Prospera, ville libertaire : Le bitcoin (BTC) sous les tropiques c'est déjà fini ?
Prospera, ville sur l’île de Roatan, au large du Honduras, un rêve de bitcoiners. Une ville sur-mesure, hybride, dédiée au bitcoin (BTC) : des accords très particuliers avec le Honduras promettait un avenir radieux. La possibilité de devenir un e-citoyen était possible et a attiré de nombreux investisseurs étrangers. Oui mais voilà : le changement de gouvernement en 2021 remet tout en question et ce n’est peut-être finalement pas si mal…
Le bitcoin monnaie légale à Prospera
Une loi controversée adoptée par le gouvernement hondurien en 2013 a permis aux entreprises de créer des zones économiques spéciales : les ZEDE. Au nombre de 3, elles peuvent avoir leurs propres lois, règlements, tribunaux, forces de police, écoles et hôpitaux. Les fondateurs de Próspera ont saisi l’occasion pour mettre en place une cité à faible fiscalité, entièrement privatisée et axée sur l’innovation financière, technologique et médicale. Prospera devait reverser une partie des impôts récoltés (12%) au Honduras et assurer la prospérité à ses habitants. L’accord conclu avec le Honduras devait garantir l’autonomie de gouvernance pendant 50 ans.
Fiscalite et e-citoyenneté
À Próspera, les impôts sont allégés : un impôt sur le revenu des personnes physiques de 5 %, une taxe sur les ventes de biens et de services de 2,5 %, un impôt sur le revenu des sociétés de 1 % et un impôt sur la valeur des terrains de 1 %. C’est tout. Aucun autre impôt (pas même l’impôt sur les plus-values) n’est prélevé.
« Ce que Próspera offre, ce n’est pas seulement un environnement fiscal favorable aux bitcoins (BTC), mais aussi une certitude réglementaire qui permet aux gens de construire avec des bitcoins sans s’inquiéter de savoir si un régulateur va intervenir un jour et changer toutes les règles », explique Joel Bomgar, le président de Prospera, société immatriculée au Delaware (USA) …
Les ZEDE
Les ZEDE ont été fortement encouragées pour stimuler le développement économique par le prédécesseur de Castro, l’ancien président Juan Orlando Hernández. Mais quelles étaient les motivations profondes de ce président corrompu, finalement extradé aux États-Unis en avril pour répondre à des accusations de trafic de drogue ? Dans un pays rongé par la misère et la violence, le projet de Prospera peut pourtant paraître enthousiasmant au premier abord.
Tout n’est pas si rose au Royaume de Prospera
Próspera a présenté aux investisseurs internationaux un paradis libertaire en bord de mer, des impôts dérisoires et une réglementation favorable aux cryptos. Parmi les investisseurs de Próspera figurent des poids lourds de la Silicon Valley, tels que Peter Thiel (Paypal) ou Marc Andreessen (par l’intermédiaire de Pronomos Capital, un fonds de capital-risque qui investit dans des projets de villes autonomes). Après avoir réussi un appel de fonds de plusieurs millions de dollars, les travaux ont commencé sur l’île en 2020.
Assez rapidement, l’idéal des libertaires américains se trouve confronté à la réalité : un conflit commence avec le village voisin de Crawfish Rock qui abrite une communauté historique garifuna. Rest of World a rapporté qu’à l’été 2019, la communauté de Crawfish Rock a perdu l’accès à l’eau courante. Le fondateur de Próspera a proposé de l’eau en attendant les réparations nécessaires. Mais les villageois auraient finalement reçu des factures ! Et celles-ci auraient dû être payées à la Fondation de Prospera (à but non lucratif), bizarre, bizarre … Et puis les tensions n’ont fait que s’exacerber entre les parties, la population locale craignant de se faire exproprier : une vidéo virale montre le fondateur Erick Brimen se faire raccompagner par la police manu militari lors d’un speech.
Soulagement pour la communauté locale : la fin des ZEDE
Le 21 avril 2022, le congrès hondurien nouvellement élu a voté à l’unanimité la fin des ZEDE. La présidente Xiomara Castro a déclaré que le Honduras « récupérait sa souveraineté. » Venessa Cárdenas, l’un des leaders de Crawfish Rock, a déclaré qu’elle ne verrait pas d’inconvénient à ce que Próspera devienne une zone touristique plus typique ou un site de développement économique : « Mon conseil serait le suivant : allez payer vos impôts comme tout le monde, allez obtenir vos permis comme tout le monde, et respectez les lois et règlements honduriens comme tout le monde. »
Le bras de fer s’engage
Après des dizaines de millions investis dans le projet, on imagine bien que les fondateurs de Prospera ne veulent pas renoncer. En face d’eux un pays souverain. Difficile de savoir si les intentions des fondateurs sont sincères quand ils parlent d’inclure la population locale. Ils s’insurgent d’ailleurs que certains medias, comme le Guardian, les traitent de cryptocolonialistes. Ils jurent que leurs intentions sont sincères et qu’ils veulent la prospérité pour tous.
Ce n’est pas la première tentative de création d’un espace décentralisé, on avait d’ailleurs déjà parlé de l’échec cuisant des Ocean Builders. Quelle terre vierge cependant pourrait accueillir des bitcoiners sans les contraintes imposées à tous les États du monde ? Un « État Bitcoin » libertaire est-il viable ? Les années à venir seront riches d’enseignement, car nous aurons pu observer comment vont se développer les pays comme le Salvador qui a adopté le bitcoin comme monnaie nationale (sans adopter pour autant l’attitude libertaire).
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Subprimes, crises financières, inflation galopante, paradis fiscaux... Le bitcoin a été conçu pour plus de transparence et peut-être enfin changer la donne. J'essaie de comprendre ce nouvel environnement et tente de l'expliquer à mon tour. La route est sans doute longue, mais elle en vaut la peine.
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