La Russie plaide à New York pour la fin du monopole du dollar
La question du système monétaire international est de retour au cœur des tensions géopolitiques. Le bitcoin apparaît de plus en plus comme une solution de sortie.
Sergueï Lavrov pose les conditions
La Russie a pris le 9 juillet la présidence tournante du conseil de sécurité de l’Organisation des nations unies. Le ministre des Affaires étrangères russe a profité de l’occasion pour venir en personne à New York.
Sergueï Lavrov y a présenté la feuille de route pour apaiser les relations internationales. La Russie demande avant tout des « pas concrets concernant le retrait des menaces occidentales qui pèsent sur la fédération de Russie ». Dit autrement, l’expansion de l’OTAN doit cesser.
Le second point fut très intéressant. Le diplomate a déclaré que la « restauration de l’équilibre des pouvoirs régionaux et internationaux doit s’accompagner d’efforts en vue d’éliminer les injustices se trouvant au cœur de l’économie mondiale. Dans un monde multipolaire, par définition, il ne saurait y avoir de monopole au niveau monétaire […] ».
« L’Arabie saoudite réfléchit aux moyens de réduire sa dépendance à l’égard du dollar en cas de vol des réserves de change russes par l’occident. Le processus de dédollarisation est en cours, il ne peut pas être arrêté », a-t-il déclaré plus tard à la presse.
M. Lavrov a prévenu que les ministres des finances et les dirigeants des banques centrales des pays des BRICS travaillent à la création de systèmes de paiement alternatifs. « Par exemple, le président [du Brésil] Lula da Silva a activement promu l’idée de créer des plateformes de paiement alternatives lors du sommet des BRICS de l’année dernière. Certaines recommandations devraient être présentées lors du sommet de Kazan en octobre », a-t-il ajouté.
Pour M. Lavrov, « l’écrasante majorité des nations » souhaite une évolution des droits de vote au sein des institutions de Bretton Woods (FMI et banque mondiale). Face au droit de veto des États-Unis, l’émissaire a lancé que les BRICS et l’Organisation de coopération de Shanghai (SCO) représentaient désormais le « Gold standard des relations multilatérales entre grandes puissances ».
Le privilège exorbitant remis en question
L’expression « gold standard » n’est pas anodine. Les banques centrales russe et chinoise accumulent de grandes quantités d’or depuis la seconde guerre d’Irak. Cette tendance s’est encore accentuée dans le sillage de la crise de 2008, lorsque la Fed s’est mise à monétiser les dettes publiques et privées (QE).
Cette solution de facilité n’est pas du goût des nations exportatrices comme la Russie et la Chine qui placent leurs réserves dans le dollar (dans la dette américaine pour être précis).
Le dollar est la monnaie « pivot ». C’est-à-dire que toutes les monnaies flottent par rapport à lui. Par exemple, on n’échange pas directement du won coréen contre du peso argentin. Il faut passer par le dollar. Une seule monnaie pivot permet des frais de conversion minimes.
Le billet vert est au centre du système monétaire international depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. La fin du gold standard en 1971 n’y a rien changé, grâce au système du pétrodollar. En essence, dans ce système, les nations placent leurs excédents commerciaux dans la dette américaine. Le chiffre est d’environ 7 000 milliards de dollars, soit 58 % de l’ensemble des réserves de change mondiales.
Le « privilège exorbitant » qui en découle pour les États-Unis est de pouvoir afficher une balance commerciale chroniquement déficitaire sans que le dollar ne baisse. Dit plus simplement, les Américains paient leurs importations beaucoup moins cher que toutes les autres nations.
D’où l’ambition des BRICS de se débarrasser de la monnaie américaine. La part du dollar dans les réserves de pays comme la Russie, la Chine ou encore l’Arabie saoudite ne cesse de diminuer depuis plusieurs années maintenant.
Bitcoin, Bretton Woods 2.0
Si Donald Trump veut véritablement éviter une troisième guerre mondiale, il ne pourra pas faire abstraction de la question monétaire.
D’ailleurs, peut-être est-ce pour cette raison qu’il appelle ouvertement Jerome Powell à ne pas baisser les taux avant l’élection présidentielle. Ce scénario prend tout son sens à la lumière de cet échange de 2023 entre le vice-président James Vance et le président de la Fed Jérome Powell :
Pour les non-anglophiles, le sénateur Vance avance qu’avoir la monnaie de réserve internationale n’est peut-être pas un cadeau. Pour lui, il vaudrait mieux résorber le déficit commercial en vue de reconstruire la base industrielle américaine, quitte à ce que le dollar baisse.
Or, moins d’importations se traduira mécaniquement par de l’inflation, d’où la nécessité de maintenir les taux élevés.
Face à de nouvelles barrières douanières, la Chine continuera de bouder le dollar. Il faudra alors trouver une nouvelle monnaie de réserve internationale pouvant satisfaire les deux puissances. C’est là que le bitcoin entre en scène.
Comme l’a déclaré Travis Kling sur CNN, le bitcoin est une réserve de valeur numérique, apatride, immuable et décentralisée. Il est une monnaie forte en même temps qu’un réseau extrêmement compétitif pour les larges paiements internationaux. Deux-en-un.
Le bitcoin est un système neutre qui permettrait à toutes les nations de commercer et d’épargner à armes égales. La sénatrice Cynthia Lummis affirme que M. Trump « voit le potentiel du bitcoin en tant que technologie d’épargne ».
L’ancien président américain a même déclaré cette semaine : « La Chine s’y intéresse [bitcoin]. Il est là pour rester ». Notons en passant que la plus grande banque chinoise (ICBC) a récemment déclaré que le bitcoin est supérieur à l’or.
M. Trump annoncera-t-il la création d’un fonds de réserve américain en bitcoin lors de la conférence Bitcoin de Nashville qui se déroule en fin de semaine prochaine ? Wait and see…
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