Les ambiguïtés du Web3
Depuis plusieurs mois, le Web3 est sujet à controverse. Les attaques viennent principalement des politiques, des écologistes, des grands groupes centralisés, de certains physiciens et des banques. De l’autre côté, une majorité des internautes technophiles ne manquent pas d’arguments pour ce qu’ils qualifient de révolution. Un tour d’horizon des différents points de vue est nécessaire pour se faire une opinion.
Rappel du concept de Web3
- Le Web 1.0 est lu : les utilisateurs peuvent accéder à des données sur le web, mais ne peuvent pas interagir avec elles.
- Le Web 2.0 est en lecture-écriture : les utilisateurs contribuent aux données du Web, par exemple en transférant des contenus.
- Le Web3 est en lecture-écriture-propriété : grâce aux réseaux blockchain interconnectés, les utilisateurs ne contribuent pas simplement aux données ; ils en sont propriétaires.
Les arguments des pro Web3
Protection des données
- Redonner aux utilisateurs le pouvoir sur leurs données personnelles. La blockchain alimente le Web 3.0 afin que les utilisateurs finaux obtiennent la propriété complète de leurs données.
- Le transfert de données dans Web3 est entièrement crypté. Les usagers peuvent protéger et surveiller leurs informations personnelles grâce à un moyen cryptographiquement sécurisé.
- Les utilisateurs peuvent décider comment et avec qui ils veulent partager leurs données.
Le Web3 est décentralisé, ouvert, et les données sont non modifiables
Tout le monde a un accès égal pour contribuer au Web3, et personne ne peut être exclu. La propriété est distribuée entre les créateurs et les utilisateurs. Cela le rend plus résilient et plus équitable, car il n’y a pas de pouvoir central qui peut influencer et contrôler l’ensemble du système.
Ni entité ni individu n’a la possibilité d’accéder ni de changer les données d’un fichier sans la permission de la personne qui en est le propriétaire, ou l’accord de la majorité du réseau distribué.
Transparent, chacun peut vérifier ce qu’il se passe, cela permet d’identifier plus rapidement les criminels, car il y a un système de veille sur la blockchain.
Offrir une expérience nouvelle
L’interopérabilité du Web3 permet à différentes technologies de travailler ensemble de manière transparente. Cela peut ouvrir la voie à de nouvelles possibilités et une meilleure collaboration entre les différents acteurs de l’écosystème numérique.
Le Web3 peut être utilisé pour créer de nouvelles applications et des services innovants de façon plus rapide et plus efficace que le Web2.
De plus, il permet la résilience du stockage. Grâce au réseau distribué, même si un serveur tombe en panne ou cesse son activité, les données seront toujours accessibles via d’autres serveurs sur lesquels elles sont stockées. S’il est obsolète, un nouveau site peut être créé et animé avec un investissement d’infrastructure minimal en utilisant la blockchain préexistante et en s’appuyant sur celle-ci.
Sécurité
Un des avantages sécuritaires parmi les plus importants est la possibilité de publier des données tracées et identifiées, de façon transparente et sécurisée.
Pour les réseaux sociaux, le Web3 redonne le contrôle aux utilisateurs finaux. Les utilisateurs sont responsabilisés et récompensés par des actifs. L’usurpation d’identité est impossible, la confidentialité des utilisateurs est donc protégée.
Le Web3 utilise des technologies de chaîne de blocs et de cryptographie pour assurer la sécurité et la confidentialité des données et des transactions. Cela le rend plus sûr et plus fiable que les technologies actuelles. La redondance de la blockchain la rend très résistante aux pannes, aux violations, à la censure gouvernementale et à la corruption de la base de données. La technologie est plus résistante à la censure privée que le modèle Web 2.0 actuel. Plus de monopole des GAFAM, qui avaient avec le Web2 le contrôle de vos données personnelles, donc moins de risques de dérives de leur part.
Finances
- Supporte les paiements natifs : il utilise la cryptomonnaie pour les opérations financières en ligne, au lieu de s’appuyer sur l’infrastructure obsolète des banques et des processeurs de paiement ;
- Les utilisateurs peuvent avoir le contrôle total de leurs fonds dans Web3 grâce à la finance décentralisée (DeFi) ;
- Les transactions monétaires sont très rentables (avec des frais bien plus bas que le système bancaire actuel), plus rapides et permettent de gagner un temps précieux.
- Diminution des coûts de transactions et d’échanges, de manière sécurisée et avec une grande rapidité, (ainsi, CoinCorner et Bitnob ont signé un partenariat pour faciliter les envois d’argent entre le Royaume-Uni et l’Europe, vers l’Afrique) ;
- Le Web3 peut être utilisé pour améliorer l’économie en ligne et favoriser l’inclusion financière en permettant à tous d’accéder à des services financiers et à des opportunités économiques ;
- Même l’audit interne des banques et des institutions financières peut devenir extrêmement transparent.
