La première enchère d’œuvres et de NFT à Paris
Vendredi 16 juin 2023 s’est déroulée la première vente aux enchères combinant les œuvres réelles et les NFT associés. Cette manifestation de Private Museum s’est déroulée dans la célèbre maison d’enchères Drouot (France, Paris, 9e arrondissement) et regroupe les œuvres de 4 artistes. Alors que le marché des NFT est toujours dans un état assez déprimé, la combinaison avec le marché de l’art physique parait malgré tout être prometteuse. Décryptage de l’évènement et des tenants du marché de l’art.
Une première enchère mêlant œuvres et NFT
C’est une nouvelle approche du marché de l’art : combiner l’aspect physique des œuvres et leur aspect numérique. Pourtant, sans être spécialiste du marché de l’art, on remarque que les styles antistatiques qui ont du succès sont assez différents dans le monde physique et dans le monde numérique. Et l’avènement plus récent de l’Intelligence Artificielle semble encore accroître un art toujours plus accessible et sur demande.
Mais la vente combinée d’une œuvre avec son NFT est un principe assurément nouveau. En effet, le détenteur de l’œuvre est ensuite libre de négocier le NFT (unique) ou bien l’œuvre physique en elle-même. Il s’agit véritablement d’une sorte de combinaison d’un marché de l’art numérique et certifié (NFT) et de l’art physique traditionnel. Une première… Quelques enchères ont déjà été réalisées dans le passé, mais elles se concentraient uniquement sur l’œuvre numérique. La célèbre maison Christie’s fut ainsi la première à vendre un NFT en 2021.
Ainsi, l’intérêt de l’initiative récente de Private Museum en 2023 est double : d’une part car elle prend effet en France (plus connue pour ses tableaux anciens que ses NFT), et d’autre part en raison du fait qu’elle regroupe pour la première fois les œuvres réelles avec leur NFT.
L’explosion et la rechute du marché des NFT
Les ventes de NFT (tokens non fongibles) ont suscité un engouement considérable en 2021, avec plusieurs transactions record qui ont captivé l’attention du public et du monde de l’art numérique. Parmi ces ventes, citons quelques exemples comme « Everydays: The First 5000 Days » par Beeple (11 mars 2021). Cette œuvre d’art numérique a été vendue aux enchères par la maison Christie’s pour la somme astronomique de 69,3 millions de dollars. En effet, cette vente a marqué un tournant majeur pour le marché des NFT et a fait de Beeple, de son vrai nom Mike Winkelmann, l’un des artistes numériques les plus en vue.
De même, le CryptoPunk #7804 (2021) qui fut l’un des premiers projets NFT, a été vendu pour 7,6 millions de dollars lors d’une vente aux enchères. Pour rappel, les CryptoPunks sont des personnages pixelisés uniques et collectionnables, et cette vente avait alors démontré l’attrait croissant pour les œuvres numériques rares. Pour beaucoup de commentateurs, les transactions de NFT observées en 2021 étaient clairement déconnectées et disproportionnées face à la réalité du marché. Effectivement, depuis 2021, le marché des NFT peine à reprendre une véritable dynamique structurelle avec la baisse du cours des cryptomonnaies.
Un marché des NFT encore déprimé
Manifestement, l’engouement pour les NFT a été alimenté par plusieurs facteurs, notamment le caractère unique et la propriété vérifiable des œuvres numériques, ainsi que la popularité croissante des crypto-monnaies. Cependant, plus récemment, il y a eu une baisse d’intérêt pour les NFT d’art.
Effectivement, le volume échangé de NFT sur les principales plateformes mesuré par The Block est passé de 5,35 milliards de dollars en janvier 2022 à seulement 675 millions de dollars pour mai 2023. Soit une réduction des volumes sur le marché de 87 % depuis le pic enregistré en janvier 2022 ! Par conséquent, certaines ventes récentes n’ont pas suscité autant d’engouement qu’auparavant, et les prix de vente ont baissé. Cet effet est mécanique puisque les NFT sont traditionnellement indexés sur le cours de cryptomonnaies qui ont subi une chute ces derniers mois. Malgré tout, on a remarqué en ce début 2023 le retour d’un intérêt pour le marché des NFT. Les volumes échangés en février 2023 se sont élevés à 1,7 Mds$.
Une enchère avec un artiste décédé et des nouveaux talents
Les œuvres présentées vendredi dernier regroupent des artistes reconnus comme John Harrison Levee (décédé en 2017), mais encore des nouveaux talents comme le jeune Werner Wilfred ou le peintre Evens Arcelin, ou la sculptrice prisée Mariko qui s’est montrée à travers ses trois sculptures de Napoléon. Ces œuvres contemporaines marquent leur époque et trouvent un certain écho dans les NFT. Parmi les tableaux, certains ont même été exposés au M.O.M.A. (MUSEUM OF MODERN ART NEW YORK), comme le tableau de John Levee de 1988 (prêt de 1988 à 1993).
