Qui sont les grands gagnants de la chute de FTX ?
Dans cet article, nous abordons un des rares sujets qui concernent absolument tous les détenteurs de cryptomonnaies : le stockage de cryptos. La débâcle de FTX a redistribué les cartes entre échanges centralisés (CEX), échanges décentralisés (DEX) et Cold Wallets. « Au milieu de la difficulté, se trouve l’opportunité », déclarait justement Albert Einstein. Cette citation est on ne peut plus vraie dans le contexte de la crise de confiance que nous traversons. Est-ce la fin des CEX ? Est-ce l’avènement des DEX et des Cold Wallets ? Les CEX peuvent-ils tirer leur épingle du jeu et sortir plus forts de cette crise ? Nous allons traiter de tous ces sujets, qui peuvent être un peu plus complexes que ce que l’on pourrait penser à première vue. Nous allons tout particulièrement nous intéresser aux cas de Ledger, Telegram, Binance et Bybit.
Les CEX sont dans la tourmente
Les plateformes centralisées (CEX) sont les plus connues et les plus utilisées. Binance, Coinbase, Crypto.com ou encore Bybit sont quelques CEX incontournables. Ces échanges sont « centralisés » puisqu’ils occupent une position d’intermédiaire entre les acheteurs et les vendeurs de cryptomonnaies par le biais de leur plateforme. Les échanges centralisés sont donc similaires aux bourses traditionnelles, sauf qu’ils tradent des cryptomonnaies plutôt que des actions. Les CEX sont aujourd’hui source d’inquiétudes et objets de critiques.
- Le risque de contagion : en raison des liens entre plateformes, on craint évidemment un effet domino à la suite de l’effondrement de FTX. Il existe effectivement un risque de faillites en cascade. Cela a déjà commencé avec la faillite du prêteur numérique BlockFi.
- La crainte de retraits massifs menant à l’illiquidité : même pour les plateformes qui étaient faiblement exposées à FTX, sa chute a suscité une inquiétude généralisée par rapport aux CEX. Un affolement général pourrait conduire les utilisateurs à vouloir retirer en urgence leurs actifs des CEX. Ce qui pourrait consommer toutes les réserves des plateformes qui se retrouveraient alors en situation d’illiquidité, voire d’insolvabilité. Par exemple, Binance fait actuellement face à des retraits massifs. Plus de 3 milliards de dollars en une semaine ! Cela pourrait créer un cercle extrêmement vicieux. Par mimétisme, d’autres utilisateurs pourraient également retirer leur argent de la plateforme par peur que Binance s’effondre. Dans le pire scénario, cela pourrait effectivement mener à un effondrement « auto-réalisateur » de la plateforme. Toutefois, CZ reste confiant et très rassurant.
- Le manque de supervision et le risque de fraudes de la part du CEX : Comme le dit l’adage : « Not your key, not your Bitcoin ». L’utilisateur est donc totalement dépendant du bon fonctionnement et de la bonne santé du CEX qui détient ses cryptomonnaies. Or, en raison du flou réglementaire, de la méconnaissance et du manque de supervision, les CEX peuvent commettre des fraudes ou être de véritables systèmes de Ponzi. Ce fut le cas avec FTX et son sulfureux PDG, Sam Bankman-Fried… Les contrôleurs sont parfois dépassés par les entreprises cryptos. Leurs audits de sociétés crypto ne sont pas aussi satisfaisants et fiables que ceux des entreprises de secteurs plus traditionnels. Par exemple, John Reed Stark, un ancien régulateur issu de la SEC, affirmait que « L’audit [de Mazars] sur la « Proof of Reserve » de Binance ne traite pas de l’efficacité des contrôles financiers internes et ne se porte pas garant des chiffres […] J’ai travaillé à la SEC pendant plus de 18 ans. C’est ainsi que je définis un red flag. » D’ailleurs, comme un aveu de son impuissance et de son incapacité, le cabinet d’audit Mazars vient récemment de lâcher Binance, KuCoin et Crypto.com…
- Les piratages et les vidages de compte : les exemples de CEX victimes d’attaques cybercriminelles sont malheureusement légion. Des hackers tentent de trouver une faille dans le système de sécurité de ces plateformes. Leur objectif est de dérober des sommes importantes dans les wallets des utilisateurs. On peut par exemple citer le célèbre vol de 850 000 BTC lors du piratage subi par Mt Gox en 2014. Ce vol avait forcé l’exchange, le plus utilisé de l’époque, a déposé le bilan.
