Interview Jean-Michel Pailhon : Les NFT sont-ils morts ?
On a tous été témoins de la hype des NFT puis du déclin tout aussi rapide du marché. ”L’art digital est mort”. C’est ce qu’on entend un peu partout dans l’écosystème crypto lorsqu’on parle des NFT artistiques. Aujourd’hui, avec Jean-Michel Pailhon, fondateur de NFT Factory Paris et de Grail Capital, une société d’investissement dans l’art digital, on déconstruit cette forme d’investissement qui réserve bien plus de surprises que ce que laissent penser les préjugés.
Pour commencer, l’art digital, de quoi parle-t-on exactement ?
Lorsque je parle de l’art digital, je fais référence à l’art digital natif. Il est l’art qui a été créé nativement sur un outil ou support numérique, il ne provient pas du physique à la base. Les œuvres sont très diversifiées, car les outils le sont tout autant, notamment avec des supports informatiques, intelligence artificielle avec l’AI art, le generative Art, ou encore la palette graphique. L’art numérique existait déjà avant le Web3, mais prend de la valeur grâce à l’authenticité que la Blockchain apporte, car elle permet de donner une rareté, date de naissance et provenance de cette œuvre. Comme l’aurait été un tableau traditionnel avec certificat d’authenticité finalement !
Comment évaluer la valeur de l’art numérique (NFT) en tant qu’investissement ?
L’art en général s’évalue de 2 manières :
- La première, ce que j’appelle la valeur culturelle, est une valeur qui représente la reconnaissance du public de cet art. Le fait qu’il existe une base de personne étant en accord sur le fait qu’une certaine œuvre représente une histoire, des valeurs fortes, ou simplement qu’elle soit esthétiquement belle crée cette valeur culturelle.
- La deuxième valorisation est la valeur économique. C’est plus simplement la valeur du prix que les investisseurs ou collectionneurs sont prêts à payer pour cet art. Aujourd’hui, l’art digital est un segment jeune qui a une valeur culturelle en pleine construction. Une nouvelle communauté de musées et collectionneurs se reconnaît à travers ce nouvel art et permet de donner une valeur économique à ces œuvres.
Le marché total de la valeur de l’art moderne représente actuellement 1.8T de dollars. Celui de l’art digital est de 4 Mds $. On peut imaginer la taille du marché prendre une part considérable du marché complet, et devenir plus démocratisé à l’avenir, donc valoriser ce marché actuellement est difficile. J’ai tout de même la conviction que cela ira bien plus loin qu’actuellement.
Qu’en est-il du préjugé de la « hype NFT » selon vous ?
C’est normal pour les choses nouvelles. Il y a toujours eu une phase de curiosité et d’excitation, puis une perte d’intérêt au début d’un mouvement (Internet, Bitcoin, IA). On est passé par ces phases pour ce qui est des NFT artistiques et maintenant l’art digital se construit doucement loin de la spéculation excessive. Le marché reviendra probablement plus fort et plus stable dans un futur proche, et les investisseurs seront plus raisonnables.
Selon vous, qu’est-ce qui manque pour le boom de l’art digital ?
Pas grand-chose, en vérité. Il faut que les institutions s’y mettent. Les musées et galeries s’introduisent déjà dans le marché, notamment le Centre Pompidou à Paris ou le LACMA à Los Angeles. Il faut des collectionneurs également, et c’est dans ce sens qu’on se positionne avec Grail Capital. On crée des collections pour eux, et on fait en sorte de leur permettre un investissement dans l’art, en gérant toute la partie risque. L’investissement devient alors plus accessible. Il faut aussi plus de critiques d’art digital, comme dans l’art traditionnel, afin de donner de la crédibilité et de la contenance au travail des artistes digitaux.
L’art digital est-il décorrélé des cryptos au niveau de la valorisation ?
J’ai envie de dire non, mais oui. Jusqu’à aujourd’hui, la valeur des NFT (Non Fungible Token) a été fortement corrélée aux cryptos. Leurs pics de volume et de valorisation économique sont très proches dans le temps.
Cependant, cela dépend également de quel art on parle ! Les œuvres surnommées les « Bluechips » (Cryptopunks, Chromie Squiggles, Fidenza, etc.) sont celles qui sont le moins corrélées, car leur valeur culturelle est plus forte et leur permet de garder une bonne valorisation par exemple.
D’après moi, le marché devrait doucement commencer à se décorréler d’après moi, car certaines personnes gardent leurs actifs cryptos sous cette forme, comme certains investisseurs le font avec l’or ou des œuvres d’art physiques.
Comment gérer ses risques sur un marché aussi nouveau que celui de l’art digital et des NFT ?
Être capable de prendre son temps, et de se diversifier entre les collections. Il faut éviter les projets à leur lancement, car on a énormément de chances de se planter et de tomber sur un projet qui ne va nulle part. Les projets solides en bear market, présents depuis longtemps et qui continuent à produire et vendre, sont ceux à garder à l’œil si l’on veut limiter les risques.
L’art physique tokenisé, vous pensez vous y pencher ?
Ce n’est pas vraiment mon domaine, mais cela pourrait avoir de l’intérêt et une incidence sur le marché traditionnel. Il y a des gens bien meilleurs que moi, mais ce n’est pas impossible que ce soit une révolution pour d’autres acteurs, et j’espère que cela permettra d’aider l’essor de l’art digital natif. Dans la logique des choses, ce marché est très sujet à la tokenisation, et je pense qu’il y a encore beaucoup à faire.
Merci beaucoup Jean-Michel Pailhon pour cette interview !
Toujours avec plaisir, merci à toi !
C’était Jean-Michel Pailhon, co-fondateur de Grail Capital et de NFT Factory pour Cointribune. À bientôt pour une nouvelle interview exclusive !
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