Hamas et naissance d’un monde post-Américain
Le week-end dernier, le monde a été témoin d’une barbarie absolue lorsque des terroristes du Hamas ont brutalement pris pour cible des civils israéliens. L’État d’Israël, a réagi, comme on pouvait s’y attendre, par des opérations militaires d’envergure dans la bande de Gaza. Il en résulte un conflit régional croissant, alimenté par des querelles historiques qui dépassent l’échelle des considérations géopolitiques traditionnelles. Un nouveau monde est en train de naître.
Une multiplication des conflits
Si l’on ajoute à cela la guerre en cours en Ukraine, le conflit dont on parle moins entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, la menace d’une reprise des combats entre le Kosovo et la Serbie, voire d’une guerre Etats-Unis/Chine suite à l’invasion de Taïwan, le monde assiste à l’effondrement d’un ordre mondial, qui reposait sur la capacité d’intervention phénoménale des Etats-Unis.
Des générations d’intellectuels (aussi appelés “progressistes”) ont participé à nous faire croire que la société était en marche constante vers le progrès. Que les nouvelles idées, représentaient nécessairement une amélioration par rapport à la sagesse des anciens.
Que la démocratie devait s’imposer partout et nous apporter le bonheur.
Retour vers la barbarie
L’ordre international moderne fondé sur l’hégémonie américaine de l’après-guerre froide devait aboutir au triomphe de la démocratie libérale. L’Union soviétique s’était effondrée et le communisme ne séduisait plus autant de monde que quelques décennies auparavant.
Cette idée de “fin de l’histoire” a alimenté l’orgueil de Washington et de ses alliés. Leur conviction était que le monde moderne pouvait être façonné pour correspondre à des modèles aussi confortables que théoriques. Que des siècles de culture et de religion pouvaient être transformés par le pouvoir de l’économie de marché et du libéralisme culturel.
Or, il n’est pas vrai que les conditions humaines doivent toujours s’améliorer, et qu’une rechute dans des modes de vie très inconfortables, dans la pénurie et la barbarie est impossible.
Fin de l’histoire ?
C’est avec ce même raisonnement, que les élites occidentales pensaient transformer l’Afghanistan et l’Irak grâce à un juste dosage de guerre. Les ambitions russes pourraient être neutralisées grâce à un bon dosage de traités de défense régionaux et de relations économiques. La Chine adopterait le libéralisme occidental avec une diminution des droits douaniers.
Le triomphe du dollar, qui a financé la croissance de l’empire américain est devenu le fondement de l’économie mondiale. La dette américaine étant l’actif financier le plus fiable au monde, l’Amérique a joui du privilège d’une incroyable puissance dans ses relations avec les grandes nations, ce qui lui a permis de concentrer ses efforts militaires sur les groupes terroristes non étatiques et les « États voyous ».
L’influence des lobbys en Amérique
Cette croyance en un ordre mondial soutenu par la puissance économique et militaire américaine, a influencé le mode de fonctionnement des autres acteurs mondiaux.
Les lobbies étrangers ont consacré de vastes ressources à Washington. Si l’influence du lobby israélien est la plus visible, avec des politiciens promettant vocalement leur allégeance à l’État juif, depuis 2016, des nations comme le Qatar, l’Arabie saoudite, la Chine, le Japon, la Corée du Sud ont également investi des centaines de millions de dollars pour influencer la politique américaine.
La mort de la Pax Americana
L’hypothèse d’un soutien américain sans faille a influencé les décisions stratégiques des nations concernant leur propre sécurité. L’Ukraine a renoncé aux armes nucléaires soviétiques en échange de promesses de sécurité de la part de l’Occident, ce qui, pendant longtemps, a pu constituer un puissant moyen de dissuasion contre une invasion russe.
Le gouvernement du Japon d’après la Seconde Guerre mondiale s’est démilitarisé en échange de ses propres garanties de sécurité de la part des États-Unis.
Hamas, une création d’Israël ?
Les décisions prises par l’État d’Israël ont également été guidées par de fausses hypothèses, comme la conviction que les mouvements militants islamistes seraient plus faciles à délégitimer au niveau international que d’autres acteurs politiques cherchant à créer un État palestinien.
Comme le rapportait le Wall Street Journal il y a quelques années :
“Le Hamas, à mon grand regret, est une création d’Israël« , déclare M. Cohen, un juif né en Tunisie qui a travaillé à Gaza pendant plus de vingt ans. Responsable des affaires religieuses dans la région jusqu’en 1994, M. Cohen a vu le mouvement islamiste prendre forme, écarter les rivaux palestiniens laïques, puis se transformer en ce qui est aujourd’hui le Hamas, un groupe militant qui a juré la destruction d’Israël.
Au lieu d’essayer de freiner les islamistes de Gaza dès le début, dit M. Cohen, Israël les a tolérés pendant des années et, dans certains cas, les a encouragés pour faire contrepoids aux nationalistes laïques de l’Organisation de libération de la Palestine et à sa faction dominante, le Fatah de Yasser Arafat.
