Sexe et bitcoin (BTC) : Le mariage fait pour durer ?
Le bitcoin (BTC) trouvera-t-il sa place dans les métiers liés au sexe ? Pornhub, mastodonte du divertissement pour adultes, avait été éjecté des réseaux Paypal (2019), Visa et Mastercard (2020). Des raisons mêlant légalité et morale que nous expliquions dans un article il y a deux ans déjà. Depuis lors, il n’est toujours pas possible de s’abonner en payant par CB, malgré les efforts de la plateforme pour lutter contre toute forme d’exploitation des travailleurs et travailleuses du sexe (ce dont elle était accusée). Voyons ensemble les liens qui unissent les mal-aimé·es des sociétés bien-pensantes : sous prétexte de lutter contre divers maux réels (blanchiment, traite des êtres humains, etc.), les États tentent de supprimer des pans entiers de ces économies, même ceux qui sont légaux.
Pornhub n’est pas la seule plateforme à avoir dû chercher (et trouver) des solutions de paiement, à la fois pour ses abonnés et les fournisseurs de contenus. L’industrie du sexe est, et a toujours été, un domaine très particulier : les acteurs en sont aussi divers que la clientèle. Elle est confrontée à des lois parfois ambivalentes et reste surtout taboue. Bien entendu, dans cet article nulle question de crimes et trafics, qui doivent être interdits et absolument réprimés. On parle de services sexuels monnayables entre adultes consentants qui peuvent prendre de très nombreuses formes : escorting, sugar dating, masseurs et masseuses, shows par webcam interposées, films X, etc …
Le sexe tarifé, c’est « mal »
Mastercard, Visa, PayPal, Square, Circle, Cashapp, Venmo et de nombreux autres acteurs de la finance traditionnelle ont décidé de rompre leurs partenariats financiers avec des travailleuses et travailleurs du sexe (TDS) à de multiples reprises (ou avec leurs intermédiaires comme des plateformes en ligne). Interdire aux TDS l’accès aux banques et aux autres moyens de paiement est une mesure hypocrite et discriminatoire, mais elle est pourtant appliquée depuis toujours. Le secteur économique lié au sexe a toujours dû s’adapter pour exister : mais plutôt que de lutter efficacement contre le trafic d’êtres humains et l’exploitation, les législateurs ont une fâcheuse tendance à vouloir tout censurer. Ils entraînent ainsi dans leur sillage les établissements bancaires qui privent donc les TDS de leurs revenus.
Le bitcoin (BTC) utile pour tous
Le bitcoin (BTC), voire une cryptomonnaie issue d’une blockchain spécifique, est potentiellement utile pour toutes et tous. D’un côté des utilisateurs qui ne souhaitent pas que leurs activités soient affichées sur leur relevé bancaire (même si l’intitulé n’est pas toujours explicite, on peut l’identifier en faisant une recherche sur Internet) et de l’autre les TDS. Pour les TDS, l’utilité est plurielle. Plus de problème avec des intermédiaires bancaires et davantage de confidentialité. Pour les plateformes, un mode de paiement comme un autre : il existe en effet de nombreuses possibilités de convertir immédiatement les cryptos en fiats (Bitpay, etc.). Bien entendu il faut que les utilisateurs adoptent ce mode de paiement, mais les banques poussant les plateformes vers la sortie, chacun finit par s’adapter. C’est d’ailleurs la censure qui finit par promouvoir les innovations…
La répression des TDS : « Couvrez ce sein que je ne saurais voir »
La plupart des pays ont tendance à réprouver le travail du sexe et les lois se succèdent pour invisibiliser les TDS. Confronté(e)s donc aux problèmes de morale ambiante, de paiement, mais aussi aux problèmes d’ordre législatif, les TDS sont mis(e)s en danger alors même que les trafics d’êtres humains sont loin d’être résolus. La clandestinité engendre des problèmes accrus de violence et autres mises en danger (vol du cash par exemple).
Citons la France avec la loi de 2016 qui, en pénalisant les clients, a rendu le travail plus clandestin et donc plus dangereux. Par ailleurs, toute aide à un(e) TDS est considéré comme du proxénétisme et la liste d’autres aberrations est longue (et détaillée dans un ouvrage passionnant récemment publié « TDS, témoignages de travailleurs et travailleuses du sexe, par Tan »). C’est également le cas aux USA avec la loi SESTA/FOSTA (2018) : la loi est si stricte quant-au contenu publié en ligne que les plateformes ont préféré jeter l’éponge. Les créateurs de Backpage, site de petites annonces très populaire aux États-Unis, en ont fait les frais : ils sont poursuivis en justice. Le procès, d’abord annulé, est de nouveau d’actualité.
