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La Russie et la solution Bitcoin

mar 08 Oct 2024 ▪ 10 min de lecture ▪ par Nicolas T.
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Cointribune a interviewé Anti Danilevski. Il est PDG de Kickex, une plateforme d’échange opérant en Russie. Nous avons parlé des sanctions occidentales contre la Russie, des BRICS et de ce que l’avenir réserve pour le bitcoin.

bitcoin

Le Bitcoin est-il populaire en Russie ?

L’industrie du Bitcoin est significative en Russie. Le pays se classe deuxième au niveau mondial en termes de consommation électrique dédiée à cette activité. D’importantes entités gouvernementales se sont associées à certaines entreprises de mining de bitcoin (j’omets de dire lesquelles par discrétion) pour miner en propre. En conséquence, l’industrie est substantielle et devrait encore croitre d’ici 2025.

Est-il juste de dire qu’environ 12% du hashrate provient de Russie ?

Non, le hashrate réel de la Russie est de 17%. Mais n’oubliez pas qu’un grand nombre de mineurs russes ont des entreprises aux Émirats Arabes Unis ou à Hong Kong, et qu’elles louent de la puissance de hachage à partir de leurs propres entreprises en Russie. Donc, le véritable hashrate (à mon avis) se situe autour de 23-25%. Ce chiffre va encore croitre maintenant que le gouvernement a légalisé l’industrie. Je m’attends à ce que de nombreux mineurs chinois s’installent bientôt en Russie.

Qu’en est-il de l’adoption du bitcoin par le grand public ?

Je ne suis pas certain du nombre de Russes qui possèdent des BTC. Personne ne le sait vraiment. Je pense qu’il y a environ 4-4,5 millions de détenteurs, à comparer avec une population totale de 150 millions de Russes. Quant à payer avec des bitcoins, ce n’est quasiment pas le cas en raison de sa volatilité.

L’Occident a déconnecté la Russie du réseau Swift. Cela a-t-il déclenché un regain d’intérêt pour le Bitcoin ?

En Russie, bien qu’il y ait une adoption significative des cryptomonnaies en général, le nombre de personnes détenant spécifiquement du Bitcoin est plus difficile à cerner avec précision. L’utilisation généralisée des cryptos en Russie est largement motivée par le besoin de transférer de l’argent à l’étranger en raison des sanctions et des défis posés par les restrictions financières internationales. Beaucoup de Russes, particulièrement les spécialistes en IT et leurs familles vivant à l’étranger dans des pays comme la Thaïlande ou Bali se sont tournés vers les cryptomonnaies pour envoyer et de recevoir de l’argent.

Cette nécessité a conduit à un niveau sans précédent d’adoption des cryptos en Russie. Des millions de personnes se sont familiarisées avec diverses cryptomonnaies. Cependant, tous ces utilisateurs ne se concentrent pas uniquement sur le Bitcoin. Beaucoup utilisent une variété de cryptomonnaies pour leurs transactions, préférant bien sûr les stablecoins au BTC.

Les sanctions ont eu un impact incroyablement positif sur la Russie. Ce n’est pas seulement une question de crypto. Tout est concerné : logiciels, matériel, usines étant restaurées, et plus encore. À partir des années 1980, le gouvernement russe sous Gorbatchev et Eltsine a décidé de dépendre fortement des importations, ce qui a conduit à la destruction de presque toutes les industries domestiques. La Russie est devenue dépendante des importations, s’appuyant sur d’autres pays pour presque tout.

Les sanctions nous ont ouvert les yeux et, en seulement 2-3 ans, nous avons pu cesser une quantité incroyable d’importations en produisant chez nous. La croissance de l’adoption des cryptomonnaies et la législation plus amicale ne sont qu’un aspect de l’effort pour augmenter notre résilience économique.

Les sanctions ont également renforcé les liens au sein des BRICS. La Russie a pris la présidence du groupe cette année. Que doit-on attendre de la réunion de Kazan en octobre concernant le système monétaire international ?

Les BRICS travaillent sur leur propre système de paiement. Ils ont dans l’idée de créer un remplacement au réseau SWIFT. Ils pourraient aussi annoncer une nouvelle monnaie commune aux BRICS (le nom de travail est GDR). Mais il y a déjà une alternative à SWIFT en Russie. Seulement, les banques internationales ne l’adoptent pas par peur des représailles américaines, c’est-à-dire une fermeture de leurs comptes vostro en USD.

Je ne m’attends donc à rien de vraiment nouveau. Tout est déjà connu et construire ce système financier parallèle prendra des années.

