Qu’est-ce qu’un maximaliste Bitcoin ?
Le Bitcoin représente la révolution technologique et humaine la plus marquante. Messager de l’écosystème, focalisé initialement sur un nouveau système monétaire décentralisé, le réseau bitcoin a ensuite créé des émules. L’utilisation de la blockchain servirait à d’autres fins que la création d’un simple système de paiement décentralisé. Toutefois, le protocole du Bitcoin reste peu flexible à d’autres cas d’usage que celui décrit dans le livre blanc de Satoshi Nakamoto. C’est dans ce contexte que sont nés les altcoins, en marge du Bitcoin. Radicalement différents en termes de philosophie, d’objectif et de décentralisation, ils sont souvent décriés par les maximalistes Bitcoin. En particulier, les cas d’utilisation spécifiques des altcoins ne correspondent en rien à la raison d’être du Bitcoin. À savoir incarner une monnaie neutre, incensurable et surtout décentralisée. Glissons-nous dans la peau d’un maximaliste Bitcoin, et tentons de démystifier cette école de pensée bien spécifique.
Rappel de la définition d’une blockchain
Pour rappel, la blockchain est une technologie de stockage de données sous forme de registre distribué. Les informations (transactions monétaires ou autre) ne sont pas stockées sur une base de données centrale. Elles ne sont donc pas contrôlées par une seule entité. En revanche, les ordinateurs de plusieurs validateurs de la blockchain conservent ces informations de manière simultanée et synchronisée. Il est à noter que les blocs du registre distribué sont encryptés. Par ailleurs, lorsqu’un bloc est ajouté, il est attaché au bloc précédent. Les blocs sont donc tous reliés les uns aux autres par leurs encryptions. Ce qui garantit l’aspect inaltérable et transparent de la blockchain.
Il existe plusieurs niveaux de décentralisation d’une blockchain. Celle du bitcoin est idéalement décentralisée, car parfaitement distribuée géographiquement au niveau des mineurs et des validateurs. Ce que plébiscitent les maximalistes Bitcoin. Ce n’est toutefois pas le cas des blockchains des altcoins, pour la plupart relativement centralisées et non distribuées. Nous y reviendrons plus tard dans cet article.
L’effet Dunning-Kruger, excès de confiance versus humilité
La plupart des investisseurs débutants passe naturellement par la découverte du protocole Bitcoin. Toutefois, ils passent ensuite rapidement par une phase où ils s’intéressent à un grand nombre de cryptos spéculatives (deuxième graphe). Cette phase correspond à la montagne de la stupidité, selon l’effet Dunning-Kruger (premier graphe). Elle donne aux néo-investisseurs un sentiment de compétence et un excès de confiance, où ils ont l’impression de tout maitriser. Ils surévaluent leurs compétences et sous-estiment celles des vrais experts. Ce biais cognitif correspond à une phase d’arrogance et de spéculation intense, qui mène très souvent à certaines grosses désillusions.
Les néo-investisseurs vont ensuite progressivement découvrir, puis maitriser les règles de l’écosystème des cryptomonnaies, en remettant les pieds sur terre. Plus ils avancent dans ce domaine, plus ils prennent le temps de se renseigner, de faire des recherches et d’apprendre. Ils passent ainsi par la phase de la vallée de l’humilité et perdent, de fait, beaucoup de confiance. Tout en se délestant progressivement de la plupart de leurs cryptos spéculatives sans fondamentaux sérieux et sans cas d’usage pertinents.
C’est après plusieurs années d’expérience que les investisseurs reprennent progressivement confiance en eux, au prorata de leurs niveaux de compétences. Ils finissent parallèlement par faire machine arrière et s’intéresser uniquement au Bitcoin. Jusqu’à arriver à la phase du plateau de la consolidation, qui correspond à une auto-évaluation réaliste de leurs vraies compétences. L’accumulation de connaissances leur permet de déduire que le bitcoin est la seule monnaie neutre, incensurable et décentralisée de l’écosystème. Elle amène les investisseurs ainsi aguerris à devenir de vrais maximalistes Bitcoin, en connaissance de cause.