Plutôt que de laisser les plateformes renforcer les contrôles et aider les autorités à démanteler les filières criminelles, les législateurs ont préféré censurer d’emblée. Cette censure et invisibilisation ont contraint nombre de TDS à arpenter les trottoirs pour aller à la rencontre de leurs clients : ce qui ne convient ni aux TDS, ni aux clients, ni au voisinage.
Le réseau social australien Switter, permettant aux TDS de travailler en toute sécurité, a fini par fermer également. Le réseau Tryst le remplace, reste à savoir pour combien de temps. (Cette plateforme accepte le bitcoin.)
« Début 2018 a vu l’adoption de la loi américaine FOSTA/SESTA qui a entraîné l’élimination massive d’Internet de millions de travailleurs et travailleuses du sexe dans le monde. Cela a exposé des milliers de personnes à un risque accru de harcèlement physique, de violences et même mortel. Nous avons lancé Switter comme première étape pour rendre leur autonomie aux travailleurs et travailleuses du sexe. Switter a rassemblé plus de 200 000 utilisateurs avec plus de 5,5 millions de statuts postés en seulement 10 mois. (…) »
Utilisation du bitcoin (BTC) et des cryptomonnaies
L’adoption du bitcoin au sein de la communauté des TDS est plus ou moins proportionnelle à son adoption dans la population en général. Le bitcoin est d’ailleurs plus fréquemment utilisé aux États-Unis et en Suisse qu’en France. D’après Mia More, escort française férue de cryptomonnaies, seuls 5% de ses clients rémunère son travail en bitcoin. Un moyen de paiement qui semble ne pas susciter l’enthousiasme, même parmi ses clients qui travaillent dans la finance.
Pourtant ce mode de paiement est rapide (notamment avec le Lightning Network), il n’y a pas d’intermédiaire bancaire, pas de frais et pas de rétrofacturation. Et il assure une parfaite discrétion aux clients. Pour recevoir un paiement, on peut même envisager de scanner le code via webcam (auquel cas ce paiement échappe à la plateforme).
L’indépendance vis-à-vis des plateformes et des banques
En 2021, la plateforme OnlyFans a annoncé qu’elle n’accepterait plus de contenus à « caractère sexuellement explicite ». Elle a rapidement fait marche arrière, ce type de contenus étant sa principale source de revenus. Cet épisode a mis à jour la vulnérabilité des TDS face aux plateformes qui peuvent les priver du jour au lendemain de leurs revenus. Comme les banques. C’est ainsi qu’est née une nouvelle plateforme : WetSpace.
Allie Rae, CEO de WetSpace, est une créatrice de contenus pour adultes. Ancienne infirmière (licenciée à cause de ses activités sur OnlyFans), elle a gagné un million de dollars en un an. Suite à l’épisode d’OnlyFans, elle a investi ses gains dans sa propre plateforme. Elle a trouvé la solution ultime : désormais ses revenus ne dépendent plus des banques ou d’une plateforme sur laquelle elle n’a pas le contrôle. WetSpace ne prend que 15 % de commission à ses créateurs de contenus, des TDS comme elle. Cette plateforme ne permet que les paiements en crypto et propose de guider les non-initiés pour créer un wallet. Elle ouvre ainsi la voie à d’autres entrepreneurs qui comprennent l’utilité des cryptomonnaies.
Les rétrofacturations avec les paiements « traditionnels »
L’un des problèmes liés aux paiements traditionnels est la rétrofacturation. En effet une transaction est annulée lorsqu’un utilisateur affirme avoir été frauduleusement facturé pour un bien ou un service qu’il n’a pas reçu. Il s’agit d’un outil conçu pour protéger les consommateurs, mais de nombreux·ses TDS affirment que cet outil est utilisé de manière abusive dans leur secteur. La politique officielle d’OnlyFans, par exemple, stipule sur son site Web que c’est le créateur, et non l’entreprise, qui paie la facture d’une rétrofacturation. Il n’y a pas ce problème avec les cryptomonnaies.
Protection contre le piratage (et vindicte populaire)
On se souvient, ou non, du piratage du site de rencontres Ashley Madison en 2015. Les personnes inscrites, en très grande majorité des hommes, ont vu leurs données personnelles éparpillées aux quatre vents. Les conséquences sur leur vie personnelle et professionnelle ont parfois été très graves, les utilisateurs ayant dû subir les jugements des armées moralisatrices des réseaux sociaux. Adresses mails, données bancaires, messages privés : confier ses données à un site de rencontres qui, apparemment, étaient plutôt réservé à des TDS n’est pas très prudent. Il serait alors bon de cesser l’hypocrisie une bonne fois pour toutes : dans le domaine du sexe, il y a des clients et des professionel(lle)s qui proposent des services adaptés. Pourquoi ne pas faire en sorte de protéger les un(e)s et les autres ?
