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La Russie lance un exchange crypto réservé à l'élite

14h00 ▪ 6 min de lecture ▪ par Evans S.
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Alors que le monde des cryptos tangue entre régulation et anarchie, la Russie joue une partition inédite. Loin des clichés d’un État réfractaire, Moscou orchestre une manœuvre subtile : une bourse crypto étatique, réservée à une élite financière. Un paradoxe ? Plutôt une stratégie calculée, mêlant contrôle absolu et ouverture feutrée.

L’image montre un agent gouvernemental russe imposant, debout derrière un pupitre futuriste dans un bureau froid et autoritaire.

En bref

  • La Russie lance une bourse crypto d’État, réservée aux investisseurs ultra-qualifiés.
  • Ce modèle hybride reflète une stratégie géopolitique : contourner les sanctions sans ébranler le système financier traditionnel.
  • Une expérimentation risquée, où innovation rime avec autoritarisme feutré — Moscou teste un crypto-réalisme à la russe.

Crypto-élitisme : quand Moscou réinvente l’accès aux actifs numériques

La Banque centrale et le ministère des Finances russes ont dévoilé un projet audacieux : une plateforme d’échange crypto réservée aux investisseurs super qualifiés. Un club très fermé.

Pour y entrer, il faut détenir au moins 100 millions de roubles (1,2 million de dollars) ou afficher un revenu annuel de 50 millions de roubles (602 000 $). Un seuil qui exclut 99 % de la population, mais concentre le pouvoir entre les mains d’une poignée d’acteurs.

Pourquoi une telle exclusion ? Anton Siluanov, ministre des Finances, l’a martelé : il s’agit de légaliser les cryptoactifs tout en les maintenant dans un cadre étroitement surveillé.

Comme le souligne Vugar Usi Zade, COO chez Bitget :

En limitant la participation à des entités super-qualifiées, probablement des acteurs institutionnels et des entreprises affiliées à l’État, le Kremlin crée un bac à sable contrôlé.

En clair, l’État veut capter les flux, éviter les fuites de capitaux, et surtout, garder la main sur un secteur perçu comme une menace. Une logique de contrôle, typiquement russe, où l’innovation se plie aux impératifs géopolitiques.

Pourtant, les critères de sélection restent flous. Osman Kabaloev, haut responsable du ministère, admet que les seuils pourraient être ajustés. Un flou artistique ? Sans doute.

Moscou teste les réactions, tant internes qu’internationales. Car derrière cette expérimentation de trois ans se cache un objectif plus vaste : normaliser les cryptos… sans ébranler le système financier traditionnel.

Entre ombre et lumière, la Russie navigue dans un paysage crypto en mutation

Si le projet semble rigoriste, il révèle aussi une réalité méconnue : la Russie ne peut ignorer les cryptos. Les sanctions occidentales, le contournement du dollar, et les échanges énergétiques avec la Chine ou l’Inde en BTC et USDT l’obligent à adapter sa stratégie.

En avril 2023, le gel des portefeuilles liés à Garantex et Tether par les États-Unis a sonné l’alarme. Réponse russe ? Kabaloev évoque la création d’un stablecoin souverain. Une monnaie numérique ancrée sur des actifs réels, contrôlée par le Kremlin. Un pari risqué, mais cohérent avec l’objectif : réduire la dépendance aux infrastructures occidentales.

Parallèlement, Evgeny Masharov, membre de la Chambre civique, propose un fonds crypto alimenté par les actifs saisis lors de procédures pénales. Une idée qui fait écho à la future législation reconnaissant les cryptos comme des biens saisissables. Double bénéfice : légaliser un marché opaque et récupérer des ressources pour l’État.

« Ce projet reflète une tendance mondiale : les nations déchirées entre l’adoption du potentiel économique de la blockchain et l’atténuation de ses risques », analyse Usi Zade.

Cela reflète le premier modèle d’échange sous licence de Singapour, mais avec une tournure géopolitique distincte : faciliter le commerce avec les alliés des BRICS au milieu des sanctions.

Mais la vraie révolution est ailleurs. En intégrant les cryptos dans ses échanges internationaux — notamment pétroliers, la Russie défie l’hégémonie du dollar. Le bitcoin et l’USDT deviennent des outils de contournement des sanctions, une monnaie de guerre économique.

La bourse étatique n’est alors qu’un maillon d’une chaîne plus large : reprendre le contrôle d’un secteur tout en l’instrumentalisant.

Un équilibre fragile entre innovation et autoritarisme

La Russie ne se convertit pas aux cryptomonnaies ; elle les apprivoise. Sa bourse étatique, réservée à une élite, symbolise cette ambivalence. D’un côté, une ouverture pragmatique pour survivre aux sanctions. De l’autre, un verrouillage autoritaire pour éviter tout risque de déstabilisation.

Mais ce modèle hybride pourra-t-il tenir ? Usi Zade met en garde :

Sans participation des particuliers, la bourse russe pourrait avoir du mal à rivaliser avec les plateformes offshore comme les grandes bourses centralisées.

Et la pression extérieure pourrait s’intensifier :

Si l’UE ou les États-Unis qualifient cette initiative d’échappatoire aux sanctions, les partenaires soucieux du respect des règles risquent de l’éviter.

Reste que pour les marchés mondiaux, cette expérimentation pourrait amorcer une tendance plus vaste :

« Une évolution vers une plus grande implication institutionnelle et la légitimation des actifs numériques dans le commerce international », conclut Usi Zade.

En misant sur les super qualifiés, Moscou marginalise l’usage grand public des cryptos, mais s’offre un laboratoire discret. Un pari risqué, où chaque transaction est un pas vers l’inconnu. Dans ce jeu géopolitique, la Russie mise sur le crypto-réalisme — une troisième voie entre interdiction et libéralisation. Et le bitcoin gagne en légitimité.

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Evans S. avatar
Evans S.

Fasciné par le bitcoin depuis 2017, Evariste n'a cessé de se documenter sur le sujet. Si son premier intérêt s'est porté sur le trading, il essaie désormais activement d’appréhender toutes les avancées centrées sur les cryptomonnaies. En tant que rédacteur, il aspire à fournir en permanence un travail de haute qualité qui reflète l'état du secteur dans son ensemble.

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Les propos et opinions exprimés dans cet article n'engagent que leur auteur, et ne doivent pas être considérés comme des conseils en investissement. Effectuez vos propres recherches avant toute décision d'investissement.