Pragmatisme des maximalistes Bitcoin…
Les maximalistes Bitcoin ont une certitude : le bitcoin et l’ensemble des altcoins sont deux types distincts de cryptomonnaies. Le bitcoin représente une monnaie acéphale, propriété qui ne sera jamais reproduite dans le futur. Satoshi Nakamoto, toujours inconnu à ce jour, n’a effectivement jamais profité de sa réputation et tiré avantage de son invention. Le Bitcoin est un protocole ouvert, décentralisé, sécurisé, neutre, transparent, incensurable, sans leader charismatique, avec un effet de réseau inégalé. Les règles du protocole du Bitcoin sont les mêmes pour tous depuis sa création. Enfin, personne ne peut répliquer la rareté numérique du bitcoin, à savoir l’absence de duplication sur internet. Et ce, dû aux multiples caractéristiques du bitcoin susmentionnées.
Il n’existe aucune entreprise en qui avoir nécessairement confiance, ou aucune fondation qui gère ce projet communautaire. Aucune gouvernance centralisée ne régit le protocole. Selon les maximalistes Bitcoin, la décentralisation est le seul intérêt de l’utilisation d’une blockchain, en qualité de registre distribué. Il n’existe pas de points de défaillance uniques concernant ce réseau qui a eu une croissance organique depuis le départ. Le mode de consensus distribué du protocole du Bitcoin garantit l’immuabilité, la résistance à la censure et l’indestructibilité. Le bitcoin a représenté en 2009 un océan bleu, et a eu une immaculée conception. Et ce, en contradiction avec le péché originel des altcoins.
… versus promesses incertaines des altcoins
Contrairement au bitcoin, la plupart des altcoins sont effectivement des expérimentations, des promesses gérées par des entreprises. Ces dernières occasionnent un premier vecteur d’attaques, avec un risque potentiel de centralisation. Les fondateurs fournissent effectivement une partie de leurs jetons à des compagnies de capital-risque, avant même le lancement des projets. Ils conservent en outre une bonne partie des jetons pour eux, et s’enrichissent en les vendant aux petits investisseurs. Ces projets ne grandissent pas de manière organique, mais à coups d’airdrops, de marketing et de campagnes publicitaires que les entreprises de capital-risque financent.
Des équipes en qui nous devons avoir confiance gèrent ces projets, ce qui occasionne un deuxième vecteur d’attaques. Enfin, la prolifération de tous ces projets entrepreneuriaux finit par recréer le système actuel de monnaie infinie. Ce que les maximalistes Bitcoin tentent de combattre. Ce qui dévaluera également la plupart des altcoins, car aucun de ces derniers ne gardera sa valeur à long terme. Les altcoins ne peuvent en effet recréer de la rareté numérique, qui est un des principaux avantages concurrentiels du Bitcoin.
Il existe plus de 20000 altcoins. La plupart de ces projets se prétendent plus rapides, plus écologistes et plus efficaces que Bitcoin. Mais aucun ne résout le problème de la création d’un mode de consensus distribué. Ces réseaux sacrifient la décentralisation en cherchant à ajouter des services additionnels pour essayer de se distinguer du bitcoin. Et ce, en substituant la preuve de travail par une gouvernance gérée par les humains au travers de la preuve d’enjeu. Ce qui rend les réseaux plus vulnérables à diverses attaques, en contradiction totale avec la philosophie originelle de la décentralisation. Et en contradiction avec la mission du Bitcoin, à savoir la résistance à la censure.
La blockchain du Bitcoin créée uniquement pour une monnaie neutre décentralisée
Selon les maximalistes Bitcoin, le seul cas d’utilisation d’une blockchain décentralisée est par conséquent dans un but monétaire. Un consensus distribué par preuve de travail coûte cher, est lent et redondant, et n’est utile que pour créer un meilleur système de gestion monétaire neutre et transparent.
Certes, d’autres cas d’usage existent à la marge. Imaginez le remplacement du serveur de Netflix par une multitude d’ordinateurs. Ces derniers contiendraient un ou plusieurs parties de films en fonction de leurs puissances de stockage. Ils maintiendraient le réseau et seraient rémunérés par la blockchain de Netflix (réduction d’abonnement ou récompenses en cryptomonnaies).