L’ancêtre du token : le collier à boules du Club Med
Voilà un sacré coup marketing qui date de 1957 ! Rien à voir avec l’industrie du sexe bien sûr, mais on peut considérer que le collier à boules est l’ancêtre du token (même si de nombreux autres objets ou services ont pu s’échanger avant l’invention de la monnaie). En effet, il fallait acheter (en monnaie fiat locale) un collier avec des boules de différentes valeurs pour ensuite les échanger contre des boissons. Utilisable seulement dans le village vacances, c’était un bon moyen de pousser les clients à la consommation.
Aujourd’hui de nombreux sites de divertissement pour adultes utilisent des tokens, que l’on appelle également des Porntokens. Ils permettent ainsi de donner des pourboires ou de payer des vidéos et autres services. Sur Chaturbate par exemple, les utilisateurs achètent des tokens par lot (de 100 à 2025) avec des prix dégressifs en fonction du nombre.
De nombreux projets naissent et meurent aussi parfois, de Spankchain à Hussy.io, ils sont nombreux comme on peut le voir dans cet article. Un écosystème étonnant semble sortir du lot pourtant, et il est suisse. Il s’agit de Bitcci (attention ce n’est en aucun cas un conseil d’investissement et personne ne sait d’ailleurs quel sera son avenir).
Bitcci
Christoph Elbert, CEO de Bitcci, a créé un écosystème qui comprend des boîtes de nuit, des applications, divers services dont l’académie Bitcci, et un système de paiement basé sur la blockchain. Il existe même un service bitcci.tv qui diffuse des informations sur les cryptomonnaies et les escorts. Une première ICO en 2021 a levé plus de 4 millions de dollars en proposant des Bitcci Cash Tokens, un token ERC20 (qui compte plus de 2800 détenteurs). L’équipe de Bitcci veut créer « un nouvel écosystème pour l’industrie du sexe nouvelle génération, qui sera basé sur la tolérance, la liberté et la confiance ». Il est même prévu la création de la Bitcci Bank AG qui devrait obtenir une licence bancaire. Il leur sera alors possible de fournir des services financiers professionnels à toutes et tous les participant·es de l’industrie du sexe, comme des comptes IBAN, des cartes de débit crypto ou des guichets automatiques.
La difficile reconversion professionnelle des TDS
Comme tout le monde, les TDS ont parfois envie de changer de métier. Oui, mais. Nos sociétés faussement puritaines ne sont toujours pas prêtes à tolérer les choix de vies alternatifs. Les banquiers par ailleurs semblent même avoir une certaine aversion pour ce qui est d’accueillir les comptes de gérant(e)s de clubs libertins. Alors que dire des autres métiers liés au travail du sexe ! Stigmatisé(e)s, les reconversions professionnelles des TDS sont compliquées. On l’a vu, Allie Rae, la CEO de WetSpace, a été licenciée à cause de ses activités sur Onlyfans. Elle a brillamment mené sa carrière en montant sa propre société. Brigitte Lahaie et Ovidie, anciennes actrices x, ont des vies professionnelles riches. Il n’en est pas de même pour d’autres, qui aimeraient pouvoir changer de métier sans être stigmatisé(e)s à vie. Sans être stigmatisé(e)s tout court.
Chaque fois que les États ont voulu interdire un pan de l’économie réelle qui ne correspondait pas à leur morale, ça a été un échec. La Prohibition américaine au 19e siècle a fait naître des gangs ultraviolents. L’alcool était pourtant toujours disponible : les gens fortunés consommaient de l’alcool dans des lieux privés et les pauvres de l’alcool fait maison. Quand l’avortement est interdit, les femmes pauvres risquent de mourir chez elles, tandis que les plus fortunées ont recours à un IVG dans des cliniques à l’étranger. Les exemples sont malheureusement très nombreux et ne semblent pas servir de leçon. Plus récemment, l’affaire Tornado cash : sous prétexte que des malfrats utilisent un mixer, les autorités en ont supprimé l’usage. En interdisant le travail du sexe à demi-mots, on favorise une économie souterraine bien plus dangereuse pour ses acteurs. Et on rend plus difficile encore le travail de ceux qui luttent contre la traite des êtres humains. Parallèlement, en faisant d’innombrables lois pour empêcher l’essor du bitcoin (BTC), voire d’autres cryptomonnaies, on empêche les individus de créer des business légaux. L’Histoire nous montre qu’interdiction et censure mènent à des dérives contreproductives : les TDS sont des citoyen(ne)s à part entière, avec les mêmes droits et devoirs que les autres travailleurs et travailleuses. Et les criminels, eux, doivent être poursuivis et jugés. Il faudrait cesser de tout confondre.
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Subprimes, crises financières, inflation galopante, paradis fiscaux... Le bitcoin a été conçu pour plus de transparence et peut-être enfin changer la donne. J'essaie de comprendre ce nouvel environnement et tente de l'expliquer à mon tour. La route est sans doute longue, mais elle en vaut la peine.
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