La désintermédiation et la décentralisation du stockage de cryptomonnaies
En raison de la baisse de confiance, de plus en plus de personnes se tournent vers des solutions décentralisées pour conserver leurs cryptomonnaies en toute sécurité. La désintermédiation et la décentralisation du stockage de cryptomonnaies est actuellement la tendance forte résultant de la faillite retentissante de FTX. Les échanges décentralisés (DEX) et les Cold wallets ont le vent en poupe. Est-ce vraiment étonnant ? Après tout, la désintermédiation et la décentralisation sont la valeur intrinsèque qu’apportent les cryptomonnaies et l’innovation blockchain. La chute de FTX a juste accéléré une tendance qui se dessinait déjà.
L’essor des DEX
Les échanges décentralisés ne sont gérés par aucune entreprise. De plus, ils ne dépendent pas non plus d’une tierce partie pour gérer la maintenance des cryptos. Déjà en juin 2022, les DEX passaient devant les CEX en termes de volume de transaction. Cet essor s’explique par le fait que les DEX sont très prisés pour la DeFi (finance décentralisée). En effet, ils permettent à leurs utilisateurs d’échanger des centaines de paires de trading directement, sans intermédiaire, de pair à pair. À l’inverse, les transactions sur les CEX passent par un intermédiaire (la plateforme elle-même) qui fait office d’intermédiaire entre les acheteurs et les vendeurs de cryptomonnaies et touche une commission.
Parmi les principales plateformes d’échange DeFi, on peut citer DeFi Swap, APEX, Pancake Swap, Uniswap ou encore Curve. En raison de la croissance rapide de la DeFi, entre avril 2021 et avril 2022, 224 milliards de dollars ont été échangés sur les DEX. Le total des transactions sur les CEX n’a atteint que 175 milliards de dollars sur la même période. La désillusion FTX et la perte de confiance envers les CEX vont sûrement amplifier l’usage des DEX plutôt que des CEX. Toutefois, les DEX sont surtout utilisés pour la DeFi, le détenteur de crypto lambda se tournera plus volontiers vers un Cold Wallet que vers un DEX s’il ne veut plus stocker ses cryptos sur un CEX.
Les Cold Wallets cartonnent (et surtout Ledger) !
Les Cold Wallets permettent de stocker des actifs numériques hors ligne, grâce à un hardware. Ainsi, personne ne peut accéder à vos cryptomonnaies en ligne via Internet. Bien qu’elles soient de nature numérique, vos cryptomonnaies sont stockées sur un objet physique. C’est sans doute le portefeuille de stockage qui permet de sécuriser au mieux ses cryptomonnaies. C’est la sécurité maximale ! Plus de risque de piratages ou de fraudes d’un CEX.
Lorsque l’on parle de Cold Wallet, il est compliqué de ne pas évoquer le cas de Ledger. Ledger commercialise des clés physiques, ressemblant à des clés USB, et permettant le stockage de cryptomonnaies et de NFT. La licorne tricolore (startup valorisée à plus d’un milliard de dollars) a enregistré un mois record en novembre 2022. « L’entreprise a connu son meilleur jour historique, sa meilleure semaine et son meilleur mois », selon le PDG, Pascal Gauthier, au micro de BFMTV. Pour l’anecdote, à cause d’une affluence d’internautes trop importante, Ledger a même fait face à une panne de serveurs. Les ventes de l’entreprise ont été multipliées par quatre entre octobre et novembre 2022. Début 2023, la société pourrait avoir vendu plus de 6 millions de portefeuilles crypto !
