L'Inde rapatrie tout son or
New Delhi a rapatrié son or d’Angleterre, signe qu’un nouvel ordre monétaire international est en gestation. Le bitcoin en embuscade.
La roue tourne
La banque centrale indienne (RBI) vient de transférer 100 tonnes d’or depuis son ancien colonisateur. Le dernier transfert d’or de cette envergure fut dans le sens inverse, en 1991.
Officiellement, New Delhi souhaite économiser les frais de stockage actuellement payés à la Banque d’Angleterre. Officieusement, les tensions géopolitiques s’aggravent.
Cette boulimie d’or n’est pas restreinte à l’Inde. Les achats d’or par les banques centrales atteignent des records historiques ces derniers temps.
Selon le World Gold Council, la Chine a mis la main sur 225 tonnes d’or en 2023, soit environ un quart des 1 037 tonnes achetées par l’ensemble des banques centrales. Voici les plus grands détenteurs d’or :
USA : 8 133 tonnes; Allemagne : 3 352 tonnes; Italie : 2 451 tonnes; France : 2 436 tonnes; Russie : 2 332 tonnes; Chine : 2 262 tonnes; Suisse : 1 040 tonnes; Japon : 845 tonnes; Inde : 822 tonnes; Pays-Bas : 612 tonnes; Turquie : 570 tonnes; Taïwan : 423 tonnes; Portugal : 382 tonnes, etc.
Les banques centrales détiennent 17 % de tout l’or du monde (36 700 tonnes). Elles sont redevenues acheteuses nettes depuis 2010 en réaction au QE de la Fed.
L’or représente un peu moins de 10 % des réserves de change de la RBI. C’est moins que la moyenne mondiale que JP Morgan estime à près de 20 %.
Gold Standard
La BRI dit vouloir diversifier ses réserves, se protéger contre l’inflation et atténuer les risques de change. Sage décision étant donné le « gel » des 250 milliards d’euros de réserves de change russes…
Cela dit, les BRICS ne cachent plus leur défiance vis-à-vis du dollar. Tout pays souhaitant rejoindre le club doit montrer patte blanche. Le candidat thaïlandais a par exemple récemment signé un accord pour abandonner le dollar dans ses échanges avec la Chine. Le Nigeria et l’Inde ont fait de même une semaine plus tôt.
Le but inavoué est de retirer aux États-Unis leur privilège exorbitant. Ce dernier tient au fait que le dollar est la monnaie internationale par excellence. Ce privilège fut scellé par la seconde guerre mondiale (accords de Bretton Woods / Gold Standard) et ensuite par le pétrodollar.
La fin de l’étalon or en 1971 aurait pu creuser la tombe du dollar, mais c’était sans compter les sombres desseins d’Henry Kissinger. Sa stratégie fut tout simplement de forcer les nations de l’OPEP à vendre leur pétrole exclusivement en dollar.
Ce fameux « système du pétrodollar » fut jusqu’à présent équivalent à « 10 000 milliards de dollars tombés du ciel », pour reprendre les mots de Vladimir Poutine. La raison étant que les banques centrales accumulent des réserves de dollars sous forme de bons du Trésor (dette américaine). Il en résulte une vigueur artificielle du dollar qui permet aux États-Unis d’importer beaucoup plus qu’ils n’exportent. Tel est le « privilège exorbitant ».
Plus pour longtemps. La Chine s’est encore débarrassée de bons du Trésor équivalents à plus de 50 milliards de dollars au cours du premier trimestre. L’Arabie saoudite n’est pas en reste. Son fonds souverain vient de réduire de 41 % son portefeuille d’actions US.
Le crépuscule du dollar
La FED de New York a récemment tenté de rassurer sur son blog. Elle y rappelle que la majorité des réserves de change est toujours composée de dollars. Nous pouvons lire que la baisse de la part du dollar ne serait que le fait d’un « petit groupe de pays (Chine, Russie, Inde, Turquie en tête) ».
Ce « petit » groupe de pays représente toutefois près de 40 % de la population mondiale… Et non des moindres. En 1995, le PIB du Japon était 15 fois supérieur à celui de l’Inde. Les deux pays sont aujourd’hui au coude à coude. Et ne parlons pas de la trentaine de nations qui tape à la porte des BRICS.
Le dollar ne représente probablement plus que 54 % des réserves de change mondiales (équivalentes à 12 332 milliards $ d’après le FMI). C’était plus de 80 % à l’époque du Gold Standard.
Pour le ministre des Affaires étrangères indien Subrahmanyam Jaishankar, « la domination des États-Unis, amorcée après la fin de la guerre froide, a pris fin ».
L’ancien chef de la diplomatie singapourienne George Yeo n’a pas dit autre chose cette semaine : « Vous pouvez imprimer des dollars, mais un jour, vous ne pourrez plus le faire, et il faudra choisir entre produire des armes ou du beurre. L’événement clé sera la rupture de la primauté du dollar. Et nous savons tous que cela arrivera, parce c’est une situation anormale ».
Même les Américains se rendent à l’évidence. L’ancien député et candidat à la présidence américaine Ron Paul pense que « le dollar sera rejeté en tant que monnaie de réserve internationale lors de la prochaine crise économique ».
Power Rangers
Cesser de financer la dette US impactera fortement le niveau de vie des Américains. Il en résultera une baisse du dollar qui se traduira concrètement par de l’inflation pour tous les produits importés.
Mais par quoi les BRICS comptent-ils remplacer le dollar ? C’est une chose de garder de l’or en réserve, s’en est une autre de réaliser des paiements internationaux. En sachant que les États-Unis ont récemment menacé la Chine d’une « déconnexion du dollar » (du réseau SWIFT).
L’or ne peut évidemment pas huiler les échanges internationaux. On entend souvent parler d’une monnaie formée d’un panier de monnaies circulant via un réseau de CBDC. Comme dit Saifedean Ammous, « ça ne marche pas comme ça, on n’est pas dans les Power Rangers ».
Il faudra par ailleurs que les États-Unis acceptent cette monnaie. Or, il y a plutôt fort à parier qu’ils préféreront réduire leurs importations provenant de Chine. Nous irions au-devant d’une fragmentation des systèmes de paiement allant de pair avec une déglobalisation.
L’autre solution est que tout le monde joue à armes égales. Il faudra pour cela une monnaie de réserve apatride ainsi qu’un système de paiement dont personne ne pourrait être exclu.
Nous parlons bien du Bitcoin, une monnaie en même temps qu’un système de paiement, deux-en-un. Il est la seule monnaie existante en quantité absolument finie et dont les transactions ne peuvent pas être censurées (tant qu’il y aura des mineurs éparpillés aux quatre coins du monde).
C’est le bitcoin que les BRICS doivent proposer au monde lors de la prochaine crise économique majeure…
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