FED : le retour inattendu de la planche à billets
La FED vient d’opérer un changement majeur dans sa politique monétaire. Après 17 mois de statu quo, la banque centrale a décidé de réduire ses taux directeurs de 0,50 point de pourcentage lors de sa réunion de septembre. Êtes-vous prêt pour le retour de la planche à billets ?
Le revirement spectaculaire de la Fed
La baisse des taux de la Fed était largement anticipée par les marchés, mais son ampleur a surpris de nombreux observateurs. Jusqu’à la dernière minute, les investisseurs hésitaient entre une baisse de 0,25 ou 0,50 point.
C’est finalement l’option la plus agressive qui l’a emporté, signe que la Fed est déterminée à soutenir l’économie.
Ce revirement spectaculaire tranche avec le ton encore prudent adopté par les responsables de la Fed il y a quelques semaines. Le gouverneur Christopher Waller avait ainsi déclaré début septembre que « le temps était venu » de baisser les taux, mais en privilégiant une approche graduelle.
La publication d’articles de presse évoquant la possibilité d’une baisse de 0,50 point a cependant changé la donne. Ces articles ont modifié les anticipations du marché en faveur d’un assouplissement plus marqué.
Une victoire pour la Powell
La décision de baisser les taux de 0,50 point est perçue comme une victoire personnelle pour le président de la Fed Jerome Powell.
Celui-ci a réussi à convaincre une majorité de ses collègues d’opter pour un assouplissement monétaire plus prononcé, malgré les réticences de certains membres du comité de politique monétaire.
Cette décision conforte la crédibilité de Jerome Powell, qui avait été parfois critiqué pour son manque d’autorité au sein de la Fed. Elle démontre sa capacité à bâtir un consensus au sein de l’institution et à imposer sa vision de la politique monétaire.
Un pari risqué pour la Fed ?
Si la baisse des taux est saluée par les marchés, certains économistes s’inquiètent des risques qu’elle comporte.
La Fed prend le pari que l’inflation est durablement maîtrisée et que l’économie américaine peut supporter un assouplissement monétaire sans surchauffe inflationniste.
Or, les derniers chiffres de l’inflation restent supérieurs à l’objectif de 2% de la Fed. L’indice PCE, mesure préférée de l’inflation par la banque centrale, s’établissait encore à 2,7% sur un an en août. Certains craignent donc qu’une baisse trop rapide des taux ne ravive les pressions inflationnistes.
La Fed justifie sa décision par le ralentissement observé sur le marché du travail. Le taux de chômage est remonté à 4,2% en août, son plus haut niveau depuis près de deux ans. Mais là encore, ce chiffre reste historiquement bas et ne traduit pas de détérioration marquée de l’emploi.
Des projections optimistes ?
Les nouvelles projections économiques publiées par la Fed témoignent de l’optimisme de l’institution. La banque centrale anticipe désormais une croissance de 2,1% cette année et de 1,5% l’an prochain, des chiffres revus en hausse par rapport à juin.
Surtout, la Fed prévoit que l’inflation va continuer à ralentir pour atteindre 2,2% fin 2024 et 2% en 2025. Ces projections lui permettent d’envisager de nouvelles baisses de taux dans les prochains mois.
La médiane des prévisions des membres du comité de politique monétaire indique des taux directeurs à 4,4% fin 2024 et 3,4% fin 2025, contre 5,3% actuellement. Cela implique une baisse cumulée de près de 2 points de pourcentage d’ici fin 2025.
La Fed ressort la planche à billets
Au-delà de la décision ponctuelle de baisser les taux, c’est toute la doctrine de la Fed qui semble évoluer. La banque centrale paraît adopter une approche plus souple et réactive de la politique monétaire.
Alors qu’elle avait longtemps privilégié une hausse graduelle des taux pour lutter contre l’inflation, la Fed opte cette fois pour une baisse rapide et marquée. Ce virage traduit sa volonté d’être plus proactive pour soutenir l’économie, quitte à prendre certains risques.
