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Quel cadre règlementaire pour les tokens ?

jeu 20 Juil 2023 ▪ 11 min de lecture ▪ par Thomas A.
S'informer Regulation Crypto

L’AMF a publié le 19 juin un papier de discussion sur la régulation de l’écosystème DeFi. Dans le même temps, l’inspection générale des finances (IGF), souvent en charge du conseil et de la vérification des organisations publiques, a publié un rapport sur le cas des jetons numériques. L’IGF recommande notamment d’inclure les NFT au projet MiCA, ou encore de rattacher les NFT au régime des biens meubles. Décryptage des évolutions juridiques pour le secteur des cryptomonnaies.

Inspection générale des finances

Un rapport pour les jetons numériques

Le rapport de l’IGF pointe des problématiques règlementaires importantes dans le domaine des NFT. En effet, l’utilisation des NFT s’est multipliée dans de nombreux domaines. Par exemple, l’exploit de la première enchère mêlant œuvres réelles et NFT s’est déroulée à Paris. De fait, les NFT sont utilisés à la fois dans le domaine de l’Art, dans le domaine du luxe, mais encore dans le domaine des jeux vidéo. A cet égard, les jeux représenteraient jusqu’à la moitié des usages identifiés.

Les NFT concernent ainsi de plus en plus de domaines, bien que les volumes observés sur le marché sont toujours amplement inférieurs à ceux observés en 2021 et 2022. Par conséquent, c’est dans ce cadre que l’IGF s’est saisie des questions juridiques soulevées par les NFT. Effectivement, la France et l’Europe n’ont pas de cadre règlementaire véritablement adapté à l’émergence des jetons numériques. Les NFT ne sont pas considérés comme conférant la propriété d’un bien meuble. L’IGF remarque ainsi :

« L’un des principaux cas d’usage des NFT consiste à présenter le titulaire du jeton comme
étant le détenteur de l’œuvre d’art qu’est le fichier sous-jacent, le plus souvent une
image. […] L’analyse de la qualification juridique des « NFT artistiques », développée en 1.2, montre néanmoins qu’ils ne peuvent aucunement être considérés comme une œuvre ni, plus généralement, comme une forme, même dégradée, de propriété sur une œuvre ou son support. »

RAPPORT ET ANNEXES – Les jetons à vocation commerciale dans l’économie française : cas d’usage et enjeux juridiques (finances.gouv.fr)

Les cas d’utilisation des NFT

Malgré tout, les NFT concernent de multiples cas d’utilisation. De surcroît, tous les NFT n’ont pas pour vocation de conférer la propriété et l’IGF précise plusieurs cas.

  • Premièrement, on distingue les NFT à vocation commerciale. Ces derniers ont pour vocation de commercialiser des contenus divers, à rattacher une propriété numérique basée sur un sous-jacent, ou encore à être des objets à part entière sur le Metaverse.
  • Ensuite, on distingue les NFT comme utility token. Certaines marques utilisent les NFT à titre marketing dans le cadre d’évènements, de communication, etc… Ce cas démontre une fonction utilitaire et moins attachée à la propriété.
  • Enfin, les NFT peuvent être utilisés à titre culturel. Certains évènements délivrent des NFT au titre de certificats, de suppléments, de souvenirs, etc… Dans ce cas, les NFT revêtent parfois plus l’aspect du mécénat et du dons que de la propriété.

Des NFT juridiquement rattachés à leur sous-jacent

Les régulateurs se posent une question centrale : les NFT sont-ils associés au bien qu’ils représentent lorsque c’est le cas, ou restent ils des actifs numériques qui ne confèrent aucune propriété ?

L’inspection générale des finances précise que les NFT ne peuvent être un droit de propriété, ni une œuvre d’art. Cependant, les NFT pourraient être « des titres de concession des droits patrimoniaux associés aux œuvres vers lesquelles ils pointent ». L’enjeu serait donc de reconsidérer les NFT comme des accessoires au bien transmis. C’est-à-dire qu’en même temps que le transfert du bien, seraient transmis les droits attachés à la chose, dont le NFT. Le bien serait alors indissociable du NFT. Dans ce cas, l’impôt sur les plus-values serait identique à celui des biens meubles (36,2 %).

Dans le cas où les NFT ne sont pas accessoires au bien, la considération des NFT comme actifs numériques entraine aussi des conséquences fiscales, puisque le taux d’imposition sur les plus-values est de 30 %. A moins qu’il s’agisse d’une revente avec plus-value contre un autre actif numérique. Le rapport met aussi en avant les problématiques de TVA. Une vente de NFT à un client se fait généralement sans connaître son pays de résidence, l’adresse l’IP pourrait alors servir de fondement.

Par suite, l’IGF propose ainsi de « rendre obligatoire l’association à tout jeton à vocation commerciale
émis ou/et échangé dans l’Union européenne d’un document contractuel définissant les
droits et obligations incorporés comme sous-jacent dont bénéficie le porteur du jeton »
. En effet, les NFT donnent souvent naissance à des droits pour leur détenteur (accès à une plateforme, à un espace particulier, etc…).