Ces tableaux contemporains assurent une certaine cohérence avec l’univers des NFT. Ainsi les tableaux abstraits de Werner Wilfred montrent une cohésion avec sa jeunesse et ses humeurs. De même, les sculptures de l’artiste Mariko ont donné lieu à des NFT en 3D. Nous pourrions aussi rappeler le caractère mondial de cette initiative avec l’artiste Evens Arcelin qui a expédié ses œuvres depuis Haïti… Au total, l’enchère a exposé près de 90 œuvres, et donc autant de NFT !
Cette enchère était une véritable prise de risque pour ses initiateurs car elle dépend de l’attractivité du marché de l’art contemporain, de l’art numérique, mais encore de l’attractivité du marché des cryptomonnaies. En plein salon de Viva Tech à Paris, les investisseurs sont parfois plus tournés sur l’intelligence artificielle que sur l’art. Mais il est clair que cet évènement unique reste une consécration de plusieurs mois de travail et fait renaitre des espoirs et une vision claire de ce que pourrait être le marché de l’art dans 10 ou 20 ans. Le marché de l’art gagnerait peut être en pertinence s’il combinait la génération des salles d’enchères avec la génération des cryptomonnaies.
Pourquoi ce projet et cette enchère ?
Nous avons interrogé le co-fondateur de Private Museum, Thomas ROCHE, sur les raisons qui ont mené ces acteurs de l’art traditionnel à se positionner sur le marché numérique.
« Notre place de marché NFT permet d’acquérir des NFT d’art 1/1, accompagnés de leur certificat d’authenticité. »
Thomas ROCHE, co-fondateur.
Leur devise peut se résumer à « L’OEUVRE QUI NE VOUS QUITTE JAMAIS ». A cet égard, il faut dire que les NFT rendent possible l’émergence de « l’Amazon » de l’art, en échangeant des œuvres numériques liées à une œuvre réelle. Mais cela reste complexe dans un contexte où marché traditionnel et marché numérique restent très fragmentés.
« Nos fondateurs ont uni leur passion pour l’art et la blockchain pour donner naissance à Private Museum. Forts de plus de 30 ans d’expérience en tant que collectionneurs d’art, nous avons constitué une équipe et un réseau d’experts et de conservateurs d’art de premier plan, afin d’offrir le meilleur des artistes talentueux. Notre vision est de permettre aux artistes d’établir une renommée internationale tout en offrant aux collectionneurs des œuvres d’art exceptionnelles, certifiées et authentifiées. »
Thomas ROCHE, co-fondateur.
A ce jour, nous préciserons enfin que la plupart des transactions sur le marché de l’art traditionnel prennent effet sur des petits montants. Le marché de l’art doit être conçu comme un agrégat de petits collectionneurs, et les transactions records sont une infime minorité de l’ensemble. D’après Art Market Research, le marché de l’art actif a reculé en 2021, mais il reste sensiblement plus haut que son dernier creux majeur de 2011. La fin d’année 2022 et le début d’année 2023 aurait marqué de nouveaux sommets sur le marché de l’art…
En conclusion
Si le marché de l’art est souvent perçu comme réservé aux initiés, des tentatives novatrices cherchent à éclairer les méandres de ce marché et à démocratiser sa diffusion. Tout comme la bourse était réservée à une certaine population il y a quelques décennies encore, le marché de l’art traditionnel pourrait être en proie à la démocratisation à l’aide du numérique. De fait, la naissance du marché des NFT rend accessible à un nombre considérable d’individus des œuvres à des prix et des styles aussi différents les uns que les autres.
Malgré tout, le marché des NFT évolue encore dans des volumes très inférieurs à ceux observés en 2021. La reprise observée de l’activité en début d’année 2023 ne semble pas se poursuivre et il faut encore attendre des nouveaux éléments déclencheurs. La liaison entre le marché de l’art numérique et le marché de l’art traditionnel est donc un pari plus vaste et plus ambitieux, et l’implication d’acteurs déjà présents sur le marché de l’art traditionnel donne des signaux encourageants.
Ainsi la toute première vente aux enchères mêlant les œuvres réelles avec leur NFT s’est déroulée à Paris dans la célèbre maison Drouot. Cette enchère intervient dans un contexte encore déprimé du marché des NFT, mais elle marque assurément un pas historique dans la trajectoire du numérique et des cryptomonnaies. Un évènement singulier de l’écosystème.
Nota Bene : photographies des tableaux diffusées avec l’autorisation de leur propriétaire.
Maximisez votre expérience Cointribune avec notre programme 'Read to Earn' ! Pour chaque article que vous lisez, gagnez des points et accédez à des récompenses exclusives. Inscrivez-vous dès maintenant et commencez à cumuler des avantages.
Auteur de plusieurs livres, rédacteur économique et financier sur plusieurs sites, je noue depuis de nombreuses années une véritable passion pour l'analyse et l'étude des marchés et de l'économie.
Les propos et opinions exprimés dans cet article n'engagent que leur auteur, et ne doivent pas être considérés comme des conseils en investissement. Effectuez vos propres recherches avant toute décision d'investissement.