Cette nouvelle approche soulève des interrogations sur la capacité de la Fed à piloter finement l’économie.
Des divisions au sein de la Fed
La décision de baisser les taux de 0,50 point n’a pas fait l’unanimité au sein du comité de politique monétaire. La gouverneure Michelle Bowman s’est opposée à cette baisse, plaidant pour un assouplissement plus progressif.
C’est la première fois depuis 2005 qu’un gouverneur de la Fed s’oppose formellement à une décision de politique monétaire. Cette dissidence illustre les débats qui agitent l’institution sur le rythme approprié de baisse des taux.
Michelle Bowman, nommée par Donald Trump, s’inquiète des risques inflationnistes liés à un assouplissement trop rapide. Sa position tranche avec celle qu’elle défendait sous l’administration Trump, où elle soutenait une politique monétaire accommodante.
Ce revirement soulève des questions sur l’indépendance de la Fed. Certains observateurs y voient l’influence de considérations politiques, à l’approche de l’élection présidentielle de 2024.
Incertitude…
L’effet de cette baisse des taux sur l’économie réelle reste incertain. Si elle devrait soutenir l’investissement et la consommation, son impact pourrait être limité alors que les taux restent élevés en termes historiques.
Les entreprises et les ménages ont déjà largement intégré la perspective d’une baisse des taux dans leurs décisions. L’effet de surprise étant limité, le stimulus économique pourrait être moins marqué que par le passé.
Certains économistes s’inquiètent aussi d’un possible effet pervers de cette baisse des taux. En envoyant un signal pessimiste sur les perspectives économiques, la Fed pourrait paradoxalement freiner l’activité à court terme.
Des marchés euphoriques
Les marchés financiers ont en revanche salué avec enthousiasme la décision de la Fed. Wall Street a terminé en forte hausse mercredi, le S&P 500 gagnant plus de 1,5%. Les taux obligataires ont nettement reculé, le rendement à 10 ans passant sous 3,9%.
Cette réaction positive traduit le soulagement des investisseurs face à une Fed jugée plus accommodante. Mais elle soulève aussi des craintes de formation de nouvelles bulles spéculatives, alors que les valorisations boursières sont déjà élevées.
La baisse du dollar consécutive à la décision de la Fed pourrait par ailleurs raviver les tensions commerciales avec certains partenaires des États-Unis, comme l’Europe ou le Japon.
Brrrrr !
La Fed a clairement indiqué que cette première baisse des taux en serait suivie d’autres.
Les marchés anticipent désormais trois nouvelles baisses de 0,25 point d’ici fin 2024, ce qui ramènerait les taux directeurs autour de 4,5%.
Ce scénario reste toutefois conditionné à l’évolution de la conjoncture économique. La Fed a souligné qu’elle resterait « data-dependent », c’est-à-dire attentive aux indicateurs économiques pour ajuster sa politique.
Un ralentissement plus marqué que prévu de l’activité pourrait ainsi conduire la banque centrale à accélérer le rythme des baisses de taux. À l’inverse, un rebond de l’inflation l’obligerait sans doute à temporiser.
La Fed : l’institution la plus influente du monde ?
Au final, la décision de la Fed de baisser ses taux de 0,50 point apparaît lourde d’enjeux. Elle marque un tournant dans la politique monétaire américaine et aura des répercussions bien au-delà des frontières des États-Unis.
Son succès dépendra de la capacité de la Fed à trouver le bon dosage entre soutien à l’économie et maîtrise de l’inflation. Un exercice d’équilibriste qui s’annonce délicat dans un contexte économique et géopolitique incertain (Chine, Iran, Israël, Liban, Ukraine…).
La crédibilité de Jerome Powell et de la Fed est en jeu. Leur pari d’un atterrissage en douceur de l’économie américaine sera scruté de près dans les prochains mois. L’avenir dira si ce virage historique de la politique monétaire était justifié. Ou si, une fois de plus, la Fed a failli. Auquel cas son abolition serait d’autant plus justifiée, pour y substituer un heureux standard bitcoin (BTC).
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