Pensez-vous que le bitcoin est pris au sérieux parmi les BRICS ?

Pas par les banques centrales. Non pas parce que c’est « mauvais », mais plutôt en raison de sa volatilité. Il est impossible de faire des transactions en BTC pour des entreprises « sérieuses ».

Pourquoi les banques privées ne pourraient-elles pas utiliser le bitcoin comme système de paiement international ?

Parce que leurs contrats sont en dollar, en rouble ou en yuan. Imaginez que vous ayez acheté 10 BTC pour 600 000 $ afin de réaliser une transaction, et qu’une heure plus tard, ces BTC ne vaillent plus que 500 000 $. Vous devez donc acheter 100 000 $ de plus. Ces risques sont inacceptables pour les grandes entreprises.

La volatilité du bitcoin sera-t-elle un jour acceptable ? La Banque de Russie a récemment lancé une plateforme expérimentale de paiements utilisant des cryptomonnaies pour contourner les sanctions. Quelles cryptomonnaies seront utilisées ?

Je ne pense pas qu’elle deviendra un jour acceptable, le bitcoin restera toujours volatile. Pour les paiements, seuls les stablecoins fonctionneraient.

Il y a une chance que l’utilisation de lightning BTC puisse être utilisée, si les conversations fiat – BTC – fiat étaient vraiment rapides et avec un taux de change fixe et prédéfini.

Le Lightning Network est-il quelque chose que la banque centrale russe teste pour huiler les importations et les exportations ?

Non, ils ne savent pas ce qu’est le Lightning Network, ça c’est sûr. Pour eux, il n’y a pas de différence, BTC est BTC.

La Russie a récemment repris ses achats d’or. Un stablecoin adossé à l’or est-il l’option la plus populaire envisagée pour concurrencer le dollar ?

Le stablecoin en Russie est discuté en théorie. En pratique, il n’y a pas encore de loi sur les stablecoins. J’ai assisté à une conférence hier, nous parlions avec l’un des ministres des finances de Russie à ce sujet. Une loi est en gestation. Mais quand et si elle verra le jour, personne ne le sait encore.

J’ai dit que c’était inévitable : Tether continuera à geler les wallets des entreprises sanctionnées et le BTC est trop volatil. Le commerce international russe en stablecoins américains est TRÈS risquée. La Russie a besoin de son propre stablecoin. Le gouvernement est d’accord avec mon point de vue.

Je visiterai notre Banque Centrale cette semaine ou la semaine prochaine et nous en parlerons à nouveau. Peut-être que je parviendrai à faire avancer les choses, nous verrons.

Vous plaidez en quelque sorte pour des transactions internationales en bitcoin, via le Lightning Network, et réglées immédiatement en stablecoin russe pour éviter le problème de la volatilité, n’est-ce pas ?

En quelque sorte, oui.

Le bitcoin n’est pas seulement un système de paiement non censurable, c’est aussi une réserve de valeur. Donald Trump semble vouloir adosser le dollar américain avec. Doit-on s’attendre à ce que la Russie et la Chine finissent leur emboiter le pas ?

À mon humble avis, il y a 0% de chance que cela arrive.

Pourquoi pas puisqu’ils achètent déjà de l’or et d’autres métaux précieux pour renforcer leurs réserves ?

Ils comprennent l’or, mais pas les cryptos, et ils ont très peur de la volatilité. En outre, comme l’un des députés de la Douma l’a dit, « l’internet est développé aux États-Unis, donc c’est dangereux et nous ne devrions pas utiliser de monnaie contrôlée par les États-Unis ». Faut-il en dire plus…

Merci pour votre temps M. Danilevski. Enfin, pourriez-vous nous dire quel pourrait être, selon vous, le meilleur scénario pour le bitcoin dans les 5 prochaines années ?

Il est très difficile de prédire, mais je crois qu’il croîtra considérablement. Le récent halving commencera bientôt à se faire sentir, et dans 3,5 ans, nous aurons un autre halving. Donc, je m’attends à un prix du BTC d’environ 200 000 à 250 000 $. Je pense que le BTC est le meilleur actif à long terme anti-inflation. Il sera de plus en plus utilisé comme moyen de stockage de valeur et gardé en sécurité. Tout le monde ici se demande maintenant comment acheter des cryptomonnaies, ceux qui n’y avaient jamais pensé avant. Donc nous ne sommes qu’au tout début, et l’adoption n’a pas encore commencé.

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Nicolas T.

Reporting on Bitcoin, "the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy".

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