Inflation vertigineuse en Russie : Une décision radicale se profile à l’horizon

L’économie russe traverse une période marquée par de fortes tensions, une inflation durable et des défis économiques liés à la guerre en Ukraine. Dans ce contexte, la Banque centrale de Russie (BCR) envisage une décision qui pourrait remodeler le paysage économique national : une nouvelle augmentation de son taux directeur, déjà porté à 21 %, un niveau sans précédent depuis deux décennies. Cette mesure vise à freiner la hausse des prix à la consommation, estimée à 8,5 %, soit le double de l’objectif officiel.

Une inflation hors de contrôle : les raisons d’une politique monétaire stricte

Lors du forum financier VTB Russia Calling, tenu à Moscou les 4 et 5 décembre 2024, Elvira Nabioullina, gouverneur de la Banque centrale de Russie, a confirmé que l’institution envisageait sérieusement de relever à nouveau le taux directeur, malgré qu’il soit déjà à 21 %. « Nous avons signalé que la banque centrale envisageait la possibilité d’une hausse des taux, car l’inflation n’a pas encore commencé à baisser », a-t-elle déclaré devant un parterre d’experts économiques. Cette annonce reflète l’urgence de contenir une inflation qui atteint actuellement 8,5 %, soit deux fois l’objectif fixé par les autorités.

Une telle pression inflationniste s’explique en grande partie par l’augmentation massive des dépenses militaires, directement liées au conflit en Ukraine. Ce phénomène a été renforcé par l’adoption récente du budget 2025-2027, qui prévoit une hausse de 30 % des dépenses de défense, qui atteignent 13 500 milliards de roubles, soit environ 127 milliards d’euros. Dans ce contexte, la Banque centrale poursuit une politique monétaire stricte dans le but de réduire l’accès au crédit, afin de freiner la hausse des prix. L’objectif est d’éviter un basculement vers la stagflation, une situation économique redoutée où se combinent une forte inflation et une stagnation prolongée de la croissance.

Cette stratégie déclenche toutefois des préoccupations au plus haut niveau de l’État. Vladimir Poutine a appelé à une coordination accrue entre les autorités économiques pour stabiliser la situation. Selon lui, « agir de manière concertée » est essentiel pour limiter les effets négatifs de ces mesures sur l’économie. Alors que l’inflation continue de grignoter le pouvoir d’achat des ménages et que les entreprises s’inquiètent des coûts croissants des emprunts, la Banque centrale se retrouve face à une équation complexe, qui mêle impératifs de rigueur monétaire et préservation de l’activité économique.

Le revers de la médaille : tensions économiques et perspectives incertaines

La Banque centrale de Russie maintient une politique monétaire stricte pour maîtriser l’inflation, mais cette stratégie inquiète profondément les entreprises. Celles-ci dénoncent un coût du crédit déjà qualifié d’« exorbitant », qui limite les investissements et pourrait compromettre la reprise économique attendue en 2025. De plus, ce frein à l’activité économique est d’autant plus critique que les projections des autorités anticipent déjà un ralentissement important de la croissance l’année prochaine.

Parallèlement, la situation est aggravée par la faiblesse importante du rouble, dont la dévaluation augmente considérablement le coût des importations. Cette pression supplémentaire sur les prix alimente un cercle vicieux inflationniste, qui pèse à la fois sur les consommateurs et les entreprises. Le rouble reste sous pression en raison de plusieurs facteurs : les nouvelles sanctions occidentales, notamment celles qui visent Gazprombank, la principale institution financière utilisée pour les paiements énergétiques, ainsi qu’une confiance fragilisée des investisseurs internationaux. Cette perte de valeur monétaire accentue également la dépendance de l’économie russe à ses exportations de matières premières, qui bénéficient toutefois d’une monnaie affaiblie.

Au-delà de l’économie nationale, les implications de ces décisions monétaires touchent la position stratégique de la Russie sur la scène internationale. Les tensions géopolitiques, combinées aux sanctions financières, renforcent l’incertitude pour les investisseurs étrangers. À moyen terme, la Russie pourrait se voir contrainte de renforcer sa dépendance envers ses partenaires asiatiques, notamment la Chine et l’Inde, pour pallier les effets des restrictions économiques occidentales. Cette réorientation pourrait remodeler durablement l’économie russe, mais au prix de nouvelles vulnérabilités, notamment sur le plan de l’autonomie financière.

La Russie se trouve à un carrefour économique capital. Stabiliser une économie fragilisée par une inflation exponentielle sans oublier la préservation de la compétitivité des entreprises représente un défi complexe. Ainsi, si la Banque centrale réussit à contenir l’inflation, elle renforcera sa crédibilité et contribuera à la stabilisation des finances publiques. Toutefois, cette stratégie pourrait freiner la croissance économique, déjà menacée par des coûts d’emprunt élevés et un rouble affaibli, et creuser les inégalités entre entreprises et ménages. La réunion décisive prévue le 20 décembre jouera un rôle essentiel, car ses décisions façonneront l’avenir économique d’un pays en quête d’équilibre face à des pressions intérieures et internationales croissantes.