Du bitcoin (BTC) à la Lightning Economy

Lightning a connu une croissance extrêmement vigoureuse en 2022, notamment grâce à son adoption au Salvador. Le rapport d’Arcane Research publié en avril montre que les effets de réseaux commencent à gagner Lightning Network. La couche de règlement de Bitcoin est-elle suffisamment mature pour donner naissance à toute une économie ?

Une forte croissance sur les paiements

Lightning Network a connu une forte croissance, entrant dans une nouvelle dimension en 2021. Le rapport mentionne un boom entre la fin de l’été et le début de l’automne, notamment grâce à l’adoption au Salvador en septembre. Si le nombre de paiements a doublé, la valeur de ces derniers s’est accrue de 400 % en dollars US.

Aujourd’hui, ce sont plus de 80 millions de personnes qui auront accès aux paiements Lightning grâce à une application mobile alors qu’ils n’étaient que 100.000 en août dernier. La récente annonce de Cash App expose en effet le réseau de paiement à une masse conséquente d’utilisateurs. Même si ce n’est qu’une minorité de ces utilisateurs qui utiliseront Lightning, il n’en reste pas moins qu’il s’agit d’un tournant pour une adoption de masse de Bitcoin.

En volume, près de 20 % des transactions sont des achats de biens ou de services, tandis que les micro-récompenses représentent plus de 50 % du nombre total de transactions. Elles proviennent essentiellement de services de jeux.

Les VC sont-ils en train d’entrer sur Bitcoin ?

Les investisseurs injectent de plus en plus de financements dans l’écosystème Bitcoin. Si les VC investissent encore majoritairement dans le « Web3 », écosystème idéal pour réaliser des multiples conséquents en un temps record grâce aux tokens et aux ICO, on constate une légère inflexion depuis quelques mois. OpenNode a levé 20 millions de dollars en février auprès de Kingsway, Draper, Fidelity ou encore Twitter, et Lightning Labs a récemment levé 70 millions de $ pour construire le protocole Taro. On peut aussi citer Voltage et sa levée de 6 millions ou les 4 millions de Ibexmercado. Plus tôt en 2021, NYDIG rachetait BottlePay, startup spécialisée dans le paiement en Lightning pour 300 millions de dollars.

Pour que l’écosystème Lightning se développe, les startups ont besoin de financements colossaux. La dynamique est encore bien timide, mais s’accélère incontestablement.

Bank the Unbanked

Le rapport d’Arcane Research estime que le Lightning a davantage de chances de conquérir d’abord les pays en développement, qui ont des monnaies bien plus volatiles que l’Occident. Il s’agirait d’un outil extrêmement efficace pour favoriser l’inclusion financière des 2 milliards de personnes non bancarisées. Un formidable outil d’émancipation et un vecteur de croissance considérable.

Lightning va-t-il remplacer Visa ?

L’utilisation du réseau Lightning connaît une croissance rapide. Cependant, la comparaison des chiffres avec d’autres réseaux de paiement tels que Visa montre qu’il reste encore beaucoup de terrain à conquérir. En 2021, Visa a traité plus de 1000 milliards de dollars en volume de paiement là où Lightning traitait environ 20 millions de dollars.

Il n’en reste pas moins que le potentiel d’adoption est immense. S’il devient un rail de paiement extrêmement rapide au prix abordable, alors des millions d’utilisateurs utiliseront ce réseau sans le savoir. C’est la position de Jack Mallers avec Strike, qui voit d’abord Bitcoin comme un protocole sécurisé et rapide pour transférer des actifs.

N’oublions pas que Visa continue de prendre des frais de 3 à 5 %, qui disparaîtraient avec une solution comme Strike. Le système bancaire est un dinosaure qui était protégé de la concurrence grâce aux réglementations des États. L’invention de Satoshi permettrait d’économiser près de 40 milliards de $ à l’échelle mondiale, uniquement en réduisant les frais de transfert qui étaient de 6,4 % en moyenne sur l’année 2021.

De la difficulté à mesurer la capacité du réseau

L’une des statistiques les plus courantes pour tenter de mesurer la croissance du réseau est celle de la capacité publique, c’est-à-dire de la somme des capacités en BTC de chaque canal public ouvert. Cette capacité publique a considérablement augmenté au cours des derniers mois, notamment entre avril et septembre 2021, mais elle sous-estime tout de même la réelle croissance du LN. En effet, il est uniquement possible de savoir combien de BTC sont dans un canal, mais il est impossible de connaître les détails comme le solde dans chacun d’entre eux. Au-delà de cette limite bien connue, il est impossible d’avoir des informations sur les canaux privés. On estime pourtant qu’en janvier 2020, il y avait près de 27,8 % de canaux privés.

Il est finalement très probable que la croissance du réseau soit nettement supérieure aux données publiques.

Un écosystème foisonnant

Panorama des implémentations de Lightning

Pour faire héberger un nœud sur Lightning, il est nécessaire d’utiliser une implémentation des spécifications BOLT. Tant qu’un nœud est conforme à ces spécifications, n’importe quel code peut être utilisé. Étant donné que l’écriture d’un tel programme est complexe, certaines solutions spécialisées ont émergé. On compte à ce jour trois implémentations principales : Eclair d’Acinq, c-lightning de Blockstream et LND de Lightning Labs. Chaque société a une vision spécifique de Lightning qui est retranscrite sur le programme.

