Pourquoi les gestionnaires ont du bitcoin ?
Le bitcoin est-il un moyen de diversifier son portefeuille ? Quelle est l’attractivité du bitcoin (BTC) face aux autres actifs ? Voilà autant de questions que se posent les gestionnaires. Ces dernières années, les cryptomonnaies ont attiré d’innombrables gestionnaires, des plus gros (Blackrock), jusqu’aux plus petits. L’intérêt soulevé par le bitcoin n’est pas seulement d’être devenu une diversification supplémentaire, c’est aussi de comprendre pourquoi le bitcoin est corrélé aux marchés traditionnels.
bitcoin, un actif dans la diversification ?
Le bitcoin est célèbre pour ses performances, mais aussi pour sa volatilité. Et c’est là toute la difficulté du gestionnaire : s’exposer à un actif très instable mais potentiellement très performant. Dans la théorie moderne du portefeuille, l’investisseur « rationnel » cherche à maximiser sa performance et à minimiser l’instabilité de ses investissements. Dès lors, il est courant pour les gestionnaires d’avoir recours à la comparaison entre la performance de chaque actif avec sa volatilité. Mais comme nous le verrons, le cas des cryptomonnaies est proprement exceptionnel et mérite un traitement comme tel.
Le graphique ci-dessus montre la performance des différents actifs depuis 2020. L’axe horizontal montre également la volatilité de chaque actif. Dans notre cas, nous avons sélectionné trois cryptomonnaies (bitcoin, ethereum, et l’indice CMC200), et 17 actifs traditionnels (l’Or, l’argent, le MSCI World, le S&P 500, etc…). Bien sûr, certains indices sont imbriqués entre eux mais cela permet d’avoir un ensemble d’actifs représentatifs. La ligne rouge représente la ligne de tendance « moyenne » entre tous les actifs. Dans l’idéal, les actifs situés au-delà de la ligne rouge montrent des performances élevées pour une instabilité plus modérée. Plus l’actif en question est en haut à gauche sur le graphique, plus sa performance est grande et plus sa volatilité est faible.
De plus, nous remarquons bien l’existence d’une relation globalement croissante entre la performance désirée et le risque supporté (la volatilité engagée). Un investisseur désirant une grande performance doit supporter une grande instabilité de son portefeuille.
Le cas particulier des altcoins
Par conséquent, nous voyons clairement que les actifs traditionnels ont des comportements similaires entre eux (zone en bas à gauche). Parmi eux, l’Or semble bien agir comme une valeur refuge (performances convenables pour une volatilité limitée). De leur côté, les cryptomonnaies apparaissent véritablement « à part ». Le bitcoin et ethereum ont, depuis 2020, des performances considérables (x3, x13, etc…) et une volatilité malgré tout élevée (entre 50 % et 75 %).
Par ailleurs, l’indice CMC 200 montre une performance comparable au bitcoin, mais sa volatilité est nettement plus élevée. Il s’en suit que le marché des cryptomonnaies dans son ensemble est extrêmement volatil, mais pas exceptionnellement performant. Une surperformance durable des petites et moyennes cryptomonnaies aboutirait à leur apparition comme grandes cryptomonnaies. Ce qui nécessairement, réduirait leur volatilité. Nous devons donc garder à l’esprit le fait que l’attractivité des cryptomonnaies ne porte en réalité que sur une minorité d’entre elles. Dans notre précédent article, nous rappelions les corrélations existantes entre les cryptomonnaies.
« Il existe une très forte corrélation entre les grandes cryptomonnaies. De fait, le bitcoin semble déterminer fortement le comportement des autres grandes cryptomonnaies. A l’inverse, les stablecoins apparaissent être très décorrélés du marché dans son ensemble. Cela signifie que les stablecoins s’inscrivent proprement dans une logiquement indépendante de celle du marché global.
Ensuite, il apparaît que les plus petites cryptomonnaies sont moins immédiatement déterminées par l’évolution du cours du bitcoin. Ainsi, le degré d’indépendance des secteurs secondaires paraît plus grand. Mais par cela même que le degré d’indépendance au bitcoin est lié à la taille de la cryptomonnaie face au marché, apparaît une limite infranchissable et un antagonisme avec l’évolution globale de ces petites cryptomonnaies. »
Corrélations entre les principales cryptomonnaies – Cointribune
Le ratio de Sharpe
Mais si les cryptomonnaies présentent a priori un profil intéressant, comment les situer par rapport aux autres actifs ?
Pour ce faire, les analystes ont parfois recours à la mesure du ratio de Sharpe. Le ratio de Sharpe compare le rendement réel d’un actif (le rendement ajusté du taux sans risque) avec sa volatilité (son instabilité). Une valeur du ratio de Sharpe supérieure à 0 signifie que pour chaque point de volatilité risqué par l’investisseur, il récupère un gain positif. Si le ratio est proche de 1, cela signifie que l’investisseur peut espérer un gain aussi important que le risque misé en termes de volatilité. L’idéal est de diversifier son portefeuille sur des actifs avec un ratio de Sharpe élevé, et le plus favorablement, avec un ratio supérieur à 1.