Et si c’était l’occasion pour de nouveaux acteurs d’entrer sur le marché pendant la tempête ? L’exemple de Telegram…
De nouvelles entreprises veulent profiter de l’ascension de la décentralisation et des portefeuilles physiques. Selon le PDG de Telegram, Pavel Durov : « L’industrie de la blockchain a été construite sur la promesse de la décentralisation, mais a fini par se concentrer entre les mains de quelques-uns qui ont commencé à abuser de leur pouvoir. En conséquence, de nombreuses personnes ont perdu leur argent lorsque FTX, l’un des plus grands échanges, a fait faillite. » Pour éviter que cela arrive de nouveau, Telegram veut créer de nouveaux services décentralisés pour les utilisateurs de cryptomonnaies. Actuellement, nous savons simplement que la société chercherait à lancer des portefeuilles de cryptomonnaies non-custodiaux, ainsi que des échanges crypto décentralisés.
« La prochaine étape pour Telegram consiste à créer un ensemble d’outils décentralisés, y compris des portefeuilles non-dépositaires et des échanges décentralisés permettant à des millions de personnes d’échanger et de stocker en toute sécurité des cryptomonnaies. De cette façon, nous pouvons réparer les torts causés par la centralisation excessive, qui a laissé tomber des centaines de millions d’utilisateurs crypto », a déclaré le PDG de Telegram, Pavel Durov.
Toutefois, les CEX n’ont pas dit leur dernier mot
Attention ! Malgré leurs détracteurs actuels, il ne faut surtout pas enterrer les CEX. En effet, ils sont nécessaires à l’écosystème pour plusieurs raisons. Pour n’en citer que quelques-unes :
- Ils permettent l’échange instantané de crypto contre de la monnaie fiat (dollar, euro, yen, roupies, etc.).
- Les utilisateurs de CEX peuvent échanger des cryptomonnaies qui ne fonctionnent pas avec la même blockchain.
- Les CEX sont simples d’utilisation. Ils sont recommandés aux débutants qui veulent investir dans la crypto. Outre leur interface instinctive, ils disposent également de fonctionnalités avancées pouvant satisfaire les traders crypto plus aguerris.
Les CEX ne vont donc pas disparaître du jour au lendemain ! En réalité, la faillite de FTX peut conduire à une bonification et un assainissement des CEX. En effet, les utilisateurs exercent désormais une énorme pression pour que les plateformes centralisées soient davantage contrôlées et régulées, qu’elles améliorent leur système de sécurité et augmentent leurs réserves. C’est pourquoi, à moyen terme, la chute de FTX pourrait être avantageuse pour les CEX capables de prouver leur robustesse financière et la sécurité de leur système de protection.
À l’instar de Bybit, la disgrâce de FTX représente une opportunité pour d’autres CEX
Selon l’écrivain Honoré de Balzac, « dans les grandes crises, le cœur se brise ou se bronze ». Cette sentence s’applique parfaitement aux CEX. La débâcle actuelle des CEX représente l’occasion d’améliorer leur fonctionnement, leur système de sécurité, leur contrôle interne et externe, leur niveau de réserve…
Par exemple, la plateforme centralisée Bybit axe dorénavant « la transparence et la fiabilité » au cœur de sa stratégie, de ses investissements et de sa communication. Elle désire en faire son point de différenciation principal par rapport à ses concurrents. Pour ce faire, elle compte instaurer davantage de Proof-of-Reserves (PoR). Les Proof-of-Reserves font référence à des audits externes permettant aux CEX d’attester publiquement de la valeur de leurs réserves. Pour faire simple, Bybit se fait volontairement davantage contrôler par des vérificateurs indépendants pour prouver sa robustesse financière. L’objectif est de prouver que l’exchange est financièrement fiable, c’est-à-dire qu’il possède un montant égal ou supérieur à la somme des soldes des clients. La plateforme Bybit veut prouver qu’elle est solvable à tout moment. Qu’elle ne prête pas plus d’argent que le collatéral qu’elle détient par exemple.