Cependant inclure Netflix sur une blockchain ne semble pas pertinent, en raison de la lourdeur occasionnée sur la blockchain. L’objectif de cette dernière est d’être résistant à la censure, et d’éliminer tous les points centralisés, pour stocker des transactions. Elle doit donc rester la plus légère possible, pour favoriser la décentralisation.
Le problème de la création monétaire corrigé par le bitcoin…
La principale particularité des systèmes monétaires actuels et passés est qu’ils ont toujours été contrôlés et dévoyés par les humains. Ils se sont toujours effondrés dans l’histoire de l’humanité pour cette unique raison. Les monnaies fiat inflationnistes se sont toujours dévaluées au fil du temps. Par conséquent, éliminer la confiance humaine de l’équation constitue LA solution au problème que rencontre l’argent.
Le réseau Bitcoin exclut donc l’humain de la création monétaire, au travers du code informatique de son protocole. C’est la séparation de la monnaie et de l’état. Le bitcoin ne peut donc pas être dévalué. Et les humains ne peuvent pas impunément changer les règles qui s’appliquent à tout le monde. Certes, les banques centrales voudront assurément préserver le contrôle de la monnaie. Elles seront toutefois progressivement remplacées par un code informatique neutre, transparent et incorruptible. Selon les maximalistes, le rôle du Bitcoin consiste donc à solutionner le problème persistant causé par la création monétaire.
… mais répliqué par les altcoins
Les altcoins ont néanmoins un rôle qui va à l’encontre de cette vision monétaire incarnée par le Bitcoin. Sous prétexte de transitionner vers un système moins coûteux en énergie, la preuve d’enjeu, mode de consensus principal des altcoins, reproduit le système existant d’émission des monnaies fiat. L’émission de jetons n’est pas ancrée dans le monde réel, et constitue la seule ressource extérieure de la preuve d’enjeu.
Pour rappel, la preuve d’enjeu est un mode de consensus qui impose à tout validateur de posséder des jetons. Elle lui impose donc de détenir de la richesse, ou de s’en procurer auprès d’autres validateurs avec leurs permissions. La récompense prévue dans le protocole et issue de l’ajout d’un bloc est strictement proportionnelle à l’engagement financier du validateur. L’attribution des récompenses en jetons supplémentaires incite donc à l’accumulation, contrairement à la redistribution des jetons par preuve de travail. Elle tend donc à rendre les riches encore plus riches et recrée le système d’impression monétaire infinie. Ce que dénoncent ouvertement les maximalistes Bitcoin.
Les altcoins, utiles pour l’innovation
Les altcoins sont certes utiles pour toute l’innovation qu’ils apportent à l’écosystème. À titre d’exemple, Ethereum est un actif qui se veut délibérément plus fragile, moins décentralisé et moins sécurisé. Mais cette cryptomonnaie a bâti son effet de réseau en faisant preuve d’une innovation énorme dans les dernières années. Sans Ethereum et son fondateur Vitalik Buterin, la finance décentralisée et la technologie des NFT n’auraient pas vu le jour. Ethereum représente une plateforme de développement agile, privilégiant davantage l’adaptation au changement et l’innovation que le respect scrupuleux d’un plan.
L’évolution de Bitcoin et d’Ethereum a débuté avec la preuve de travail. Ce mode de consensus n’était toutefois pas compatible avec la promesse initiale d’Ethereum. Le réseau aspire en effet à devenir la future plateforme mondiale d’internet décentralisée, et non un simple système de paiement. D’où le passage à la preuve d’enjeu, en rupture idéologique complète avec la preuve de travail. Bien que plus sensible aux attaques, ce mode de consensus convient davantage au développement agile de l’ensemble des altcoins. Les maximalistes auraient aimé que le protocole du Bitcoin bénéficie de toutes ces innovations générées par les altcoins. La flexibilité apportée par ces derniers n’est cependant pas compatible avec l’invariabilité de la preuve de travail du réseau Bitcoin.
