Dollarisation ou internationalisation du yuan ?

Le yuan a le vent en poupe. Après la Russie et le Brésil, c’est au tour de l’Argentine et de l’Inde d’adopter la monnaie chinoise.

L’Argentine paie ses dettes au FMI en yuan

L’Argentine rejoint la ligue de pays qui augmentent la part du yuan dans leurs économies tout en réduisant leur dépendance vis-à-vis du dollar.

Alors que l’on prédisait une dollarisation, c’est finalement la monnaie chinoise qui s’installe dans ce pays en proie à l’hyperinflation.

La Banque centrale d’Argentine vient en effet d’annoncer qu’elle autorisait les banques à tenir des comptes en yuan. Il s’agit d’une mesure « complémentaire à la décision du gouvernement d’autoriser la négociation de titres libellés en yuans » sur les marchés financiers argentins.

Dans le même temps, le gouvernement vient également de rembourser au FMI une dette équivalente à un milliard de dollars en yuan d’une échéance, une première. Il reste 45 milliards de dollars à rembourser…

Les yuans de l’Argentine proviennent d’un swap de devises réalisé entre les banques centrales chinoise et argentine au début du mois de juin. L’équivalent de 18 milliards de dollars (130 milliards de yuans) ont été échangés contre 4 500 milliards de pesos, pour une période de trois ans.

Selon les données de l’Electronic Open Market, la part du yuan sur le marché des changes a déjà atteint le chiffre record de 28 % du total des transactions en une journée.

L’Argentine cherche à remédier à une grave pénurie de réserves en dollars provoquée par la chute de ses exportations. En cause, la pire sécheresse depuis des décennies. Les pertes dues au manque de pluie s’élèveraient à 20 milliards de dollars.

Cette tendance à la yuanisation n’est pas isolée à l’Argentine. En Russie, plus de 70 % des échanges commerciaux entre la Russie et la Chine se font en rouble russe ou en yuan.

Même l’Inde s’y met.

L’Inde paie la Russie en yuan

Ce n’est pas un secret, l’Inde profite de l’embargo occidental sur le pétrole russe pour l’acheter à vil prix. Le sous-continent hindou est devenu le premier importateur de pétrole russe.

In April, the average cost of Russian crude delivered to Indian shores was $68.21 a barrel — while Saudi oil stood at $86.96.

India was fortunate enough to lock such discounts on a massive scale. Kudos to the leadership and officials!!#Russia #India #crudeoil pic.twitter.com/kd91Rad8Pb

— RS (@WithRitesh) July 4, 2023

L’Inde a pu payer le pétrole russe en roupies pendant un certain temps. Malheureusement, New Delhi ne produit pas assez de choses susceptibles d’intéresser la Russie. Si bien que Moscou a finalement insisté pour être payé en yuan afin de pouvoir acheter l’électronique chinois (principalement des PC et des smartphones).

Indian Oil Corp, le plus gros acheteur de pétrole brut russe du pays, est devenu en juin le premier raffineur d’État à payer certains achats russes en yuans.

Au moins deux des trois raffineurs privés indiens paient également certaines importations russes en yuans sans l’avouer pour ne pas s’attirer le courroux de l’occident. Aucun des raffineurs privés indiens n’a répondu aux demandes de commentaires de Reuters.

« La première préférence est de payer en dollars, mais les raffineurs paient parfois dans d’autres devises, comme le dirham ou le yuan, lorsque les vendeurs le leur demandent », déclare une source gouvernementale.

Cette source a refusé d’identifier les entreprises indiennes qui paient le pétrole russe en yuans. La raison étant que les banques indiennes qui réalisent ces paiements craignent les sanctions de Washington. Ne plus avoir accès au Dollar peut en effet s’avérer fatal pour une banque internationale…

Quid de la monnaie des BRICS ?

La dédollarisation est dans l’air du temps. Le mois dernier, à New Delhi, Alexander Babakov, vice-président de la Douma, déclarait que la Russie était le fer de lance du développement d’une nouvelle monnaie de réserve.

Quelques semaines plus tard, à Pékin, le président brésilien Luiz Inàcio Lula da Silva renchérissait :

« Je me demande tous les soirs pourquoi tous les pays doivent réaliser leurs échanges en dollar ».

Celle nouvelle monnaie servira au règlement du commerce transfrontalier entre les BRICS. Mais aussi à la dizaine de pays qui devraient rejoindre le club à l’occasion du prochain sommet des BRICS en août.

Le site Watcherguru rapporte même que 41 pays seraient prêts à accepter la nouvelle monnaie des BRICS (contre 19 en avril). « Au total, 22 nouveaux pays (beaucoup africains) auraient exprimé leur envie de rejoindre le bloc et d’abandonner le dollar américain », peut-on lire.

Aucune monnaie de réserve ne devrait toutefois être dévoilée cet été. Le ministre indien des Finances, M. Jaishankar a récemment déclaré qu’une « monnaie pour les BRICS n’a pas encore été décidée ».

Les BRICS « restent concentrés sur l’expansion de l’utilisation de leurs propres monnaies dans les échanges commerciaux », a-t-il ajouté. Il faudra probablement attendre l’arrivée de nouveaux membres (Arabie Saoudite, Iran, Émirats arabes unis, Argentine, Égypte, Algérie) pour avancer sur la question d’une nouvelle monnaie.

En effet, il semblerait que le plan soit d’abord de créer de puissantes monnaies régionales. L’Arabie Saoudite et les Émirats arabes unis pourraient prendre l’initiative dans le monde arabe. Le Brésil et l’Argentine ont aussi cette ambition.

Si le yuan semble boucher les trous pour l’instant, il n’est pas certain que l’Empire du Milieu ait l’ambition de remplacer le dollar en tant que réserve de valeur. À moins d’accepter de lever ses contrôles de capitaux et de laisser ses milliardaires mettre les voiles.

Pour terminer, et encore une fois, adopter le Bitcoin comme monnaie de réserve internationale paraît être une évidence.

Une monnaie en même temps qu’un système de paiement non censurable et n’offrant de privilège à personne. Qui plus est en quantité absolument fixe. Voilà ce qui devrait être le pilier des échanges internationaux.