L'avenir de la blockchain s'écrira en Europe ! Les 31 pays passés au crible
Combien d’entreprises européennes font partie des géants du web ? Spoiler : il n’y en pas. Les GAFAM, qui dominent le web, sont aujourd’hui exclusivement américains. Voilà pourquoi le tournant d’Internet est souvent perçu comme un échec. Google, Amazon, YouTube, Microsoft, aucune de ces entreprises n’a de compte à rendre aux citoyens européens. Alors même que ces services sont désormais incontournables et utilisés chaque jour par des milliards de personnes. Dorénavant, l’Europe est face à un nouveau rendez-vous technologique : celui de la blockchain et des cryptomonnaies. C’est donc un enjeu de souveraineté numérique qui se présente. C’est aussi une question politique pour l’UE, plutôt favorable à la centralisation et à l’harmonisation juridique. C’est dans ce contexte que l’« EU Blockchain Ecosystem Developments » a vu le jour. Le rapport analyse en profondeur les potentialités futures en Europe.
Un écosystème blockchain en construction
L’EU Blockchain Observatory and Forum est composé d’un groupe d’une quinzaine de chercheurs. La plupart travaillent au sein de l’université de Nicosie, à Chypre, un pôle crypto important. Au fil des 217 pages du document, on découvre un riche écosystème européen. En plus des 27 pays membres, le Royaume-Uni, la Norvège, la Suisse et le Liechtenstein ont également été passés au crible. À noter que le rapport a été commandé à l’initiative de la commission européenne. Ce n’est évidemment pas un hasard : la commission cherche à dresser un état des lieux complet des différentes situations, pays par pays. Le but ? Tenter d’harmoniser les politiques de régulation concernant les cryptos entre chaque nation. C’est d’ailleurs le projet de la loi MiCA (Regulation of the European Parliament and of the Council on Markets in Crypto-Assets).
Cette harmonisation est le maître mot des banques centrales, représentées par Christine Lagarde et son homologue américain Jerome Powell qui se sont rencontrés en septembre 2022 à Paris. C’est dans ce contexte que le Partenariat Européen Blockchain (EBP) a été créé par 21 États membres de l’UE en 2018. Il marque la première initiative à l’échelle de l’UE spécifiquement consacrée à la blockchain. L’intérêt de la BCE et de la commission Européenne pour les cryptos n’est toutefois pas sans risque pour la décentralisation. Un idéal que les bitcoiners poursuivent depuis des années.
Indépendamment de ces questions politiques, l’équipe de chercheurs porte un regard plutôt enthousiaste sur le potentiel économique et social de la blockchain. Le rapport met principalement l’accent sur les possibilités de business et les opportunités commerciales. Bien entendu, il mentionne les CBDC (monnaies numériques de banque centrale) qui intéressent de plus en plus les gouvernements. D’autant que l’arrivée de l’euro numérique est prévue pour 2025. Cependant, le rapport préfère ne pas s’attarder sur le sujet et se focalise sur l’écosystème déjà existant, construit par les communautés.
Stimuler l’innovation et harmoniser la régulation crypto en Europe
Pour analyser chaque pays, l’équipe retient deux indicateurs principaux : le niveau de maturité de l’écosystème (entreprises, cursus universitaires, communautés d’utilisateurs) et le niveau de régulation.
Recoupant de nombreuses données, les chercheurs ont ainsi dressé un classement sous forme de tableau qui permet de visualiser rapidement où en sont les pays dans le train de la blockchain (voir tweet ci-dessus). Par exemple, le nombre d’ATM par région (consultable via cette carte interactive) est un indicateur intéressant. Les chercheurs ont également réalisé une estimation de l’intérêt des populations nationales en se basant sur les requêtes des moteurs de recherche. Pour finir, ils ont pris en compte l’intérêt universitaire : le nombre de programmes d’enseignement relatifs à la cryptographie, la blockchain ou Bitcoin. Une manière de mesurer la légitimité de ces technologies auprès des institutions.
On découvre que des pays comme les Pays-Bas, la Lituanie ou la Slovénie possèdent les écosystèmes cryptos parmi les plus matures (proportionnellement à leur population). On retrouve logiquement dans la tête du classement la Suisse, la France et l’Allemagne. D’autres nations étonnent : dans l’industrie blockchain, ce ne sont pas les plus gros qui sont les premiers. On apprend ainsi que l’Estonie, Chypre, la Lettonie et Malte sont autant de pays qui misent sur l’innovation technologique et tentent de tirer leur épingle du jeu (et y parviennent). Leur modeste taille pourrait bien s’avérer être une force pour développer l’industrie blockchain de demain. Toutefois, cette industrie se développe très inégalement entre les pays. Globalement, les pays du nord restent plus avancés, même s’il existe des exceptions significatives. Par exemple, Chypre pourrait bien devenir une « crypto-nation » prospère. Sa position géographique et sa volonté politique de développer l’industrie numérique sont des atouts majeurs.
La France paradoxalement à la pointe de la blockchain (et de la régulation)
« Historiquement, la France a toujours été un pays réticent à la création d’entreprises. » Notent les chercheurs. En effet, la France a souvent eu une approche inverse de la vision américaine. D’abord réguler, et ensuite développer ses entreprises. Dès 2016, la France se positionne à l’avant-garde de la régulation des actifs numériques. Pressés de donner un cadre juridique au phénomène des ICO (Initial Coin Offering), elle légifère rapidement sur le sujet. Viennent ensuite toute une série d’autres initiatives législatives en 2018 et 2019. Malgré cette régulation précoce (et parfois assez contraignante), cela n’a pas empêché la création d’entreprise prospère. C’est le cas de Ledger, qui est devenu au fil des années le fer de lance de l’industrie crypto en France et à l’international. Leur solution de hardware wallet est désormais utilisée et connue partout dans le monde.
Avec plus de 160 startups créées autour des cryptos et de la blockchain, la France possède une manne de jeunes entreprises à fort potentiel. Autre preuve de la vitalité de l’écosystème français : le nombre d’investissements. En tout, les entreprises ont levé plus de 180 000 000 € pour les cryptos. Et même s’il reste moins dynamique qu’aux États-Unis, l’écosystème français est aujourd’hui en plein essor. Le pays est peu à peu devenu un acteur incontournable au sein de l’UE. La forte culture informatique de l’hexagone, conjuguée à un effort soutenu pour soutenir les startups, semble porter ses fruits.
Conclusion
Malgré son apparente hostilité vis-à vis des cryptos (MiCA), l’UE s’intéresse de près aux développements de la technologie blockchain. C’est un enjeu stratégique à l’heure où le contexte géopolitique se tend en Europe. Dans ce contexte de recherche de souveraineté numérique et économique, la blockchain devrait avoir les caractéristiques nécessaires pour répondre aux défis étatiques de demain. L’essor de la blockchain sur le continent est réel et grandit chaque jour, malgré de très fortes disparités entre les pays. Reste à savoir comment les citoyens et les communautés seront inclus dans ce nouvel environnement numérique. Une chose est sûre : l’avenir de la blockchain et des cryptos s’écrira en Europe, pour le meilleur, comme pour le pire.
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Les cryptomonnaies et le bitcoin constituent un phénomène culturel et politique à part entière. Du mouvement cypherpunk en passant par le crypto-art, je documente ces tendances qui repoussent toujours plus loin les frontières de l’économie traditionnelle.
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