L’économie française résiste, mais pour combien de temps ?

En dépit des incertitudes qui pèsent sur le contexte mondial, l’économie française surprend par sa capacité à maintenir un équilibre précaire. Alors que la croissance nulle prévue pour la fin de l’année aurait pu annoncer des jours sombres, plusieurs indicateurs suggèrent une résistance inattendue. Pourtant, ce tableau n’est ni noir ni rose, selon les mots du gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau.

Une économie qui échappe à la récession, mais sous tension

L’économie française parvient à éviter la récession avec une croissance annuelle projetée entre 0,8 % et 1,1 % en 2024, selon les prévisions de l’Insee et de la Banque de France. Ces chiffres, bien qu’en demi-teinte, témoignent d’une certaine stabilité dans un contexte européen marqué par des récessions prolongées, notamment en Allemagne. Ainsi, comme l’a souligné Christopher Dembik, économiste chez Pictet Asset Management, cette performance relative s’explique par une économie davantage tournée vers son marché intérieur, ce qui la rend moins vulnérable aux chocs extérieurs. Il précise également que « le poids réduit de l’industrie dans le PIB français, souvent perçu comme une faiblesse, joue ici le rôle d’un amortisseur face à la crise de compétitivité que subit l’industrie européenne ».

Cependant, cette résilience est loin d’être homogène. Tandis que des secteurs comme l’aéronautique et l’agroalimentaire connaissent un regain d’activité, d’autres, comme le manufacturier, peinent à se redresser. Des fermetures d’usines, notamment celles annoncées par Michelin, et des suppressions d’emplois chez Auchan, illustrent les difficultés de transformation pour s’adapter aux nouvelles dynamiques du marché. François Villeroy de Galhau tempère néanmoins ces constats et affirme que « l’industrie, globalement, a résisté relativement bien », selon les enquêtes de la Banque de France pour octobre.

La consommation et l’emploi : des piliers sous pression

La consommation des ménages demeure un point clé de la résistance de l’économie française. Soutenu par une progression du pouvoir d’achat de 1,3 % prévue pour 2024, ce pilier reste stable, malgré les tensions inflationnistes. De plus, selon l’Insee, cette hausse s’explique par l’amélioration des salaires réels, avec une augmentation de 0,9 % du salaire moyen par tête. En revanche, le marché de l’emploi reflète une situation plus complexe : 17 700 destructions nettes d’emplois ont été enregistrées au troisième trimestre, et le taux de chômage pourrait atteindre 8 % d’ici fin 2025. Christopher Dembik rappelle que « les ajustements actuels traduisent un retour à la normale après des années d’un soutien massif aux entreprises pendant la pandémie ».

Sur le plan des perspectives, le climat politique et les discussions budgétaires pèsent lourdement sur l’avenir économique. Le budget 2025, avec ses prévisions d’augmentation de la fiscalité, pourrait ralentir la croissance de plusieurs dixièmes de points. De plus, les tensions politiques, amplifiées par les incertitudes géopolitiques et le spectre d’une guerre commerciale avec les États-Unis sous l’administration Trump, alimentent les inquiétudes des investisseurs. Comme l’explique Éric Dor, directeur des études économiques à l’IESEG, « si un blocage politique se prolonge, les marchés pourraient finir par réagir, ce qui amplifie ainsi les risques économiques ».

L’économie française se trouve à un virage décisif. Si la résilience actuelle permet d’éviter une crise immédiate, elle ne saurait dissimuler la nécessité d’assainir les finances publiques et d’engager des réformes structurelles pour répondre aux défis de demain. Toutefois, les signaux actuels appellent à une vigilance accrue, tandis que les débats budgétaires et les évolutions géopolitiques seront capitaux pour maintenir la confiance des marchés et soutenir une croissance durable. L’avenir repose sur une équation délicate : préserver la résilience et anticiper les bouleversements.