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Jargon crypto : Pourquoi la communauté use (et abuse) des anglicismes ?

mer 07 Déc 2022 ▪ 6 min de lecture ▪ par Martin

Vous avez quelques difficultés à comprendre le jargon crypto ? Il est vrai que s’y retrouver peut se transformer en véritable casse-tête. Pourquoi la communauté crypto francophone aime-t-elle autant l’anglais ? Pourquoi les influenceurs sont-ils autant friands des termes anglo-saxons ?

Crypto, preuve de réserves, Martin Hiesboeck

Chaîne de bloc ou blockchain ? Le dilemme de la crypto

Récemment, un lecteur nous a suggéré d’utiliser l’expression « bloc de chaîne » plutôt que l’anglicisme « blockchain ». À juste titre, ce lecteur attentif nous rappelait que le français dispose déjà d’un lexique riche pour désigner les choses. La question peut paraître anecdotique, mais elle est révélatrice d’un débat récurrent autour des emprunts fait à l’anglais. Si vous êtes du genre à envoyer un courriel depuis votre téléphone intelligent, ou bien à faire une recherche sur la toile pour en apprendre plus sur un jeton numérique, alors peut-être que vous devriez employer l’expression « bloc de chaîne ». Mais si l’on fait preuve de pragmatisme, il faut bien reconnaitre que la plupart des mots de notre quotidien numérique sont empruntés à l’anglais.

En effet, le terme « blockchain » n’a pas vraiment d’équivalent en français. Il fait partie intégrante de notre lexique informatique. Tout comme « web », « smartphone », « net », « cyber », l’influence de l’anglais est évidente. Tous ces termes nous viennent de l’informatique et sont passés dans le langage courant. On les utilise désormais par convention. Même l’académie française (pourtant peu enclin au changement) a dû s’y résoudre ! Toutefois, si vous tenez absolument à l’expression « chaîne de bloc », sachez qu’elle peut s’utiliser. On exprimera davantage l’idée de la technologie, en la rendant plus imagée avec le français.

L’évolution de la langue, une richesse 

Cependant, la langue évolue constamment. Loin d’être figée, elle est une succession de couches, faite de croisements d’une multitude de dialectes. Crypto vient par exemple du Grec ancien κρυπτός (kruptos) qui désigne ce qui est caché. De même avec le lexique mathématique : algorithme, algèbre, nous viennent ainsi de l’arabe. Néanmoins, on peut regretter que l’anglais domine à ce point la pensée actuelle. Mais n’est-ce pas le reflet d’une réalité mondiale qui s’étend bien au-delà de la langue ? Le fameux soft power (aïe, encore un anglicisme) américain est à l’œuvre.

La crypto et les anglicismes, c’est une histoire d’amour. Car au-delà du simple débat entre blockchain ou chaîne de blocs, la communauté crypto francophone aime particulièrement les anglicismes. Inspirés par le milieu du jeu vidéo, les emprunts à l’anglais semblent toujours plus nombreux. 

Le jargon crypto vous donne de migraines ? C'est normal.
Le jargon crypto vous donne de migraines ? C’est normal.

La langue fabrique la communauté 

En construisant une communauté en ligne autour de termes précis, on crée son propre monde, ses propres règles. Sur Twitter, on a l’impression qu’une autre langue est parlée : airdrop, GM (good morning) scalabilité, un monde lexical différent prospère sur la cryptosphère. Il se mêle bien sûr avec le lexique plus généralement utilisé sur les réseaux sociaux. C’est aussi un signe de reconnaissance entre initiés. En effet, pour faire partie de la communauté de la crypto, il faut faire un parcours initiatique. Comprendre la crypto et ses codes, ça se mérite. Encore du grain à moudre pour ceux qui perçoivent la communauté Bitcoin comme une secte. Mais ça peut être aussi quelque chose de positif, car ainsi, on construit (pardon, on « build ») une communauté réellement à part.

Un frein à l’adoption des cryptos ?

À l’aune des réseaux sociaux, on constate cependant une réelle accélération des modifications linguistiques. Avec les phénomènes en ligne et la viralité, il peut être difficile de s’y retrouver. Y compris même pour les utilisateurs plus assidus de ces médias en ligne. C’est aussi un problème si l’on souhaite démocratiser la blockchain et les cryptomonnaies au plus grand monde. Comment donner envie à un néophyte lorsque le jargon est aussi spécifique et compliqué ?

Sur Twitter, Sam Lessin estime que ce « good morning » dans la cryptosphère est « incroyablement stupide »

« Des use cases pour incentiver les cryptos builders en quête de scalabilité »

Vous trouvez le titre ci-dessus ridicule et incompréhensible ? Rassurez-vous, c’est normal. Avec certes un peu de mauvaise foi, il s’agit pourtant d’une phrase que vous auriez très bien pu retrouver en ligne. Un aperçu de ce qui se fait sur le Twitter crypto francophone (légèrement exagéré, on vous l’accorde).

Incentiver plutôt qu’inciter. Builder plutôt que construire, GM pour good morning. Les exemples sont légion. Il semble y avoir comme une paresse à vouloir traduire des termes anglais pourtant simples. Car même si certains mots n’ont pas d’équivalents, la plupart en ont. Pourquoi ne pas les utiliser ? Pourquoi l’écosystème crypto tient tant à utiliser des termes anglicismes (parfois assez obscurs) ? Paresse pour traduire ? Trop « business focus » ? Un voyage à New-York qui a mal tourné ? En tout cas, chez Cointribune, on est open si vous avez des explications.

Bien entendu, il ne faut pas se formaliser sur la langue : le français est une langue vivante, et heureusement ! Elle emprunte à énormément de dialectes une partie conséquente de son vocabulaire. Toutefois, la prédominance quasi-exclusive de l’anglais dans la communauté crypto francophone soulève une question. Au-delà du fait que le jargon crypto compliqué soit un frein à l’adoption, on peut également juger que certains sujets méritent un meilleur traitement.

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Martin

Les cryptomonnaies et le bitcoin constituent un phénomène culturel et politique à part entière. Du mouvement cypherpunk en passant par le crypto-art, je documente ces tendances qui repoussent toujours plus loin les frontières de l’économie traditionnelle.

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