La question de l’Art

Enfin, le rapport précise également un point essentiel pour déterminer si les NFT sont des œuvres d’art. La considération juridique du NFT en matière d’art serait donc celle de « l’outil technique » qui sert de support immatériel pour une œuvre (stockée en photo sur un serveur par exemple).

« Il convient de préciser que les NFT ne peuvent pas être considérés comme des œuvres d’art en
matière fiscale. En effet, la doctrine fiscale précise que les objets d’art visés par le CGI doivent
être produits à douze exemplaires maximum, ce qui n’est pas possible pour un fichier
numérique. Dès lors, le régime des objets précieux et œuvres d’art ne peut pas être applicable
et seul le régime des biens meubles semble envisageable pour les cessions de NFT avec sous-jacent.
« 

RAPPORT ET ANNEXES – Les jetons à vocation commerciale dans l’économie française : cas d’usage et enjeux juridiques (finances.gouv.fr)

L’ambiguïté de MiCA avec les NFT

Si la régulation des stablecoins et des différents altcoins est actée avec MiCA, l’ambiguïté demeure prégnante avec les NFT. Techniquement, les NFT n’entrent pas dans le projet de régulation. Pourtant, les autorités gardent de la marge de manœuvre de sorte à statuer sur ce qui est (ou non) fongible, et par conséquent ce qui entre dans le cadre de la régulation.

« L’entrée en application de MiCA posera des difficultés particulières en ce qui concerne
les NFT.
En effet, les NFT sont exclus du champ du règlement par son considérant 1014 et
son article 2, mais le critère de la non fongibilité n’est pas suffisant.
Afin d’éviter un contournement de la réglementation, le texte a prévu la requalification
possible de jetons techniquement non fongibles en jetons soumis au règlement MiCA
« .

RAPPORT ET ANNEXES – Les jetons à vocation commerciale dans l’économie française : cas d’usage et enjeux juridiques (finances.gouv.fr)

A travers le projet de régulation MiCA, les autorités se réservent le droit de requalifier un NFT en jeton fongible, et donc applicable à la régulation, dans certaines conditions.

« L’émission de crypto-actifs en tant que jetons non fongibles en grande série ou collection devrait
être considérée comme un indicateur de leur fongibilité.
La seule attribution d’un identifiant
unique à un crypto-actif ne suffit pas en soi pour le classer comme unique et non fongible. Pour
que le crypto-actif soit considéré comme unique et non fongible, il convient que les actifs ou les
droits représentés soient également uniques et non fongibles. […] Le présent règlement devrait
également s’appliquer aux crypto-actifs qui semblent être uniques et non fongibles, mais dont les
caractéristiques de fait ou les caractéristiques qui sont liées à leurs utilisations de facto les
rendraient soit fongibles, soit non uniques
[…]. »

Régulation MiCA. Extrait mentionné par RAPPORT ET ANNEXES – Les jetons à vocation commerciale dans l’économie française : cas d’usage et enjeux juridiques (finances.gouv.fr).

L’AMF entame les discussions sur la DeFi

Dans le même temps, l’AMF mène des travaux complets et détaillés. Tout en rappelant que la valorisation du secteur de la DeFi est passée de plus de 260 Mds$ début 2022, à près de 80 Mds$ début 2023, l’AMF prend au sérieux le secteur et entame les discussions. L’effondrement de Terra Luna est au cœur des peurs du régulateur pour le consommateur. De fait, cet évènement a montré les risques et l’opacité pour certains utilisateurs de protocoles de DeFi. L’AMF appelle de manière très appropriée à une régulation « progressive et proportionnée » de manière à ne pas étouffer l’innovation.

Enfin, un autre enjeu de régulation intervient avec les DAO, pour organisation autonome décentralisée. Dans une DAO, les détenteurs de tokens disposent de droits (vote, avantages financiers éventuels, etc…). La DAO est ainsi très proche du principe courant des actions ou des obligations. D’ailleurs, de très nombreux projets existent déjà. Et certains pays comme la Suisse ont déjà beaucoup d’avance en la matière, à la fois en termes de régulation et d’innovations effectives. Nous remarquerons également l’existence de leaders dans la tokenisation sur le principe des actions comme tZero. Cela soulève des question de KYC (identification du détenteur), d’anti blanchiment, de lutte contre les manipulations, et bien d’autres nécessités juridiques.

« Au sein des DAO de protocole DeFi, ces jetons sont utilisés pour prendre part aux votes sur la gouvernance des protocoles. Selon les cas, les mécanismes de vote montrent quelques similarités et différences si on les compare aux actions émises par les entités juridiques traditionnelles. […] En conséquence, et en l’absence de clarifications juridiques, les membres de ces organisations ne disposent pas des moyens légaux traditionnels permettant de les protéger. […] En France, des travaux sont actuellement menés par le Haut comité juridique de Place (HCJP), qui étudie en détail les modes de structuration et de gouvernance des DAO et leurs différentes typologies, dans la perspective de clarifications quant au cadre juridique qui pourrait s’appliquer à ces structures. »

Microsoft Word – Papier de Discussion AMF sur la Finance Décentralisée VF.docx (amf-france.org)

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Thomas A.

Auteur de plusieurs livres, rédacteur économique et financier sur plusieurs sites, je noue depuis de nombreuses années une véritable passion pour l'analyse et l'étude des marchés et de l'économie.

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