Nexo : deux des cofondateurs toujours en fuite
Il y a une semaine, les bureaux de Nexo à Sofia (Bulgarie) étaient perquisitionnés. Mais qu’est-ce qui a donc poussé les autorités à envoyer 300 policiers faire une saisie ? Quels soupçons pèsent sur l’exchange ? Et pourquoi deux membres cofondateurs restent introuvables ? Faisons un peu le bilan provisoire de cette affaire et voyons si des red flags sont réels ou s’il ne s’agit que d’une affaire politico-politique.
Shulev ne ferait plus partie de Nexo
Shulev ne ferait plus partie de Nexo depuis 2019. On ne sait pas s’il a été inculpé avec les autres cofondateurs de Nexo. Il était CEO de Finblox Ltd depuis 2021 et s’est fait remplacer par sa maman en décembre 2022. Il resterait donc Kosta Kantchev, Antoni Trenchev et une ou deux autres personnes : mais qui ? Peut-être Alexander Pochinkov, un ancien haut responsable de l’empire éditorial de Prokopyev, Economedia ? Kalin Metodiev ? Deux des inculpés présents en Bulgarie ont dû débourser une caution de 1 million de BGN et 2 millions de BGN respectivement (500 000 et un million d’euros). Des rumeurs indiquent que les fugitifs seraient Anthoni Trenchev et Kosta Kantchev. Le journal bulgare Kapital Insights, qui fait partie du groupe Economedia, indique que les deux inculpés présents sur le sol bulgare seraient en effet Kalin Metodiev et Trayan Nikolov.
Les accusations
Plus de 94 milliards de dollars, c’est le chiffre d’affaires supposé de NEXO en 5 ans. Les cofondateurs de l’exchange sont accusés de blanchiment, fraude fiscale, fraude informatique (manipulation de marchés ?) et de financement du terrorisme. Certains disent qu’il s’agit d’une affaire politico-politique, mais en réalité l’enquête a commencé il y a des mois en collaboration avec des forces de polices étrangères (notamment américaines et britanniques). Des perquisitions se poursuivent à au moins 15 adresses différentes, y compris aux États-Unis, à Dubaï, aux Bahamas. 20 personnes ont été interrogées et sont placées sous protection. Il s’est avéré que certaines des transactions étaient destinées à Mohammed Mahmoud Ayesh, considéré par Israël comme un terroriste. La blockchain indique également des adresses de réception vers des exchanges frauduleux.
Les alertes ou « red flags »
- Nexo a de nombreuses filiales enregistrées dans divers pays, dont des paradis fiscaux. La plupart sont de simples « boîtes aux lettres ».
- Le jeton Nexo, illiquide, ne vaudrait pas grand-chose. Pourtant il représente une part très importante de la trésorerie de Nexo. Comme les autres tokens de CEX, ils sont créés à partir de rien et peuvent retourner au néant très vite, comme le FTT.
- Les régulateurs américains n’ont pas voulu de Nexo sur leur sol, les iles Caïmans non plus.
- En 2019, Shulev a été pris la main dans le pot de confiture, arguant que les wallets pro et perso se confondaient souvent.
- Les partenaires bancaires de NEXO, Silvergate et Signature sont ou ont été les banques partenaires de nombreux CEX, dont FTX. Actuellement sur la sellette, les banques incriminées risquent gros et les dominos n’ont pas fini de tomber.
- Le cabinet d’audit Armanino ne confirme que les données remises par la team Nexo elle-même. Il n’y a aucun audit approfondi des comptes. Les données affichées sur son site web sont donc insuffisantes et peuvent induire les investisseurs en erreur sur la santé financière de NEXO.
- La team NEXO affirme n’avoir jamais investi dans les autres Crypto-Ponzis (Celsius, FTX etc …), mais comment Nexo peut-il offrir des rendements aussi élevés ?