Ratio de Sharpe = (rendement actif – taux sans risque) / volatilité
Dans notre cas, nous prenons le taux de 3,75 % (taux de facilité de dépôt de la BCE) comme le taux sans risque. Le tableau ci-dessous montre le ratio de Sharpe entre 2020 et 2023 pour l’ensemble de nos 20 actifs. Le bitcoin montre un ratio supérieur à 5, contre plus de 17 pour ethereum. Il s’agit proprement de valeurs exceptionnelles qui dépassent de loin la plupart des actions. C’est-à-dire que pour chaque point de volatilité risqué depuis 2020, le gain espéré sur le bitcoin est de 5, et 17 pour ethereum. En comparaison, l’Or est l’actif traditionnel avec le plus haut ratio de Sharpe (0,85). Ce qui équivaut à affirmer que chaque point de volatilité risqué par l’investisseur entraine un gain espéré de 0,85.
Le cas particulier de la volatilité du bitcoin
Nécessairement, de telles valeurs n’ont plus réellement de signification. Il est d’ailleurs assez paradoxal qu’un modèle aléatoire et en apparence fondé sur la « rationalité » incite l’investisseur à se diversifier, mécaniquement pour ainsi dire, dans les cryptomonnaies. Les gestionnaires ne peuvent plus ignorer les cryptomonnaies car elles possèdent des critères de gestion très attractifs. Mais il est manifeste qu’un investisseur qui n’est pas capable d’assumer une volatilité supérieure à celle des marchés traditionnels s’en détournerait.
Dans le cas qui nous occupe, volatilité n’est pas toujours synonyme de risque. Ce qui rend relativement peu pertinent l’analyse du ratio de Sharpe. En effet, le bitcoin montre un comportement unique face à sa volatilité, c’est-à-dire face à son instabilité. Le graphique ci-dessous montre la volatilité annualisée du bitcoin. Il est tout à fait remarquable que le niveau de volatilité du bitcoin à l’été 2023 est tout à fait comparable à celui des marchés traditionnels. Mais entre 2020 et 2023, le bitcoin montre une volatilité jusqu’à 3 fois supérieure à celle des indices boursiers.
Par conséquent, il est important pour nous de spécifier que les marchés haussiers sont généralement accompagnés d’une hausse de la volatilité du bitcoin. Ce qui est contraire aux indices boursiers traditionnels, pour lesquels la volatilité accompagne souvent les corrections les plus sévères.
Pourquoi relativiser l’instabilité du bitcoin ?
« En effet, la hausse du bitcoin à long terme se traduit généralement par la diminution de sa volatilité. Le bitcoin se nourrit d’une volatilité décroissante à long terme. Ensuite, sur quelques mois, le bitcoin se nourrit au contraire d’une hausse de la volatilité pour augmenter ses performances. […]
D’autre part, nous avons montré qu’un minimum de la volatilité des indices boursiers traduit souvent un maximum du cours du bitcoin. Réciproquement, la hausse du bitcoin à long terme sera plus fréquemment corrélée positivement à la hausse de la volatilité des indices. Mais dans le même temps, des hausses de volatilité des indices sur quelques mois peuvent être source de baisses du bitcoin. Le bitcoin ne protège donc pas contre des « chocs » ou des « paniques ». En revanche, il profite de l’instabilité croissante des indices à long terme, ce qui n’est pas négligeable. »
Volatilité et Bitcoin (BTC) – Cointribune
Ainsi, il est clair que le bitcoin possède une performance démesurée face à la volatilité effectivement observée. Mais une volatilité supérieure à 50 % reste très élevée et parfois dépourvue de sens. Une surperformance du bitcoin sur les indices boursiers suffit donc amplement à rendre ce jeune actif très attractif.
Malgré tout, la théorie moderne du portefeuille se base sur des modèles aléatoires. Les modèles aléatoires sont souvent mal représentatifs des variations extrêmes. Il est donc important de rappeler que ce critère de gestion traditionnel reste malgré tout difficilement lisible dans le cas des cryptomonnaies. Le fait que la volatilité du bitcoin accompagne généralement ses performances haussières peut donc constituer un critère rassurant face à l’imperfection des statistiques étudiées.
En conclusion
En conclusion nous avons vu que le bitcoin surperforme clairement les actifs traditionnels ces dernières années. Le rapport entre ses performances et sa volatilité est tout à fait exceptionnel. En outre, ethereum montre un intérêt attractif d’autant plus intéressant dans la gestion traditionnelle. Néanmoins, la plupart des cryptomonnaies moyennes et petites présentent des performances intéressantes mais une instabilité considérable. Il est donc proportionnellement plus intéressant pour un gestionnaire de s’exposer aux grandes cryptomonnaies.
Dans tous les cas, les cryptomonnaies présentent un intérêt de diversification évident pour le gestionnaire, de par le ratio rendement / volatilité observé. Malgré tout, la volatilité n’a pas le même sens sur les cryptomonnaies que sur les marchés traditionnels.
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Auteur de plusieurs livres, rédacteur économique et financier sur plusieurs sites, je noue depuis de nombreuses années une véritable passion pour l'analyse et l'étude des marchés et de l'économie.
Les propos et opinions exprimés dans cet article n'engagent que leur auteur, et ne doivent pas être considérés comme des conseils en investissement. Effectuez vos propres recherches avant toute décision d'investissement.