La révolution de la tokenisation des actifs du monde réel
Imaginez, dans vos rêves les plus fous, détenir une partie de la Joconde ou un fragment de la tour Eiffel. Imaginez posséder une portion de l’Empire State Building ou une fraction des droits des albums des Beatles. Ou une pièce de la voiture de collection entrevue dans le dernier James Bond. Imaginez acquérir… une partie de la lune ou d’un artiste mondialement connu. Exactement à l’image d’une action d’entreprise, d’un lingot d’or ou d’un simple billet de banque. Le point en commun des actifs mentionnés ? Des actifs de valeur inaccessibles ou illiquides, que seul un groupe restreint de riches privilégiés peut acheter dans leur totalité. La fragmentation ou tokenisation de ces actifs du monde réel favorisera la démocratisation de la propriété numérique et de l’investissement sur ces marchés. La tokenisation, un anglicisme barbare, mais qui représente assurément le futur de notre société.
Utilisation de la blockchain dans la tokenisation des actifs du monde réel
La création d’Internet a consacré le transfert de l’information. Le protocole du bitcoin incarne désormais le transfert de valeur. Internet a numérisé l’information et facilité son traitement, en fluidifiant sa navigation. Toutefois, internet n’a pas dématérialisé les actifs de valeur. La technologie des cryptomonnaies et du bitcoin en particulier concrétise cette possibilité. À savoir, une unicité et une rareté des actifs numériques de valeur sur Internet, échangeables via la cryptographie et la blockchain.
La révolution technologique du protocole du bitcoin a révélé l’existence de la blockchain. Pour rappel, la blockchain est une technologie de stockage de données sous forme de registre distribué. Les informations (gestion et transfert de valeurs monétaires ou autre) ne sont pas stockées sur une base de données centrale. Elles ne sont donc pas contrôlées ni gérées par une seule entité ou un seul tiers de confiance. En revanche, les ordinateurs de plusieurs validateurs de la blockchain conservent ces informations de manière simultanée et synchronisée. Il est à noter que les blocs du registre distribué sont encryptés. Lorsqu’un bloc est ajouté, il est attaché au bloc précédent. Les blocs sont donc tous reliés les uns aux autres par leur chiffrement. Ce qui garantit l’aspect inaltérable et transparent de la blockchain.
Qu’est-ce que la tokenisation des actifs du monde réel ?
D’une part, tokeniser consiste à créer et à encapsuler des unités numériques d’un actif sous-jacent réel dans la blockchain susmentionnée. En d’autres termes, fragmenter un actif de valeur du monde réel en éléments numériques distincts. Cela peut concerner tous types d’actifs du monde réel, de l’immobilier et titres de propriétés, en passant par les actions. Mais également les métaux précieux, les brevets, les crédits carbone ou les œuvres d’art, sous forme de NFT. Jusqu’aux grands crus, artistes ou sportifs célèbres. La nature de ces unités (ou actifs) numériques créés est donc similaire à celle d’une cryptomonnaie comme le bitcoin. Une unité numérique de la Joconde pourrait représenter 0,000001 % de la Joconde. Une action tokenisée représentera une action d’entreprise.
La programmation des actifs tokenisés dans la blockchain
D’autre part, tokeniser réside en la programmation de ces unités numériques au travers de smart contracts dans la blockchain. Ces derniers représentent des lignes de code créées dans le contexte de la blockchain, à l’image de la blockchain Ethereum. Ces smart contracts gèrent les tokens (ou actifs) numériques et peuvent s’exécuter sans tiers de confiance, suivant des conditions prédéfinies. Ils sont automatiquement exécutés dès qu’une condition ou un accord entre plusieurs parties est rempli.
Et là réside toute la subtilité et l’importance de la tokenisation. Le but de ces smart contracts consiste à déterminer le comportement de ces unités numériques en fonction d’événements particuliers. À titre d’exemple, un actif tokenisé possède une certaine valeur, qui change cependant lorsque vous arrivez dans un autre pays. L’actif tokenisé de votre sportif préféré change de valeur en fonction de ses résultats et de ses performances. Cette caractéristique permet de faciliter et d’élargir la gestion et le transfert de ces unités numériques. Et ce, suivant le mode de consensus de la blockchain, sans passer par un intermédiaire de confiance.
L’authenticité, la sécurisation et la traçabilité des actifs tokenisés dans la blockchain
Enfin, tokeniser revient à sécuriser les unités numériques via la cryptographie et la blockchain. Là se trouve par exemple la différence entre l’unité numérique qui encapsule une action et une action classique d’entreprise. Une action dite classique est un titre de propriété authentifié, émis et transmis par un tiers de confiance centralisé. Dans le cas d’une action tokenisée, seule la blockchain est en mesure de savoir à qui appartient cette unité numérique. L’information est validée par tous les acteurs qui participent à la gouvernance de la blockchain, sans intermédiaire centralisé. Elle est ensuite sécurisée via la cryptographie, puis répliquée chez tous les validateurs. Elle est finalement ajoutée à la blockchain selon un mode de consensus idéalement décentralisé. Cela permet de générer une signature unique sur une chaine de blocs. Et de valider l’authenticité, tout en assurant la traçabilité de la propriété de l’actif en question au fil du temps.
