Le Bitcoin (BTC) en Afrique : Opportunités et Défis
Le Sénégal accueillera les 2 et 3 décembre prochain le premier forum Dakar Bitcoin Days entièrement dédié à l’invention de Satoshi Nakamoto. Cointribune en sera le partenaire officiel, comme nous l’avions annoncé. Alors que l’on a récemment fêté l’anniversaire de la sortie du fameux White Paper, c’est l’occasion de faire un point sur ce que l’Afrique peut gagner avec l’adoption du bitcoin.
Sur le continent, l’année 2022 aura été marquée par la décision de la République Centrafricaine de légaliser l’usage du bitcoin sur son territoire. Il s’agit du premier pays africain à avoir franchi le cap. Ce qui nous amène à nous interroger sur ce phénomène, sur ce qu’il peut apporter et s’il est susceptible de se reproduire. Nous explorerons dans cet article les thèmes qui seront développés lors du forum Dakar Bitcoin Days. À savoir l’échange de capitaux, la décentralisation, l’inclusion financière, l’éducation et la technologie.
Une situation propice à l’éclosion du bitcoin ?
Le bitcoin a été conçu pour être une alternative aux monnaies Fiat émises par les banques centrales. Alors que ces dernières bénéficient en général d’un large consensus auprès des populations, on pourrait se demander pourquoi utiliser le bitcoin à la place… En effet, quel est l’intérêt d’aller se procurer du bitcoin pour aller faire ses courses alors qu’il est si simple d’utiliser les monnaies Fiat traditionnelles ?
Voyons le cas des pays de la zone CFA. Eux aussi sont touchés par une forte inflation ces derniers temps. Serait-ce une situation propice à Bitcoin ? On sait bien que ce qui compte, ce n’est pas la vérité, mais plutôt ce qui est perçu comme tel. L’écart entre les deux étant parfois important, voire diamétralement opposé. Ainsi, la flambée des prix actuellement constatée dans le monde, malgré toutes les difficultés qu’elle implique, est surtout comprise comme une hausse du prix des denrées et non pas comme un affaiblissement structurel des monnaies Fiat. La confiance en celles-ci n’est donc pas (encore) ébranlée. Dans l’esprit des populations, le recours au bitcoin comme alternative n’est pas justifié tant que la flambée des prix ne dépasse pas un seuil critique. De plus, le récent bear market, dû à une spéculation excessive, n’a pas joué en faveur du bitcoin.
(à propos, savez-vous pourquoi nos devises sont appelées monnaies Fiat ? La réponse à la fin de l’article…)
Par contre, le Salvador, premier pays à avoir légalisé le bitcoin, ne dispose même plus de monnaie nationale depuis une vingtaine d’années, suite à une situation sécuritaire intérieure désastreuse. Les échanges reposaient uniquement sur le dollar américain. En République Centrafricaine, pays longtemps rongé par la guerre civile et où la situation reste toujours précaire, il est très difficile d’effectuer des échanges de devises avec l’étranger. On pourrait aussi citer le cas de la République Démocratique du Congo, où le Franc Congolais ne cesse de dégringoler, au grand dam des populations. Ce qui a poussé le lancement de l’initiative KivEclair, similaire à Bitcoin Beach au Salvador.
Alors, cela signifie-t-il qu’il faille attendre une situation économique déplorable pour que le bitcoin puisse s’imposer ? Non, car de nombreux cas d’usages sont déjà possibles et particulièrement adaptés aux besoins du continent.
Libérer le commerce électronique
C’est un fait, le commerce électronique décolle en Afrique, mais sur le marché local uniquement. En effet, les paiements s’effectuent soit par mobile money, soit à la livraison pour les biens physiques. Cependant, ce n’est malheureusement pas le cas à l’international. Car, pour des raisons obscures, il est très difficile pour un commerçant africain d’avoir accès à un processeur de paiement internet Visa / Mastercard. Les banques locales ne souhaitent pas ou ne peuvent tout simplement pas offrir ce service. Pour les paiements par carte, les sites de vente en ligne n’ont alors d’autres choix que de se rabattre sur des partenaires en Europe ou aux États-Unis qui encaissent les paiements pour eux et leur reverse ensuite l’argent. Cela génère bien sûr des frais importants, des délais et des tensions sur la trésorerie. Dès lors, l’accès aux marchés extérieurs se complique énormément.
Par contre, si les commerçants web adoptent le bitcoin, c’est une ouverture à l’international qui s’offre à eux. Une véritable opportunité économique qui ne devrait pas être négligée. Ceci, autant pour le commerce en ligne que pour le commerce traditionnel, qui souffre aussi des échanges laborieux à l’international avec des transferts Swifts lents et coûteux. Pour cela, des solutions existent. Comme BTCPay Server ou encore Greed, le système de boutique sur Telegram qui accepte les BTC.