Pour les entreprises
- Diminution du nombre d’intermédiaires ;
- La compétitivité est remise à plat, car isolée de l’influence des grands acteurs technologiques. Ainsi, la visibilité sur le Web d’un produit ou d’un service n’est plus dépendant des dépenses en publicités et recommandations ;
- L’entreprise offre une meilleure garantie en matière de préservation des données et de sécurité.
- Les interactions avec les clients sont plus rapides ;
- Les DAO offrent un nouveau système de gouvernance. Les participants doivent approuver collectivement les futures mises à jour, les transactions ou quelconque opération ;
- De nouveaux modèles de financements (vente de tokens organisée par l’entreprise) ;
- L’utilisation du metaverse peut permettre un nouveau schéma économique avec de nouveaux clients, réduit certains coûts comme les locations de salles de conférences, les frais de transport et d’hôtel.
Pour les artistes
- Ils reprennent le contrôle sur le contenu qu’ils produisent et interagissent directement avec leurs communautés pour les engager plus fortement grâce aux NFT (instaurant des relations décentralisées avec leurs fans en les impliquant et en les récompensant) ;
- Les créations artistiques bénéficient d’un nouveau mode de rémunération plus équitable et sans intermédiaire ;
- Le Web3 est adapté aux artistes, aux designers, et aux développeurs ayant besoin de garantir la propriété de leur travail numérique ainsi que leur authentification et leur traçabilité.
Pour les créateurs de contenu
- Ils peuvent s’exprimer librement sans crainte de se faire censurer de manière unilatérale, comme sur Twitter ou YouTube par exemple. Cas particulier très rare, une DAO peut décider collectivement de censurer un individu si elle estime que c’est nécessaire ;
- Il n’y a aucune dépendance aux plateformes centralisées, notamment au niveau de la rémunération, qui est pour le Web2 redistribuée par la plateforme moyennant commission. Sans intermédiaire dans le Web3, les créateurs sont directement connectés à leur audience. Ils peuvent de ce fait bénéficier d’un revenu bien plus élevé pour leurs contributions et leurs créations.
Les NFT occupent une place centrale dans l’univers du Web 3.0
Il s’agit d’une unité numérique identifiable et unique stockée sur la blockchain. Ainsi, l’historique complet des propriétaires précédents est consultable de manière transparente grâce à la blockchain.
Les applications pour les NFT sont multiples, les plus connues sont les jeux vidéo avec les objets in-game qui peuvent devenir des actifs numériques, ou encore dans le domaine de l’art numérique.
Identité numérique
Grâce aux NFT, il est possible de posséder sa propre identité numérique, qui ainsi échappe au contrôle de plateformes centralisées et peut servir de nom d’utilisateur sur le Web3. Par exemple, l’Ethereum Name Service (ENS) est un protocole open source sur la blockchain Ethereum qui permet d’assigner son identité numérique à un portefeuille Ethereum.
C’est aussi le cas des NFT Soulbound Token STB qui sont non transférables. L’intérêt est que cela peut servir de justificatif d’identité et permet de s’affranchir des mots de passe
Les metaverses
- Il s’agit d’espaces numériques immersifs et partagés, avec leur propre économie, dans lesquels les utilisateurs peuvent interagir ;
- Ils ont le potentiel de combiner de nombreuses technologies : réalité augmentée, réalité virtuelle, jeux vidéo, réseaux sociaux, cryptomonnaies, NFT, etc. ;
- Le Web3 est la base des metaverses afin de protéger les utilisateurs, et il fournit des applications décentralisées en développant des mondes virtuels où ces dernières règnent.
Les arguments contre le Web3
De nombreuses voix s’élèvent contre cet écosystème, parmi elles, on retrouve certaines personnalités du Web:
- Stephen Diehl, un ingénieur informaticien londonien qui publie sur son compte Twitter une longue suite de punchlines contre les cryptomonnaies, les NFT et le Web3.
- Elon Musk : « le metaverse n’est pas convaincant et le Web3 relève plus du marketing que de la réalité ».
- Le fondateur du Web, Tim Berners-Lee, estime quant à lui que « le Web3 n’est pas du tout le Web ».
Sécurité
- Le Web3 est associé par certains aux cryptomonnaies et est considéré comme un système de Ponzi géant ;
- Olivier Blazy, professeur en sécurité informatique à Polytechnique, estime qu’il y a des failles de sécurité. Sur son blog « Web3 is going just great » il répertorie tous les bugs et les arnaques ;
- Le web3 peut être utilisé pour des activités illégales ou nuisibles, comme le trafic de drogue ou le financement du terrorisme, ce qui peut poser des problèmes de réglementation et de sécurité.
