Les cryptoactifs au Cameroun : Une terre d’opportunités ?
Le Cameroun assiste à une adoption progressive des cryptomonnaies. L’achat et la vente de cryptomonnaies ne sont pas réglementés au Cameroun et ne sont pas non plus illicites. S’agissant de la vente d’actifs numériques, le cadre juridique par défaut est le droit des contrats, soit des affaires (BtoB) ou de la consommation (BtoC). Par conséquent, toute personne au Cameroun peut créer sa propre cryptomonnaie et la vendre au public au Cameroun et à l’étranger à des fins diverses. Les Camerounais peuvent acheter et vendre des cryptomonnaies sans aucune surveillance du régulateur et les projets de cryptomonnaies au Cameroun tentent de se conformer aux lois et pratiques contraignantes (ou non) internationales.
Une réglementation des cryptomonnaies nécessaire
L’absence de réglementation au Cameroun visant à protéger les acheteurs, que ce soit en tant que consommateurs ou investisseurs, permet aux escrocs de proliférer. Ceci a pour conséquence d’accroître l’incompréhension et la méfiance générale à l’égard de ce qui est l’une des plus grandes révolutions de ce siècle.
Lorsqu’on leur pose la question, la plupart des gens déclarent ne pas être très familiers avec les cryptomonnaies. Pourtant, elles sont largement perçues comme une opportunité d’investissement rentable sans une compréhension précise de la technologie sur laquelle elles s’appuient : la blockchain. Cette situation n’est pas spécifique au Cameroun. Il existe dans l’industrie des cryptomonnaies un consensus général et international sur la nécessité de former et d’éduquer sur le sujet.
Aujourd’hui, il y a bien plus que l’achat et la vente de cryptomonnaies. Cette industrie évolue très rapidement. Les cryptoactifs se sont d’abord démocratisés en tant que véhicule de levée de fonds utilisé par les sociétés pour recevoir des capitaux sans perdre le contrôle de leur entreprise grâce à divers mécanismes (ICO, STO, IDO Initial, Token airdrop etc).
Au cours des dernières années, nous avons assisté à l’émergence d’une nouvelle catégorie d’actifs allant des shitcoins aux NFT, des stablecoins à la monnaie numérique de la banque centrale (CBDC), d’un nouveau type de personnalité juridique (DAO) au métaverse.
Les actifs numériques mettent en place un nouveau paradigme juridique, financier et social auquel le Cameroun adhère progressivement.
Les actifs cryptographiques comme moyen de paiement
Les cryptoactifs sont utilisés comme moyen de paiement par certains commerçants au Cameroun, car il est moins cher et plus rapide que le recours au FCFA (XAF). Dans une certaine mesure, les cryptoactifs présentent de nombreux avantages pour le commerce international au Cameroun, car l’argent peut circuler librement et les biens et services sont livrés plus rapidement. La preuve de paiement est irréversible sur le plan informatique et les frais de gaz peuvent être gratuits dans certains cas.
L’actif cryptographique qui est le plus utilisé au Cameroun pour les affaires est l’USDT en raison de sa stabilité inhérente. Des investissements internationaux sont également réalisés sous forme d’actifs numériques, mais ce phénomène est marginal. Cela prendra de l’ampleur, à mon sens, avec la démocratisation de la crypto.
Les cryptoactifs comme instrument d’investissement
Cette méthode de levée de fonds n’a pas été pleinement adoptée par les entrepreneurs au Cameroun et ils continuent à recourir aux mécanismes traditionnels de levée de fonds (tontines, microfinance, prêts, VC, etc.). Actuellement, il existe des obstacles pour que les cryptomonnaies deviennent des instruments grand public, parmi lesquels les méthodes alternatives de financement sont fermement et culturellement ancrées dans la société, et l’incompréhension actuelle de la blockchain est bien réelle. Par conséquent, les cryptoactifs sont pour l’instant utilisés dans un cercle fermé par les crypto-entrepreneurs pour lever des fonds pour leurs projets. Il faudra des mesures incitatives pour que les cryptoactifs deviennent plus mainstream. À cet égard, les NFT ont plus de chances de réussir.
Il existe de nombreux projets d’escroquerie proposés aux Camerounais dans les groupes WhatsApp et Facebook, promettant un impossible retour sur investissement. Les gens tombent généralement dans ces pièges, car la vie est dure et la perspective de gagner de l’argent facile est séduisante. Mais l’argent facile n’existe pas, surtout dans le trading des cryptomonnaies.
Par conséquent, il est urgent que les acteurs crypto faisant autorité au Cameroun suggèrent des réglementations afin de restaurer la confiance dans ces actifs comme investissement dans un cadre BtoC. Sinon, il semble que les escroqueries ont de beaux jours devant elles.
Commerce de pair-à-pair
Le peer-to-peer est utilisé par les Camerounais pour acquérir des stablecoins afin de les échanger ou de les garder en réserve. Le gré à gré est populaire parmi les Camerounais pour acheter des cryptomonnaies et cela parce qu’ils n’ont pas beaucoup de choix. En effet, aucun des 20 premiers échanges de cryptomonnaies au monde n’accepte le paiement par visa avec la monnaie FCFA. Par conséquent, les Camerounais peuvent acheter des actifs numériques créés dans leur propre pays, ces derniers pouvant n’avoir aucune ou peu de valeur sur les échanges internationaux, et les échanger contre une autre crypto sur un exchange. Ils peuvent également les acheter via un courtier à un prix beaucoup plus élevé que celui qu’ils auraient pu avoir directement sur les marchés crypto. Dès que les principales plateformes d’échanges de crypto accepteront l’achat direct en FCFA et offriront une paire de trading en échange en FCFA, il est fort probable de voir une diminution du trading peer-to-peer au Cameroun.