« Vous pouvez comparer les actifs de notre portefeuille avec ceux de nos utilisateurs pour savoir si Bybit dispose de réserves suffisantes. Affichez le ratio ici 👇 https://bybit.com/app/user/reserve-ratio » Bybit Francophone – 11 décembre 2022
Le redoutable Binance profitera-t-il de la chute de FTX ?
Après tout, ce n’est pas pour rien que CZ a joué un rôle déterminant dans la chute de FTX. Passant devant la commission des banques du Sénat américain, l’investisseur Kevin O’Leary affirmait même que Binance avait provoqué la chute de FTX. Effectivement, la liquidation des tokens FTX que possédait Binance et les tweets de CZ ont contribué à faire chuter le prix du FTT. Cette dégringolade a précipité la chute de FTX, le concurrent montant de Binance.
De plus, CZ s’est débarrassé de son grand rival, SBF. Ce dernier est sous le feu des critiques après la déchéance de FTX. Rappelons que Sam Bankman-Fried était le deuxième donateur au parti démocrate. Il se place juste derrière le milliardaire très controversé George Soros. En effet, selon Open Secrets, une organisation qui suit l’argent en politique, SBF aurait alloué 40 millions de dollars entre 2021 et 2022 au parti démocrate et à la campagne présidentielle de Joe Biden. Autant dire que Joe Biden et les démocrates étaient grandement redevables à SBF et FTX. CZ ne voyait donc pas d’un bon œil la pression qu’exerçait SBF sur les démocrates pour qu’ils instaurent une régulation des CEX qui aurait grandement favorisée FTX et défavorisée Binance sur le sol américain.
De plus, Binance apparaît pour certains comme le CEX consciencieux et avisé qui a décelé la fraude FTX avant son éclatement. Ce discernement et cette vigilance ne peuvent que jouer en sa faveur. Comme dit plus haut, l’inquiétude vis-à-vis des CEX nuit actuellement à Binance. Cependant, à moyen terme, une fois que cette méfiance aura diminué, Binance sortira sûrement gagnant de cette crise. En effet, l’entreprise acquerra certainement davantage de parts de marché.
Les déboires de FTX a des répercussions colossales sur l’écosystème crypto. Ces répercussions ne sont pas toutes négatives. Effectivement, comme l’affirme le Dalaï Lama « il est très rare et même impossible qu’un événement soit négatif à tout point de vue ». Le stockage des cryptomonnaies se transforme actuellement. Et c’est tant mieux ! Les CEX se heurtent à une violente défiance profitant aux DEX, mais surtout aux Cold Wallets. Pour y pallier, les CEX doivent regagner la confiance des détenteurs de cryptomonnaies. Et, pour y parvenir, ils augmentent leurs réserves, leur système de sécurité, leurs contrôles internes et externes et leur transparence. On ne veut pas de second FTX… Les CEX réussiront-ils à redorer leur blason bien entaché par la fraude FTX ? Certainement. Mais combien de temps cela prendra-t-il ?
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Étudiant ayant travaillé au sein d'une licorne tech et de fonds d'investissement. Je suis passionné par l’entrepreneuriat et le business. Mes papiers traitent des cryptomonnaies et des technologies qui y sont associées avec un regard business. Effectivement, je suis persuadé que les cryptomonnaies, la blockchain, les NFT et le metaverse sont en train de révolutionner de nombreux secteurs et présentent des opportunités inédites.
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L’investissement dans des actifs financiers numériques comporte des risques.
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