De fait, ces unités numériques ne sont ni duplicables, ni corruptibles, en étant protégées par la notion de clé privée, par la cryptographie et par la sécurisation de l’historique des échanges. Pour résumer, la tokenisation est une solution blockchain du monde réel, où chaque actif peut être divisé. À l’image d’une action d’entreprise, mais en étant sécurisé via le mode de consensus spécifique de la blockchain. Tokeniser revient à convertir les droits liés à un actif en jetons numériques sur une blockchain, sans tiers de confiance.
Les oracles comme lien entre le monde réel et le monde numérique
Comment maintenir le lien entre l’actif réel et sa représentation numérique sur la blockchain ? L’acheminement d’informations externes des actifs du monde réel vers la blockchain est nécessaire dans le cadre de la tokenisation. La blockchain est un réseau fermé interne. Les informations externes concernant la performance d’un sportif ou un changement de pays n’y sont par conséquent pas disponibles. La blockchain et les contrats intelligents offrent en effet la possibilité de faire des transferts de valeur de façon décentralisée. Ils ne peuvent cependant accéder nativement aux informations externes au réseau de la blockchain. Les oracles établissent ainsi une connexion automatique entre le monde réel externe et les données internes des contrats intelligents.
Plusieurs validateurs du réseau de l’oracle vont collecter des informations externes, sur plusieurs sites et sources diverses. Ils se mettent ensuite d’accord sur une réponse commune. La qualité des informations réelles collectées est en fonction de la décentralisation du processus. De fait, plus le nombre de validateurs est important, plus l’agrégation des données et les réponses officielles moyennées sont fiables. Une fois un consensus déterminé, l’information est transmise à la blockchain, et le contrat intelligent la reçoit immédiatement et automatiquement. Les oracles représentent donc des services tiers idéalement décentralisés. Leurs rôles consistent à faire office de validateurs de données externes réelles de qualité. Le projet ChainLink est un parfait exemple d’un service décentralisé de fournisseur de données externes sur la blockchain Ethereum.
Utilité de la tokenisation des actifs du monde réel
Pourquoi vouloir absolument chercher à tokeniser l’économie réelle ? Quels bénéfices peut-on en tirer ? Et surtout, quel nouveau modèle de société cela va-t-il amener ? Deux avantages ressortent clairement de cette avancée technologique.
La tokenisation a pour premier objectif de démocratiser l’accès à la propriété numérique pour tous. Y compris pour des actifs a priori inaccessibles et indivisibles. Cette démocratisation va permettre d’augmenter la liquidité sur les différents marchés, grâce à un afflux de nouveaux investisseurs. Par ailleurs, les petites structures vont également pouvoir lever des fonds plus facilement, en s’affranchissant de contraintes juridiques, administratives et financières présentes dans l’actionnariat classique. Le financement d’infrastructures privées ou publiques via une démocratie plus participative sera par ailleurs possible. Les potentielles applications de la tokenisation des actifs du monde réel sont nombreuses.
La technologie programmable représente le deuxième avantage le plus évident de la tokenisation. Elle permet la désintermédiation du processus. Les actifs tokenisés sont protégés et régis par les règles immuables d’un code informatique acéphale, et non d’une entité centralisée. Ce qui garantit la transparence du processus.
Limites de la tokenisation des actifs du monde réel
Il existe cependant certaines limitations à ce nouveau narratif que représente la tokenisation des actifs du monde réel. D’une part, il convient de considérer les enjeux de fragmentation du marché du monde physique. Il est parfois difficile d’évaluer précisément la valeur et la légitimité d’un actif réel sous-jacent à une multitude d’unités numériques. Une régulation semble primordiale afin d’éviter les bulles et protéger les investisseurs.
D’autre part, la prise en compte de la perception du monde réel est importante dans la gestion des actifs numériques. À titre d’exemple, un actif numérique basé sur un lingot d’or sera difficilement utilisable autrement que pour la spéculation. Et posséder un actif du monde réel entier en assure la pleine souveraineté. Ce qui n’est pas le cas avec la détention d’actifs numériques fragmentés et basés sur l’actif physique sous-jacent.
Par ailleurs, le futur encadrement juridique qui entourera ces actifs numériques reste très flou et incertain. La finance décentralisée reste un domaine encore jeune et désorganisé, notamment entre les différentes zones géographiques. L’erreur serait de vouloir légiférer les actifs numériques comme les titres financiers classiques. D’autant plus que le marché est énorme et, de fait, les enjeux à assimiler sont colossaux. L’utilisation de la blockchain n’est pas encore complètement maitrisée.