La tokenisation de la société et la facilitation du commerce
Les actifs cryptographiques ne concernent pas uniquement la monnaie. L’actif numérique peut également représenter de l’art, de la musique, un titre et une preuve de propriété, une facture, un connaissement. Les jetons non fongibles (NFT) ont créé une toute nouvelle industrie aux implications considérables.
Par exemple, la tokenisation d’un bien immobilier peut offrir une grande protection contre la vente illégale d’un terrain ou d’un bien en l’absence du propriétaire légitime. La blockchain fournit une preuve de propriété rentable et non réversible sur le plan informatique. Les maisons et les terrains peuvent être enregistrés sur la blockchain. Compte tenu de l’essor de l’immobilier au Cameroun, les actifs numériques constitueront un outil de gestion foncière rapide et rentable.
La crypto serait-elle une solution pour le développement économique du Cameroun ? Je suis fermement convaincue qu’elle fait partie de la solution. L’industrie des cryptoactifs a de multiples facettes : le minage, le trading et la vente d’actifs, et l’actif lui-même peuvent remplir de nombreuses fonctions. Chacune de ces facettes pouvant générer des recettes.
Cryptoactifs et règlement des dettes au Cameroun
Le Cameroun devrait envisager la création d’une CBDC pour le règlement de sa dette. En 2021, la dette publique du Cameroun était de 18 329 millions de dollars. La Chine détient 61,3 % de la dette bilatérale du Cameroun, soit 27,4 % de sa dette totale, et la Banque africaine de développement détient 30,1 % de la dette multilatérale, soit 12,3 % de sa dette extérieure. La Chine a déjà développé sa propre CBDC. La Banque de France a mené avec succès la dernière expérimentation de son programme de règlements interbancaires en CBDC, lancé en mars 2020.
Dans le même temps, si le Cameroun avait acheté 1000 bitcoins (BTC) en 2018 à 4 000 $, le pays n’aurait aucune dette publique aujourd’hui. Ainsi, le Cameroun pourrait bien décider de miner d’autres cryptomonnaies ou d’attirer des fermes, ce qui générerait des recettes fiscales à utiliser pour le remboursement de la dette. La dette du pays pourrait être remboursée en partie avec des cryptoactifs.
Une révolution bitcoin (BTC) à venir au Cameroun ?
Malheureusement, le Cameroun n’a pas embrassé la révolution bitcoin et ne l’a pas perçue comme une opportunité de créer de la richesse, de gagner de l’argent sur les marchés cryptographiques et d’attirer de grandes entreprises dans sa juridiction. Le pays n’a pas permis le transfert d’argent presque gratuitement pour sa diaspora et n’a pas choisi de recourir au bitcoin comme réserve de richesse.
Tout ce qui précède relève d’une politique publique qui nécessite la mise en place d’un arsenal juridique complet afin d’établir une juridiction favorable aux cryptomonnaies et un tech hub. Avec le port de Douala, le Cameroun pourrait même devenir un leader dans la région pour le commerce international basé sur la blockchain.
Inévitablement, discuter de l’adoption de la crypto au Cameroun nécessitera d’aborder, parmi de nombreux sujets, la gestion des ressources naturelles. La pénurie d’électricité est un obstacle à la mise en place de fermes de cryptomonnaies. Cette pénurie doit être elle-même être conciliée avec l’affirmation générale selon laquelle la production d’électricité du Cameroun est supérieure aux besoins de la population, mais qu’elle est mal gérée.
Étant donné que la grande compagnie pétrolière et gazière ExxonMobil a récemment annoncé que le projet pilote de l’usage de l’excès de gaz naturel utilisé aux fins de minage de cryptomonnaies sera étendu au Nigeria, le Cameroun voisin devra finalement prendre position sur la vision qu’il souhaite mettre en œuvre en matière de réglementation des actifs numériques.
Il est également probable que les cryptoactifs soient bientôt utilisés au Cameroun comme outil de lutte contre l’inflation.
En tout état de cause, il y a bien plus que ce qu’il n’y paraît sur le marché cryptographique camerounais, et beaucoup plus qui ne pouvait être abordé ici. L’absence de directives réglementaires claires fait du Cameroun une terre d’opportunités faisant face à des défis majeurs.
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Pascaline MELINON est avocate au Barreau de Paris en droit des sociétés et des actifs cryptographiques. Elle est titulaire d'un LLM European Legal Studies - Distinction de l'Université de Bristol - UK et d'un LLB European and International Law - First Class UWE-Bristol- UK). Elle est la fondatrice de son cabinet d'avocat et travaille pour des clients établis dans le monde entier sur divers aspects de l'industrie des actifs digitaux depuis 2016.
Les propos et opinions exprimés dans cet article n'engagent que leur auteur, et ne doivent pas être considérés comme des conseils en investissement. Effectuez vos propres recherches avant toute décision d'investissement.