Un outil de résistance face aux sanctions internationales
Les situations politiques précaires dans le continent sont souvent le prétexte à l’application de sanctions économiques contre certains pays, comme on l’a constaté en 2022 au Mali, au Burkina ou en Guinée. En empêchant des pays entiers de commercer avec leurs voisins, les populations les plus vulnérables sont les premières victimes à ce petit jeu. Avec Bitcoin, aucune censure possible, les populations peuvent continuer à effectuer des transactions économiques quelle que soit la situation politique.
Une inclusion financière facilitée
Il s’agit d’un leitmotiv en Afrique, et le mobile money, en plein essor, y joue un rôle important. Mais pour en bénéficier, il est nécessaire de se soumettre à une procédure d’identification en bonne et due forme. Or, il faut souligner les problèmes d’accès à l’état civil pour une grande partie de la population, en milieu rural particulièrement. De nombreuses personnes sont donc dépourvues de pièces d’identité et donc exclues du système financier traditionnel. Au contraire, avec Bitcoin et ses wallets protégés par des clés privées, tout le monde peut avoir accès à un système financier décentralisé anonyme sans avoir besoin de justifier de son identité.
De plus, l’argent envoyé de l’étranger vers l’Afrique représente une part importante des revenus pour ce continent, mais les tarifs restent élevés. En revanche, les transferts en bitcoins sont très peu coûteux, et ils le sont encore moins lorsqu’ils transitent via le Lightning Network. Voilà encore une application concrète des possibilités de Bitcoin.
Bitcoin est aussi un rempart contre les sinistres CDBC qui font désormais partie de l’agenda de nombreux pays ou zones économiques. Même en Afrique, où le Nigéria est à la pointe de ce dossier. La BEAC a aussi cru bon de rappeler les vertus supposées des CDBC face à la démarche pro-bitcoin de la République Centrafricaine. Toutefois, la réalité du cash en Afrique laisse supposer une mise en œuvre plus laborieuse de ce genre d’initiative…
L’éducation : une nécessité absolue
Dans ce contexte, et on le sait, l’éducation à Bitcoin et à ses particularités est un impératif. De nombreuses initiatives existent déjà et nous avons eu l’occasion d’en découvrir certaines comme Africa Blockchain Generation, Ivoire Crypto et Mama Bitcoin. C’est également tout le sens du forum Dakar Bitcoin Days : éduquer le public et le sensibiliser à tout l’écosystème du bitcoin.
Le défi technique de la connectivité internet
L’obligation de disposer d’une connexion internet est un défi pour la démocratisation du bitcoin en Afrique. Les zones urbaines sont très bien desservies, mais tel n’est pas le cas des zones rurales. Pour y répondre, des systèmes d’échanges de bitcoins par SMS comme AlloHash (entre-temps rebaptisé Offline.Exchange) ou Manchakura sont à promouvoir. D’autre part, le protocole Lot49, un système open source permettant l’accès aux transferts de bitcoins aux zones non couvertes peut aussi jouer un rôle important.
Voici maintenant la réponse à notre petite énigme : le terme « monnaies Fiat » vient de la Bible. En effet, la Genèse commence par la phrase « Que la lumière soit », en latin « Fiat Lux ». Cela traduit l’idée que Dieu a été capable de produire le monde à partir de rien, sur une simple déclaration. Exactement comme les devises Fiat, qui contrairement aux devises adossées à des actifs comme l’or, sont produites à partir de rien, sur simple décision de banquiers centraux. Voilà donc une poignée d’oligarques qui se prennent pour Dieu et qui prétendent pouvoir créer de la richesse à partir de rien ou plutôt, plus fort encore, à partir de dettes ! La décision aberrante de recourir aux taux d’intérêts négatifs (qui impliquent l’idée absurde que le futur est plus certain que le présent) risque d’être un signe vers un retour brutal à la réalité.
Les caractéristiques uniques du bitcoin devraient pouvoir aider à traverser les difficultés actuelles et à venir et à promouvoir un système financier plus vertueux. Gageons que le continent africain saura en tirer parti. Les récentes initiatives comme le forum Dakar Bitcoin Days le laissent entrevoir.
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Entrepreneur en informatique et résident en terres africaines depuis une quinzaine d'années. Dans ce monde incertain et vacillant, je considère le bitcoin et les cryptos comme l'une des meilleures opportunités face aux défis qui nous attendent.
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