Enfin, la tokenisation des actifs du monde réel révèle également son lot de perversions. Les devises fiat sous forme de monnaies fiduciaires seront aussi tokenisées et programmées sous forme de CBDC. Ces monnaies numériques de banque centrale programmables constitueront un prétexte de contrôle et de surveillance de toutes nos transactions financières. Elles symbolisent assurément un futur dystopique et une atteinte à nos libertés fondamentales.
Les avancées et initiatives en cours de la tokenisation des actifs du monde réel
La tokenisation des actifs du monde réel représente donc assurément le futur de la finance. Les investissements dits non conventionnels devraient représenter 18 à 24 % des investissements d’ici à 2025. Cela montre l’adoption croissante de la tokenisation des actifs du monde réel par les principales institutions financières. Et le potentiel immense que ce secteur représente, sa valeur étant estimée à 16 000 milliards de dollars d’ici à 2030.
Plusieurs plateformes de contrats intelligents vont assurément permettre la tokenisation des actifs du monde réel. À l’image des projets Polygon ou Stellar, que le fonds Frankin Templeton veut exploiter. Et ce, afin de tokeniser 1400 milliards de dollars d’actifs du monde réel. Le projet Polygon est une couche de second niveau de la blockchain Ethereum, qui va également profiter de la tokenisation. Par ailleurs, le projet Stellar est notamment pressenti pour la tokenisation des devises et monnaies fiduciaires via les CBDC. Sans compter Injective, de l’écosystème Cosmos, qui représente un échange décentralisé pour produits dérivés et actifs numériques.
L’immobilier à l’ère de la blockchain
L’immobilier reste toutefois le narratif le plus en vogue de la tokenisation des actifs du monde réel. À titre d’exemple, le projet RealT permet d’acheter de l’immobilier fractionné. En tokenisant les biens immobiliers sur la blockchain, cette plateforme innovante démocratise l’investissement locatif en le rendant accessible à tous. Chaque Real Token représente une part d’un bien immobilier, situé en général aux États-Unis. Ces actifs numériques peuvent par la suite être collatéralisés via un protocole de prêts et d’emprunts comme AAVE. Ce qui permet de réinvestir l’argent dans le Real Token pour générer des rendements supplémentaires, le tout en continuant à recevoir des revenus passifs provenant des loyers. Certains projets de ce type comme Realio ont également vu le jour et possèdent un potentiel énorme.
D’autres projets comme IMO présentent un moyen simple, moderne, intuitif et original d’investir dans l’immobilier via la blockchain. Chaque mois, les revenus locatifs perçus sur les biens immobiliers détenus par la société sont réinjectés dans l’écosystème sous la forme de l’achat du token IMO. Les tokens rachetés sont ensuite brûlés, contribuant ainsi à la raréfaction de l’offre et à la valorisation du token. Ainsi, posséder des tokens IMO permet de posséder un actif numérique lié à une entreprise qui réinjecte tous ses bénéfices dans le token sans fournir de fonds propres ou d’entretien sur le bien immobilier. Il ne s’agit donc pas de tokenisation à proprement parler, mais d’évaluation d’un actif basé sur la performance d’une entreprise.
Conclusion
La tokenisation des actifs du monde réel incarne une profonde transformation numérique de la titrisation. Les avancées technologiques de la blockchain favorisent la programmation, sécurisation, et donc personnalisation de ces actifs numériques d’un nouveau genre. La blockchain apporte en toute transparence une efficacité opérationnelle et transactionnelle et une sécurisation du processus, sans tiers de confiance. Elle révèle tous les avantages de la finance décentralisée, via une plus grande flexibilité. L’augmentation de la liquidité pour bon nombre d’actifs du monde réel illiquides contribue par ailleurs à l’accessibilité de la tokenisation. Nous assistons à une transformation digitale profonde de nos sociétés, d’une hiérarchisation centralisée vers des sociétés acéphales organisées en réseau. À savoir un monde plus adapté et de nouveau modèles économiques pour résoudre des problèmes liés à ces actifs numériques tokenisés. Et pour gérer un niveau élevé de circulation des informations, via l’autorité d’un code informatique et non d’entités centralisées. Mais qu’est-ce que la tokenisation exactement et comment redéfinit-elle les modèles économiques dans ce monde décentralisé en réseau? Découvrez la réponse dans notre guide complet.
Maximisez votre expérience Cointribune avec notre programme 'Read to Earn' ! Pour chaque article que vous lisez, gagnez des points et accédez à des récompenses exclusives. Inscrivez-vous dès maintenant et commencez à cumuler des avantages.
Consultant international en gestion de projet. Ingénieur de formation, avec une maîtrise en administration des affaires (M.B.A.) et affaires internationales d’HEC Montréal. Passionné de technologie et de cryptomonnaies depuis 2016.
Les propos et opinions exprimés dans cet article n'engagent que leur auteur, et ne doivent pas être considérés comme des conseils en investissement. Effectuez vos propres recherches avant toute décision d'investissement.