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L'IA de DeepSeek chamboule la géopolitique mondiale

18h00 ▪ 8 min de lecture ▪ par Nicolas T.
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L’IA chinoise DeepSeek a provoqué un séisme au sein de la tech américaine. Les rapports de force géopolitiques viennent de changer.

Illustration de la rivalité technologique et économique entre la Chine et les États-Unis. Nous voyons les cartes des États-Unis et de la Chine. Dessinez quelques grosses puces de processeurs connectées entre elles. Les deux cartes ressemblent à des circuits informatiques. Les couleurs des pays doivent être celles de leurs drapeaux respectifs. L'arrière-plan est orange et noir et ressemble également à un circuit imprimé avec des circuits allant dans toutes les directions.

La suprématie de deepSeek

Deepseek est une startup chinoise fondée en 2023 spécialisée dans l’IA LLM (modèle de langage). Son modèle d’IA R1 égale les performances de chatGPT (Open AI), le leader reconnu dans la course à l’IA forte.

R1 surpasse les performances du modèle o1 (chatGPT) dans la plupart des tests de codage, de raisonnement, de mathématiques, etc. Lancée seulement un mois et demi après l’o1, R1 secoue le monde entier pour quatre raisons.

  • Coût de création du modèle 50 fois inférieur.
  • Coût par million d’unités de données traitées 20 fois inférieur.
  • Coût total de la création du modèle inférieur à 6 millions de dollars (contre 10 milliards $ pour OpenAI).
  • Le code est Open source !

Deepseek utilise une nouvelle méthode d’entraînement de l’IA moins gourmande en données. Il s’agit d’apprentissage par renforcement, par aopposition à l’apprentissage supervisé traditionnel.

Avec 671 milliards de paramètres, R1 fait partie des modèles d’IA les plus imposants pour un entraînement de seulement 2,8 millions d’heures de GPU. Le Llama 3 de Meta a nécessité pour sa part 30,8 millions d’heures, soit 11 fois plus.

Mieux encore, alors que l’IA o1 s’est entraînée avec le GPU NVIDIA H100, DeepSeek utilise le NVIDIA H800, une version affaiblie du H100 (embargo américain). Le tout réalisé avec une équipe de moins de 200 personnes, et non de milliers.

Étant open source, n’importe qui peut installer R1 chez lui. Il faudra toutefois du matériel assez performant nécessitant un investissement d’environ 6 000 euros. Protéger sa vie privée a un prix..

Par ailleurs, alors que l’utilisation de l’IA o1 d’Open AI (en ligne) coûte 200 dollars par mois, R1 est gratuit. Pour une utilisation professionnelle et spécialisée, le prix par million d’unités de données traitées est 97 % moins élevé !

Bain de sang boursier à NY

La Chine a pris la tête de la course à l’IA et la chute boursière aux États-Unis confirme ce passage de témoin. Le fabricant de semi-conducteurs américain Nvidia a perdu près de 600 milliards de $ de capitalisation boursière (-20 %). C’est la plus grosse perte journalière de toute l’histoire de la bourse US. Elle représente l’équivalent de la valeur de LVMH, Total Energies et BNP Paribas réunies.

En tout, 1 000 milliards sont déjà partis en fumée si l’on ajoute les chutes de Microsoft, Meta et consorts. La bulle de l’IA serait-elle en train d’exploser ?

Objectif en partie rempli pour le 14ᵉ plan quinquennal chinois qui avait fait de l’IA et des semi-conducteurs une priorité. Le prochain plan quinquennal (2025-2030) table sur une croissance annuelle de 20 % du secteur de l’IA. Il représentera alors 1 000 milliards de yuans en 2030 (139 milliards $)

ASML estime avoir 15 ans d’avance dans la fabrication de semi-conducteurs. Nous verrons bien… Réussir à reproduire la machine suivante est le seul obstacle à la suprématie technologique de la Chine :

L’angoisse est palpable outre-Atlantique. Donald Trump a menacé TSMC (qui fabrique plus de 90 % des puces dernier cri) de taxes douanières assassines. Il s’agit de faire pression pour l’empêcher de livrer des GPU performants au rival chinois.

Mais n’est-il pas déjà trop tard ? Les performances d’un ordre de magnitude supérieur de DeepSeek suggèrent que la stratégie américaine d’embargo technologique ne marche pas. Elle semble même s’être retournée contre eux en forçant la Chine à faire plus avec moins.

IA et suprématie militaire

L’IA est si importante qu’elle pourrait modifier les rapports de force géopolitiques. Le think Tank RAND avance que « les nations du monde entier pourraient voir leur pouvoir augmenter ou diminuer en fonction de la manière dont elles développent l’intelligence artificielle (IA) ».

En effet, l’IA promet ces fameux gains de productivité sans lesquels le ponzi fiat se transforme en une fuite en avant inflationniste. Cela dit, votre serviteur reste sceptique. L’économie est avant tout une question d’énergie. Un camion autonome aura toujours besoin d’énergie pour avancer. L’IA ne changera pas la face du monde.

En revanche, elle bouleverse grandement la façon de faire la guerre. Les généraux américains sont conscients que les nouvelles capacités de la Chine en matière d’IA pourraient lui conférer un avantage militaire asymétrique.

De la guerre autonome (drones, robots) à la cyberdéfense, les nations ayant une longueur d’avance dans la course à l’IA auront un avantage militaire certain. Le conflit ukrainien en est témoin. L’IA remodèle l’art de la guerre. La capacité d’analyse et d’exploitation en temps réel du plus grand nombre de données peut compenser une infériorité numérique sur le champ de bataille.

Le ministre de la Transformation numérique ukrainien Mykhailo Fedorov le revendique : « Nous sommes ici aujourd’hui une sorte de terrain d’entraînement à l’utilisation de l’intelligence artificielle ».

Aide à la décision, autonomie des systèmes d’armes, collecte de renseignements, logistique, cybersécurité, tout y passe. L’IA peut faire la différence dans de nombreux domaines.

Taïwan entre le marteau et l’enclume

Les avantages potentiels créés par l’IA se traduisent par des tensions internationales prenant la forme d’embargos visant à préserver un avantage concurrentiel.

Les restrictions à l’exportation de puces d’IA avancées et de machines servant à les fabriquer ne cessent de se multiplier. D’où les efforts (payants) de la Chine pour ne pas se retrouver dépendante de la technologie fournie par des concurrents hostiles. Cela dit, il lui reste encore du chemin à parcourir. L’écart technologique en matière de fabrication des puces reste important.

La situation devrait donc rester difficile pour Taïwan et la Corée du Sud qui ont un monopole quant à la fabrication des semi-conducteurs de pointe (TSMC et Samsung). Ces deux pays sont confrontés au défi de maintenir des relations commerciales avec l’Occident et la Chine tout en protégeant leurs propres intérêts économiques.

Goldman Sachs a identifié plusieurs seconds couteaux très investis dans l’IA et donc susceptibles d’avoir leur mot à dire dans l’arène géopolitique internationale. Il s’agit notamment du Royaume-Uni, des Émirats arabes unis, d’Israël, du Japon, des Pays-Bas, de la Corée du Sud, de Taïwan et de l’Inde.

Taïwan est probablement le pays ayant le plus à perdre si les tensions entre Washington et Pékin atteignent un point de non-retour. Le scénario noir serait que les États-Unis forcent Taïwan à ne plus vendre aucune puce à la Chine.

Xi Jinping pourrait alors être tenté d’envahir Taïwan, ce qui nous rapprocherait un peu plus d’une troisième guerre mondiale…

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Nicolas T.

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