Des services de liquidité

Il peut être fastidieux de gérer son propre nœud avec les contraintes de liquidité qui en découlent. C’est pourquoi certains services proposent de louer des nœuds Lightning et même de louer des liquidités. Obtenir de la liquidité entrante afin de recevoir des paiements sur Lightning est une entreprise difficile. Les fournisseurs de liquidité comme Loop de Lightning Labs apportent une réponse à cette problématique. Il s’agit d’une solution très séduisante pour les commerçants qui souhaitent recevoir des montants importants sur LN, tout en conservant leur souveraineté en gérant leur propre nœud.

Des wallets en fonction du besoin

Plusieurs solutions de wallets sont disponibles en fonction des besoins des utilisateurs pour interagir avec le réseau. Du service de garde custodial où l’utilisateur ne possède pas ses clefs aux wallets non custodiaux (muun, phoenix…) où l’utilisateur est intégralement souverain en gérant ses clefs privées sans avoir recours à un tiers. Il est bon de noter que des néobanques se développent également sur le réseau, comme Strike, Cash App ou Chivo. En plus d’être des solutions de garde sur Lightning, elles offrent la possibilité de détenir et d’échanger des monnaies fiat. Ces néobanques seront des ponts extrêmement utiles entre le monde fiat et l’environnement crypto.

La Lightning Finance

De plus en plus de services financiers sont construits nativement sur la couche de paiements de Bitcoin (LN Markets, Kollinder…) et constituent ce que d’aucuns nomment la LiFi (Lightning Finance). Expérimentaux, ils n’en restent pas moins précurseurs, car nous ne sommes qu’au début de l’adoption de Bitcoin.

Plusieurs exchanges ont également compris que Lightning était un réseau extrêmement prometteur et commencent à l’intégrer sur leur plateforme. C’est ainsi que Bitfinex, Okcoin, Kraken et OKEx ont intégré LN, notamment pour ses frais de transactions dérisoires.

L’économie du tips

La grande vélocité du réseau Lightning associée à des frais de transactions dérisoires en fait une couche idéale pour effectuer des micropaiements sans frictions. Il s’agit d’une autre fonctionnalité de Bitcoin, qui pourrait être particulièrement utile dans la passion economy. Si à l’origine, les réseaux sociaux incitaient les créateurs à adopter des stratégies de volume pour générer des revenus grâce à la publicité, nous observons depuis quelques années un désir de se recentrer sur ses fans pour produire du contenu exclusif, plus rémunérateur car payant. On peut donc s’attendre à ce que les réseaux sociaux marchent de plus en plus vers cet horizon de monétisation du web en s’appuyant sur Bitcoin, comme ont déjà commencé à le faire Twitter et Substack.

Du Play-to-Earn aux podcasts

Les podcasts sont un autre cas d’utilisation de Lightning qui tend à se développer. Il est possible pour un créateur de contenus d’héberger un podcast sur une plateforme comme Fountain ou Breez et de recevoir des satoshis. En un mois seulement, de décembre à janvier 2022, le nombre d’utilisateurs ayant donné un pourboire et les transactions envoyées aux créateurs de podcasts a augmenté de plus de 50 %. Il s’agit d’un modèle économique qui se base sur la notion de « value for value » face à l’enfer des abonnements. Dans ce modèle, les créateurs laissent aux utilisateurs le soin de décider de la valeur que le contenu leur apporte et leur font confiance.

Des cartes cadeaux pour utiliser du BTC sur Amazon

Des services de cartes cadeaux se développent sur Lightning. Les utilisateurs peuvent dépenser leur satoshis sur Bitrefill pour acquérir des bons d’achats sur Expedia, Amazon ou encore Twitch. Il s’agit d’un moyen indirect pour dépenser ses satoshis sur des plateformes qui n’acceptent pas (encore) les paiements en BTC.

Communiquer sur Lightning

Sphinx et Zion, sont des plateformes qui envoient des données via le réseau Lightning et bénéficient de fait de ses propriétés de confidentialité. En effet, des messages chiffrés peuvent être transmis et interprétables uniquement par le destinataire, de sorte qu’aucune donnée ne soit stockée auprès d’un tiers. Le Web3, mais sans tokens !

Le service Zion permet par exemple aux utilisateurs de partager du contenu sans confier leurs données à un intermédiaire central. Il s’agit d’une tentative construite nativement sur Lightning afin de refonder un internet réellement décentralisé, résistant à la censure en s’appuyant sur les technologies du P2P. Impervious.ai a la même ambition.

Lightning devient incontournable. Michael Saylor pense même que « ne pas supporter le Lightning Network reviendra bientôt à se couper d’Internet ».  Il s’agit de la couche qui permet de tester des innovations financières là où Bitcoin est immuable. Une nouvelle économie est en train d’être bâtie grâce à ce système de paiement sans friction. Nous n’avons jamais été aussi proches de ce « Peer-to-Peer Electronic Cash System » dont parlait Satoshi.