réels tokenisés.

Le seul concurrent sérieux pour remplacer le dollar est le yuan. Mais encore faut-il que la Chine décide de laisser flotter sa monnaie, d’embrasser l’ouverture des capitaux et de mettre fin à son autoritarisme économique en se dotant d’une législation digne de confiance autour du droit de propriété. Dans ce cas précis, alors en effet, le dollar aurait vraiment du souci à se faire et nous pourrions assister la transition prophétisée par Ray Dalio, semblable à celle entre le Royaume-Uni et les États-Unis en 1945. Alors même si le Parti Communiste Chinois de Xi Jinping ne semble pas prêt à accepter pleinement l’économie de marché, l’histoire demeure imprévisible et le pragmatisme chinois a parfois accouché de miracles, comme sous Deng Xioping.

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Satosh

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