- Il n’existe souvent aucune garantie que les données d’application Web3 proviennent de la source correcte, en dépit du concept de « confiance implicite », car de nombreuses requêtes d’API du Web3 ne possèdent pas de signature cryptographique, ce qui augmente le risque d’attaques et de fuites de données ;
- Les contrats intelligents, eux aussi, ont des failles. Une étude de 2019 a identifié des contrats intelligents Ethereum incorrectement codés, compromettant la sécurité de 4 millions de dollars d’ethers. Puis en décembre 2021, des contrats intelligents défectueux ont permis à des hackers de dérober un montant d’environ 31 millions de dollars en cryptomonnaies. Et en mai 2022, un algorithme défectueux a entraîné une perte de valeur d’environ 50 milliards de dollars de la cryptomonnaie TerraUSD ;
- Pour certains, les cryptomonnaies ont le même effet que de faire tourner la planche à billets.
- Il est compliqué de passer à une décentralisation totale, pour la blockchain. Selon la plateforme d’analyse cryptographique Messari, la majorité des 4 653 nœuds Ethereum (ETH) actifs sont entre les mains de fournisseurs Web centralisés comme Amazon Web Services (AWS), qui pourraient « exposer Ethereum à des points de défaillance centraux ».
- Des points d’accès à la décentralisation seraient eux-mêmes centralisés. METAMASK est centralisé, mais propose un service décentralisé, car, depuis peu, il adopte un process centralisé en matière de collecte de données…
Trop complexe
L’hermétisme des communautés et l’usage de termes compliqués représentent un frein à l’adhésion du grand public au Web3. En effet, il ne tient pas compte du niveau d’expérience des utilisateurs, car conçu par des experts pour des experts.
Dans une enquête menée par le Pew Research Center à la fin de l’année 2021, seuls 13 % de la population américaine aurait déclaré ne pas avoir entendu parler du bitcoin ou de toute autre blockchain.
Coût et pollution
- Le Web3 peut être coûteux et exiger de l’investissement en temps et en argent pour développer et mettre en œuvre des applications et des services ;
- Il faut interagir avec des dizaines de tokens et payer des frais de transaction pour chaque action ;
- Les blockchains présentent aujourd’hui de nombreux défauts importants, spécifiquement en raison de leur décentralisation : frais de « gaz » coûteux, lenteur, consommation d’énergie…
Droit et liberté
Pas de marche arrière possible ni de suppression, le droit à l’oubli n’est pas applicable.
Les données sont non modifiables, c’est donc illégal, car ça contrevient aux lois de la CNIL et du RGPD qui imposent un droit de regard de suppression et de modification de ces données en ligne.
Il n’y a pas d’interlocuteur unique mais un collège d’interlocuteurs. Donc pour une question de responsabilité il est impossible de savoir à qui se référer.
Il y a un risque de fuites de données personnelles.
Selon une étude en ligne, conduite en janvier dernier par le National Research Group :
- 54 % des consommateurs américains se sont dits inquiets quant à la menace que constituent les technologies vis-à-vis de leurs droits et libertés ;
- 44 % ont évoqué leurs préoccupations quant à la protection de leurs données en ligne ;
- 38 % déploraient la publicité en ligne ;
- 34 % exprimaient leur impuissance dans la gestion de leurs informations personnelles.
Garanties
- Aucune donnée n’est véritablement anonyme du simple fait que dans une blockchain, elles peuvent être stockées et consultées par n’importe quel nœud connecté ;
- Les cryptomonnaies issues de la blockchain ne sont pas toujours garanties par de vrais fonds. Le cas de FTX en est l’exemple.
Problèmes liés à l’anonymat
- Cet espace de liberté totale d’expression portée par l’anonymat sans modération s’est rapidement transformé en arme de harcèlement en ligne et en terrain de jeu favori des fake news ;
- Le pillage des données personnelles des utilisateurs à des fins de publicité ciblée est aussi un des points critiques du Web3.
Les metaverses
Certains metaverses développés par des entités centralisées (Meta notamment) garderont probablement le même schéma de contrôle de données que sur le Web2, car il s’agit de l’une de leurs principales ressources financières.
Conclusion
Le Web3 va devenir ce que nous allons en faire… Toute innovation technologique évolue… Il faut apprendre à « se tenir debout avant de marcher ». Le Web3 est encore en phase de développement. Par conséquent, il dépend encore de beaucoup d’infrastructures centralisées et il y a encore de nombreux challenges à surmonter avant qu’il ne devienne une technologie mature et largement adoptée. Les innovations sont toujours utilisées par ceux qui en ont intérêt, d’où l’explosion de cybercriminalité comme les hacks et les arnaques dans le Web3. Ce n’est pas la technologie qui est corrompue, c’est l’humain. Paradoxalement, le Web3 s’éloigne des cas d’usages initiaux. L’avenir nous dira si on a affaire à une évolution ou à une révolution.
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Passionnée de l'art et du Web 3 Très active dans l'écosystème depuis 2021 en particulier sur les réseaux sociaux avec des rédactions d'articles Web 3, des communiqués de presse sur des lancements de collection de NFT et la participation à des évènements de l'écosystème. En juillet 2022 Mme RAIBALDI a été classée parmi les 333 influenceurs mondiaux du web 3 LinkedIn.
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