Les altcoins, environnement de test du Bitcoin selon les maximalistes
Toute l’innovation des altcoins ne pouvait donc pas être développée en mode agile sur l’écosystème immuable du Bitcoin. C’est la raison pour laquelle d’autres écosystèmes comme Ethereum ont été créés en marge de l’écosystème Bitcoin. Toutefois, les cas d’usage les plus utiles des altcoins seront ultimement rebâtis sur la couche primaire du Bitcoin. Et ce, sous forme de couches secondaires, à l’image du Lightning Network. Ce qui supprimera l’intérêt d’utiliser une autre cryptomonnaie et réduira à long terme la liste croissante des altcoins. Ces derniers, à l’image d’Ethereum, constituent des plateformes dynamiques et ouvertes à tous. Elles représentent cependant un immense environnement de test du réseau Bitcoin, selon les maximalistes.
Les innovations les plus marquantes seront alors déployées en production à long terme, par-dessus la couche de base du Bitcoin. Elles bénéficieront ainsi d’une sécurité et d’un avantage concurrentiel liés au consensus distribué, que n’offrent pas les altcoins. Cependant, le protocole du Bitcoin devra nécessairement évoluer dans le futur, afin d’inclure les innovations les plus pertinentes de l’écosystème. En améliorant la scalabilité, sans pour autant sacrifier la décentralisation et la sécurité du réseau, qui constituent sa raison d’être.
Bitcoin versus altcoins, résistance à la censure versus casino
Le protocole du Bitcoin a donc été créé pour sa résistance à la censure, par le biais de la décentralisation. Contrairement aux altcoins, le réseau Bitcoin n’a pas été créé pour générer de l’argent rapide. Cette spéculation attire toutefois davantage les investisseurs que la décentralisation et la résistance à la censure. Du moins, pour les populations occidentales bancarisées qui transigent avec des systèmes monétaires relativement stables. Ce qui n’est pas le cas de 90% de la population mondiale, qui accorde une certaine importance à la résistance à la censure.
Les altcoins ont été créés pour répondre aux besoins court terme de la population, au travers de blockchains plus rapides. L’adoption de la population passe actuellement par le casino et la spéculation, incarnés actuellement par l’écosystème des altcoins. Ces derniers sont donc davantage considérés comme des distractions spéculatives que comme des innovations disruptives. Et ce, même s’ils servent à répondre à certains cas d’utilisation à la marge. Il convient donc toutefois de corréler le côté hasardeux du casino avec le fondamental des altcoins. Plus les projets associés et les innovations qu’ils apportent seront solides, moins la spéculation sera aléatoire. Cependant, les maximalistes Bitcoin pensent que l’incertitude qui tourne autour du consensus et de la création des altcoins subsistera toujours.
Conclusion
Il existe plusieurs types de maximalistes Bitcoin. La vision la plus extrême consiste à affirmer que seul le bitcoin aurait de la valeur. Les altcoins n’auraient aucun intérêt et ne représenteraient que du bruit autour du protocole du Bitcoin. La vision la plus consensuelle et pragmatique considère les altcoins comme une série d’innovations. Toutefois, la valeur de ces dernières serait ultimement consolidée sur l’écosystème sécurisé et décentralisé du Bitcoin à long terme. Ces innovations bénéficieraient ainsi de la solide couche de base principale du Bitcoin. Ce qui augmenterait la liquidité sur le protocole du Bitcoin, selon les maximalistes modérés. Une chose est certaine : le Bitcoin a été créé durablement pour changer le monde, et spécifiquement le système monétaire. Les altcoins, plus incertains et éphémères, incarnent certaines promesses de par l’innovation, mais symbolisent également la spéculation. Néanmoins, ces promesses, selon les maximalistes, rendront en définitive le Bitcoin beaucoup plus fort.
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Consultant international en gestion de projet. Ingénieur de formation, avec une maîtrise en administration des affaires (M.B.A.) et affaires internationales d’HEC Montréal. Passionné de technologie et de cryptomonnaies depuis 2016.
Les propos et opinions exprimés dans cet article n'engagent que leur auteur, et ne doivent pas être considérés comme des conseils en investissement. Effectuez vos propres recherches avant toute décision d'investissement.