- En octobre, Nexo a retiré l’équivalent de 151 millions de dollars en WBTC de MakerDao. La même manoeuvre que Celsius avant de faire faillite …
Parlons un peu des tokens NEXO
Comme Celsius, FTX, Binance et les autres, Nexo a créé son propre token. Vendus dans le cadre d’une ICO en 2018, Nexo en aurait venu 525 millions, conservant les 475 millions restants sur son propre bilan. Selon les régulateurs américains, Nexo détient aujourd’hui ~95% du total des tokens NEXO existants sur son bilan. Etherscan confirme cette affirmation, les principales adresses du token Nexo appartiennent au CEX lui-même. La valeur actuelle est de $2 807 324,50 ( ~1 839 09,58 Eth). On comprend que si la valeur du token chute, c’est l’exchange lui-même qui fait faillite (comme pour FTX).
Manipulation de marché et illiquidité
Coinmarketcap, propriété de Binance, indique que la plateforme la plus active pour trader les tokens est Binance elle-même. Coingecko indique que les paires de trading sont principalement NEXO/USDT, un stablecoin actuellement sur la sellette. Le manque de liquidité évident signifie simplement qu’un token ou un coin est plus ou moins facile à vendre. Si par exemple Binance déliste le token NEXO, il sera difficile de s’en défaire.
Partenaires bancaires très limites : Silvergate Bank (SI) et Signature Bank (SBNY)
- Silvergate Bank, qui avait aussi pour partenaire Binance, et d’autres plateformes de renom (Genesis compris) voient ses clients fuir. Elle doit aussi faire face à des contrôles suite aux faillites de FTX et Alameda.
- Signature bank est connue aux États-Unis pour avoir hébergé en 2016 les comptes de William Landberg, condamné pour un Ponzi en 2016.
Il est étonnant que deux banques américaines proposent leurs services à des CEX qui n’ont pas les licences nécessaires pour faire du business aux États-Unis, mais l’argent a-t-il une odeur ?
Signature Bank a une particularité : elle offre une solution blockchain privée appelée Signet. Cette solution, utilisée par Nexo, permet aux clients d’effectuer des transferts intra-bancaires instantanément. Mais Signature ne s’est pas donné la peine de faire approuver sa solution par les régulateurs bancaires. Un oubli sans doute ? Nexo avait également passé outre la réglementation et va devoir en payer le prix : la SEC a condamné l’exchange à payer une amende de 45 millions de dollars.
Le 7 décembre 2022, la sénatrice Elizabeth Warren avait écrit une lettre à Jerome Powell et aux régulateurs bancaires pour mettre en cause Silvergate, Signature, Moonstone et d’autres banques.
Lire l’avis sur Nexo du cabinet d’avocats Mikov & Attorneys, du réseau européen Avocats Litiges Financiers (réseau d’avocats spécialisés dans les droits des traders et de l’investissement Forex et Crypto).
Il est assez clair désormais que les CEX ont bâti leur empire sur leur propre token créé de toute pièce. Même CZ (Binance) ne s’est pas caché que les BUSD n’étaient pas toujours collatérisés avec des dollars. Des monnaies fictives en somme. On constate que tout l’écosystème ne fait qu’un : mêmes banques, mêmes expositions. Il apparaît également que ni les CEX ni les banques « cryptofriendly » ne sont très regardantes quant-à la provenance des fonds qu’elles gèrent : à peu près toutes blanchissent de l’argent avec plus ou moins de complaisance. Les autorités américaines ont montré leur détermination à enrayer cette criminalité devenant une plaie pour les investisseurs. Même s’il faut bien le reconnaître, les chiffres de la corruption sont immensément plus élevés en FIATS. Désormais vous avez les informations nécessaires pour prendre les décisions qui s’imposent, d’autant que Genesis vient d’annoncer une procédure de liquidation.
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Subprimes, crises financières, inflation galopante, paradis fiscaux... Le bitcoin a été conçu pour plus de transparence et peut-être enfin changer la donne. J'essaie de comprendre ce nouvel environnement et tente de l'expliquer à mon tour. La route est sans doute longue, mais elle en vaut la peine.
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