L’examen des relations qu’Israël entretient depuis des décennies avec les radicaux palestiniens – y compris certaines tentatives peu connues de coopération avec les islamistes – révèle un catalogue de conséquences involontaires et souvent périlleuses. À maintes reprises, les efforts d’Israël pour trouver un partenaire palestinien docile, à la fois crédible aux yeux des Palestiniens et désireux de renoncer à la violence, se sont retournés contre lui. Les partenaires potentiels se sont transformés en ennemis ou ont perdu le soutien de leur peuple.
L’expérience d’Israël fait écho à celle des États-Unis qui, pendant la guerre froide, considéraient les islamistes comme des alliés utiles contre le communisme. Les forces antisoviétiques soutenues par l’Amérique après l’invasion de l’Afghanistan par Moscou en 1979 se sont ensuite transformées en Al-Qaïda ».
L’Amérique et l’islamisme
Comme l’ont reconnu les responsables israéliens, le soutien militaire américain, qui est devenu un élément essentiel de la stratégie militaire américaine d’aide à l’étranger après la guerre des Six Jours en 1967, a influencé les objectifs d’Israël en ce qui concerne les relations avec les Palestiniens.
De même, la croyance selon laquelle les groupes islamiques non étatiques seraient plus faciles à contrôler que les États fonctionnels a été un angle mort permanent et constant pour Washington. Le renversement de Saddam Hussein et de Mouammar Kadhafi a créé des vides de pouvoir au Moyen-Orient qui ont été comblés par l’État islamique et d’autres groupes djihadistes.
Il est important de comprendre les causes et les effets des actions de l’État sur des personnes innocentes pour prendre des décisions qui permettront d’éviter de tels désastres à l’avenir.
34 000 milliards $ de dette
La triste réalité est que l’ordre mondial, construit sur l’hypothèse que le sang et le trésor américains peuvent à eux seuls maintenir la stabilité et la paix est soumis à de fortes tensions. Les mauvaises fondations commencent à se fissurer.
En septembre 2001, la dette américaine atteignait 3 400 milliards de dollars. En 2023, elle s’élèvera à plus de 34 000 milliards de dollars.
L’effondrement de l’ordre Américain signifie également que nous devons nous attendre à un nouveau comportement de la part des États qui s’adaptent à leur époque.
Israël, par exemple, a mis fin à ses campagnes militaires précédentes il y a quelques années contre le Hamas à la suite de la pression internationale exercée par les victimes civiles.
L’attaque d’octobre 2023 fera-t-elle aussi l’objet d’une condamnation similaire ? Israël s’en préoccupera-t-il ? Quelles sont les possibilités de désescalade ?
Les BRICS et l’alternative au dollar
Les nations BRICS ont récemment appelé à la création d’alternative au dollar pour le commerce extérieur, et même la Banque d’Angleterre a évoqué ses inquiétudes au sujet du pouvoir et de l’influence que le dollar confère à Washington.
Les inquiétudes concernant la Chine et les perturbations de la chaîne d’approvisionnement dues à la fois au covid et à la guerre entre l’Ukraine et la Russie ont ravivé les inquiétudes quant à la dépendance des relations commerciales internationales, ce qui pourrait avoir un impact supplémentaire sur la mondialisation de l’économie.
L’imminente guerre Etats-Unis – Chine
La guerre entre Israël et le Hamas est en partie le prolongement d’une lutte plus vaste entre grandes puissances, opposant l’axe Russie-Iran-Chine aux États-Unis et à leurs alliés. Cet axe contestataire de l’ordre occidental, est en marche, enthousiasmé par la croissance de la puissance économique chinoise et par la division interne de l’Amérique.
Le véritable cataclysme serait une guerre entre les États-Unis et la Chine au sujet de Taïwan.
Xi Jinping ne cesse de répéter qu’il prépare la Chine à la guerre. Les médias d’État chinois diffusent des émissions sur la manière dont se déroulerait une attaque contre Taïwan. Les exercices aériens et navals quasi constants de la Chine autour de Taïwan ressemblent fort à un entraînement. Et le ralentissement économique du pays ne fait que l’inciter davantage à l’aventure militaire.
Nous avons tous été surpris par la volonté de Poutine d’envahir l’Ukraine, ainsi que par la férocité et le potentiel d’escalade de la guerre entre Israël et le Hamas. Ne tachons pas de reproduire cette erreur avec un ennemi, bien plus féroce.
L’histoire montre que les périodes de crise peuvent transformer radicalement l’ordre mondial. Après la Seconde Guerre mondiale, l’Occident a fait le choix de l’idéologie productiviste, interventionniste, sociale-démocrate et inflationniste. Le monde multipolaire qui est en train de naître constituera une opportunité de transformation radicale de la vie.
Maximisez votre expérience Cointribune avec notre programme 'Read to Earn' ! Pour chaque article que vous lisez, gagnez des points et accédez à des récompenses exclusives. Inscrivez-vous dès maintenant et commencez à cumuler des avantages.
Chaque jour, j’essaie d’enrichir mes connaissances sur cette révolution qui permettra à l’humanité d’avancer dans sa conquête de liberté.
Les propos et opinions exprimés dans cet article n'engagent que leur auteur, et ne doivent pas être considérés comme des conseils en investissement. Effectuez vos propres recherches avant toute décision d'investissement.