Le cabinet d'audit Mazars lâche Binance

La crise de confiance créée par la faillite de FTX déteint sur Binance. Et pour ne rien arranger, le cabinet d’audit Mazars a décidé d’abandonner la firme de Changpeng Zhao (CZ).

Jusqu’ici tout va bien pour Binance

D’après Nansen, les sorties nettes de Binance (hors BTC) se sont élevées à 239 millions de dollars ces dernières 24 heures. C’est un peu moins que la moyenne quotidienne de 272 millions de dollars au cours de la semaine passée.

Selon Coinglass, les retraits de bitcoins sont également massifs. Près de 7 000 bitcoins ont été retirés au cours des dernières 24 h. Et plus de 70 000 BTC pour l’ensemble de la semaine passée.

Binance détient 30 % des BTC se trouvant sur l’ensemble des exchanges. Contre 26 % pour Coinbase qui, soit dit en passant, a force certains clients à retirer leur argent en stablecoins plutôt qu’en BTC. Inquiétant…

Face à la défiance du marché, CZ s’est voulu rassurant au micro de CNBC. Le chinois assure que ses clients « peuvent retirer 100 % de leurs actifs ». « Les exchanges devraient détenir les actifs des utilisateurs 1 pour 1 et c’est ce que nous faisons », a-t-il ajouté.

Pour le moment, Binance réussit ce stress test grandeur nature. Ses clients ont pu retirer l’équivalent de 6 milliards de dollars en une semaine.

Julio Monero, analyste chez CryptoQuant, note qu’en termes nominaux (nombre de BTC), les récents retraits ont atteint le niveau le plus élevé jamais enregistré (premier graphique).

Cependant, les sorties de bitcoins en pourcentage des réserves totales restent en dessous des pics historiques (second graphique) :

A lot of talk about Binance outflows lately.

On nominal terms (# of bitcoin) daily outflows in the last few days reached the largest on record. 1st chart.

However, bitcoin outflows as % of total reserves are inside historical patterns. Nothing we haven't seen before. 2nd chart. pic.twitter.com/zVQMWpd1YA

— Julio Moreno (@jjcmoreno) December 15, 2022

Les analyses de cryptoquant montrent que le passif BTC de Binance (dépôts des clients) est garanti à 97 % par les actifs se trouvant sur les adresses de l’exchange.

Tout cela semble donc solide à première vue.

Où est le loup ?

Maintenant que l’on a dit tout ça, il est déjà permis de se demander si Binance a emprunté de l’argent pour passer l’audit de Mazars. Un audit qui n’a d’ailleurs pas convaincu John Reed Stark, un ancien régulateur issu de la SEC :

« L’audit [de Mazars] sur la « Proof of Reserve » de Binance ne traite pas de l’efficacité des contrôles financiers internes et ne se porte pas garant des chiffres […]. J’ai travaillé à la SEC pendant plus de 18 ans. C’est ainsi que je définis un « red flag ». »

Les suspicions se sont épaissies aujourd’hui en raison de la disparition de la page internet où se trouvaient les résultats de l’audit « Proof of reserve » de Mazars…

« Mazars a indiqué qu’ils allaient temporairement interrompre leur collaboration avec tous leurs clients crypto à l’échelle mondiale. Notamment Crypto.com, KuCoin et Binance. Nous ne serons malheureusement plus en mesure de travailler avec Mazars pour le moment », a déclaré un porte-parole de Binance.

À la question de savoir si Binance pourrait faire face à une éventuelle demande de 2.1 milliards de dollars de la part du syndic qui s’occupe de récupérer les fonds de FTX, CZ ne s’est pas étalé outre mesure sur CNBC :

« Nous sommes financièrement OK » […] Nous laisserons nos avocats s’en occuper. Nous sommes solides financièrement. »

Autre raison d’être suspicieux : plus de 70 % des réserves de Binance sont en BNB, BUSD, et Tether. Seulement 10 % sont en bitcoins, soit environ 500 000 BTC. Espérons que Binance n’a pas fait comme FTX en imprimant secrètement des BNB pour maquiller son bilan…

pic.twitter.com/5Wcn1uJvjt

— Mike Alfred (@mikealfred) December 9, 2022

Not your key, not your Bitcoin

Quoi qu’il en soit, garder soi-même ses BTC sur son propre wallet reste le meilleur moyen de se protéger d’exchanges criminels comme FTX.

Depuis l’effondrement brutal du château de cartes de Sam Bankman-Fried, tout le monde est sur le qui-vive. Cela se voit au travers de l’augmentation marquée des ventes de cold wallets Ledger et Trezor.

[Cela dit, il y a nul besoin d’acheter un ledger pour retirer ses BTC vers son propre wallet]

Les investisseurs retirent leurs bitcoins des exchanges à un rythme rarement vu par le passé. Plus de 190 000 BTC ont été récupérés au mois de novembre. Soit l’équivalent de 3,3 milliards de dollars. La moisson pourrait être similaire pour décembre à l’allure où vont les choses.

À noter que sur trente jours, Binance affiche toujours une rentrée nette de 28 000 BTC alors que les clients de Coinbase ont retiré 50 000 BTC.

Le nombre de bitcoins détenus sur Coinbase a diminué tout au long du dernier cycle. Tout l’inverse de Binance dont les réserves des BTC se sont régulièrement étoffées :

La tendance s’est toutefois inversée depuis quelques jours. Binance a vu environ 10 % de ses actifs s’envoler. Et il faut que cela continue !

Les sorties de BTC agissent comme un margin call sur les exchanges. De larges retraits de BTC sont suffisants pour obliger un exchange à racheter les bitcoins qu’il se serait amusé à prêter.

Compte tenu des évènements de ces neuf derniers mois, il est tout à fait compréhensible que la méfiance s’installe. Il est temps que les exchanges cessent de gérer les fonds de leurs clients comme s’ils étaient les leurs.

À ce titre, les autorités canadiennes viennent d’intimer aux exchanges de différencier leurs fonds propres et ceux de leurs clients. L’affaire FTX est passée par là…

Bien qu’il soit impossible de dire si d’autres exchanges se sont fourvoyés, une chose est certaine, les investisseurs qui hésitaient risquent de prendre leur temps avant d’acquérir leurs premiers Bitcoins.

Ces hésitations sont du pain béni. La baisse du prix du Bitcoin vient récompenser les bitcoiners de la première heure. Ces derniers peuvent faire leurs emplettes à des prix que nous pensions ne plus jamais revoir.

L’ancien système vendra chèrement sa peau et utilisera toutes les bassesses possibles et imaginables pour ralentir l’irrésistible révolution monétaire. Hodl (your keys) !