Les marchés financiers accros aux liquidités
Vous avez probablement déjà entendu cette expression populaire « machine à imprimer » ou « imprimer de l’argent » ? Force est de constater que les marchés financiers deviennent de plus en plus accros aux liquidités injectées par la FED. Il est donc important d’aborder le sujet et d’en voir les tenants et aboutissants.
Qu’est ce qu’imprimer de l’argent veut dire?
Afin de vulgariser au mieux, on va remplacer certains termes compliqués de l’industrie financière en termes ou expressions plus communes. Imprimer de l’argent veut tout simplement dire « injecter des liquidités » dans le système financier.
Ce processus est connu plus techniquement sous le programme du « quantitative easing », ou QE, des Banques centrales. Cela consiste à acheter des obligations d’état, et donc, cela résulte sur plus de liquidités dans le système financier. Le principe inverse est le « quantitative tightening », ou QT, qui, lui, consiste à retirer des liquidités du système financier. C’est actuellement le cas pour la FED.
Le fait d’acheter des obligations est supposé préserver le prix des obligations élevées et, par conséquent, maintenir des taux bas.
Rappel : les obligations et les taux varient de façon opposée. Si les taux montent, le prix de l’obligation baisse et vice versa.
Ensuite, le processus est assez simple à comprendre. Si les taux sont bas, cela va inciter les ménages et les entreprises à emprunter à des coûts bas. Ceci va augmenter les dépenses et ainsi stimuler la croissance. Le fait de stimuler la croissance permet aux Banques centrales d’atteindre leur cible au niveau de l’inflation, soit 2 %.
Le principe d’injecter de l’argent dans l’économie
Le principe d’injecter de l’argent a été mis en place en 2008 afin de sauver l’économie. Initialement, on utilise la machine à imprimer quand on n’a plus d’autres moyens de relancer la croissance économique. Par exemple, lorsque la Banque centrale a déjà baissé ses taux vers 0 % et que cela reste insuffisant pour relancer la croissance, on va faire appel à la machine à imprimer. Et si on relance la croissance économique, cela va guider le taux d’inflation vers son niveau cible, soit de 2 % (notamment aux US et au Canada).
Afin de mieux comprendre ce processus, il faut préciser que l’économie est stimulée par deux facteurs majeurs, principalement :
- La démographie ;
- La dette.
Le premier facteur démographique devient de plus en plus problématique dans les pays développés. On peut constater que la croissance du nombre de personnes en âge de travailler est de plus en plus faible.
En Europe, au Japon, et en Chine, nous pouvons voir une croissance négative des personnes dans l’âge de travailler, soit de 15 à 64 ans. Seuls les États-Unis restent encore positifs, mais proche de 0 % dans les prévisions.
Le cas du Japon est bien connu, ils ont procédé à l’impression illimité pour sauver leur marché obligataire en dépit de leur devise.
Le cas de la Banque centrale d’Angleterre
Vous avez probablement entendu récemment que la Banque centrale d’Angleterre a relancé la machine à imprimer de l’argent ? C’est normal, ceci fait suite à des problèmes de liquidités au niveau du marché des obligations. Les obligations sont très populaires comme classe d’actifs pour les fonds de pension (fonds pour la retraite).
Le problème ici, c’est qu’initialement, le principe d’injecter de l’argent a été conçu pour faire remonter l’inflation vers 2 %. Mais vous pouvez voir que l’inflation en Angleterre est à 9.9 %.
L’outil qui a été créé pour sauver l’économie il y a plus d’une décennie devient lui-même problématique, car il stimule également l’inflation.
Le processus devient petit à petit le même qu’au Japon, les marchés deviennent accros aux liquidités. La prochaine sur la liste, la Banque centrale européenne ? Probablement.
Qu’en est-il de la FED ? Avant de remettre en place la machine à imprimer de l’argent (quantitative easing/injecter des liquidités), peut-être que la FED va procéder à l’arrêt du QT (quantitative tightening/retirer des liquidités) qu’elle a mis en place depuis juin 2022. Le processus du QT est le contraire du QE, c’est-à-dire qu’au lieu d’injecter des liquidités, on va en retirer. Comme le niveau démographique est quand même meilleur pour les US (pas encore négatif) que pour l’Europe, le Japon ou la Chine, il se peut qu’ils aient encore plus de marge de manœuvre que les autres Banques centrales.
Les conséquences de la machine à imprimer
Comme nous l’avons précisé précédemment, imprimer de l’argent devient important, car le facteur démographique est de plus en plus faible. Cependant, les marchés financiers deviennent accros aux liquidités, et cela a pour conséquence de devenir moins efficace, car les fluctuations en dépendent largement.
Voici un exemple de la fluctuation du bilan de la FED et de l’indice majeur des États-Unis, le S&P 500. Vous pouvez constater que lorsque celui-ci augmente, les marchés montent et lorsque la FED réduit son bilan, il y a plus de volatilité sur les marchés financiers.
Voici un autre exemple en mettant en avant le taux de croissance d’une année à une autre de l’indice du S&P 500, mais aussi de l’offre monétaire M2.
L’une des conséquences majeures d’imprimer de l’argent reste l’inflation. Lorsqu’on rend les conditions financières plus accessibles en baissant les taux d’emprunts, cela encourage la consommation, l’investissement et stimule la croissance ainsi que l’inflation. Dans le cas présent, pour savoir si les injections sont efficaces, on peut regarder la vélocité du dollar. Celle-ci consiste à connaître la fréquence pour laquelle une unité de dollar est utilisée pour acheter des biens et services.
Vous pouvez constater que depuis 2008, l’argent injecté a été de moins en moins utilisé pour acheter des biens et services. Par contre, cet argent injecté en 2020 pour relancer l’économie a été en grande partie investi sur les marchés financiers et le marché immobilier. Cela a généré des valorisations très élevées en 2021, créant également des inégalités plus extrêmes, soit les riches deviennent plus riches et les pauvres plus pauvres.
Conclusion
D’après ce qu’on vient d’analyser à travers cet article, on peut constater que les marchés financiers sont accros aux liquidités. Si on suit la même dynamique dans le futur, comme le facteur démographique reste problématique dans des pays développés et qu’on va avoir besoin de la dette pour relancer la croissance, cela va demander d’imprimer encore plus pour maintenir un minimum de croissance. Plus on imprime, plus cela devient moins efficace puisque la dette est plus grande et, par conséquent, le potentiel de croissance plus affaibli.
Dans des cas comme en Europe ou en Angleterre, le problème peut être encore plus important. En effet, la croissance démographique des personnes en âge de travailler est négative, donc, ils doivent continuer d’imprimer pour ne pas mettre en péril le marché obligataire, mais ceci a un impact de dévaluation sur la monnaie locale, ayant pour effet d’augmenter le risque d’hyperinflation.
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Après avoir travaillé pendant 7 ans dans une banque canadienne dont 5 ans dans une équipe de gestion de portefeuille comme analyste, j’ai quitté mes fonctions afin de me consacrer pleinement aux marchés financiers. Mon but ici, est de démocratiser l'information des marchés financiers auprès de l'audience Cointribune sur différents aspects, notamment l’analyse macro, l’analyse technique, l’analyse intermarchés…
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