Comment débrider ses Antminers
Faut-il débrider son antminer ? Ou au contraire le ralentir. Vaut-il mieux gagner en efficience ou miner le plus de bitcoins possible ? Quand et comment adopter l’une ou l’autre stratégie ?
ASIC sous le capot
Un ASIC (acronyme de l’anglais application-specific integrated circuit) est une puce électronique dont la conception sur mesure est dédiée à une tâche précise.
Dans l’industrie du mining de bitcoins, les ASIC sont spécialement conçus pour travailler avec le fameux algorithme SHA-256. Peu de compagnies conçoivent de telles puces.
Le leader est Bitmain. D’autres existent comme MicroBT (lancé par Yang Zuoxing après avoir claqué la porte de Bitmain), Canaan, Ebang et Innosilicon. Toutes sont chinoises et passent essentiellement par le taïwanais TSMC pour fabriquer physiquement leurs ASIC. MicroBT et Ebang sont chez Samsung.
Pour le moment, seul Bitmain sait concevoir des ASIC gravées en « 5 nm ». Elles se trouvent dans ses antminers S19 XP. Les autres sont à la traîne avec des puces en 7 ou 10 nm.
Pour la petite histoire, ces valeurs nanométriques ne représentent plus de véritables dimensions comme la longueur des pas d’électrodes des transistors gravés sur les puces. Il s’agit désormais d’une échelle marketing n’ayant aucune signification physique.
Les puces en « 3 nm » font en réalité référence à la technologie GAAFET (Gate All Around Field Effect Transistor). La technologie en 5 nm est liée au processus MOSFET (Metal Oxide Semiconductor Field Effect Transistor).
Autre chose à savoir, les géants du semi-conducteur n’utilisent pas la même échelle. Chez TSMC et Samsung, les puces en 10 nm ont une densité d’environ 50 millions de transistors par mm² contre deux fois plus pour Intel.
Quel intérêt d’utiliser des ASICs en 5 nm, 7 nm ou 10 nm ?
Les meilleurs ASIC pour le mining de bitcoins produites en masse sont en « 5 nm », soit 171 Mtr/mm². L’avantage d’une puce ayant une plus grande densité de transistors par mm² est triple.
Traitement plus rapide :
Dans les puces à faible nm, les transistors sont davantage serrés les uns contre les autres. La distance entre chaque transistor est plus faible. Les électrons ont moins de distance à parcourir. Le signal électrique passe plus vite, ce qui accélère le traitement.
Moins d’électricité consommée :
Plus un transistor est petit et moins il a besoin d’électrons pour changer d’état (ouvert ou fermé / 0 ou 1). La tension nécessaire pour alimenter les transistors peut donc être plus faible (sans baisser la fréquence), ce qui réduit la consommation d’énergie.
Moins de chaleur :
Le mouvement des électrons entraîne une dissipation d’énergie sous forme de chaleur. C’est le fameux effet joule. Plus les puces sont denses et plus les distances parcourues par les électrons sont petites, ce qui réduit la quantité de chaleur générée. Le besoin d’énergie pour refroidir les puces (ventilateurs) en est d’autant plus réduit.
Voici quelques comparaisons :
Les puces en 16 nm de TSMC ont une densité de 28 millions de transistors par mm². Elles sont 50 % plus rapide et 60 % moins énergivores que celles en 20 nm.
Les puces en 7 nm sont 1,6 fois plus denses que celles en 10 nm. Elles sont 20 % plus rapides et 40 % moins énergivores.
Les puces en 5 nm sont 1,5 fois plus denses que celles en 7 nm, 20 % plus rapides et 40 % moins énergivores.
Ce sont les ordres de grandeur qu’il faut avoir en tête si vous voulez anticiper les performances d’Antminers équipés de puces de nouvelle génération.
Par exemple, le S9 (16 nm) affiche une efficience de 98 J/TH et le S15 (7 nm) de 57 J/TH. Ce qui signifie que le S15 est 1.7 fois plus efficient que le S9. C’est bien le bon ordre de grandeur.
Par conséquent, si les ASIC en 3 nm promettent une augmentation de 70 % de l’efficience comme annoncé par Samsung, les antminers qui en seront équipés pourraient éventuellement afficher une efficience aux alentours de 13 J/TH.
« Éventuellement » car, l’augmentation de l’efficience entre les puces de 7 nm et 5 nm ne s’est en réalité pas entièrement transmise aux antminers.
[Braiins a effectué des mesures qui montrent que la consommation électrique des antminers de dernière génération (S19) augmente de plus en plus rapidement lorsque la température augmente.]
Mieux refroidir ses puces pour débrider
Avant d’expliquer comment il est possible de débrider un antminer pour qu’il génère plus de hash, il faut parler de l’immersion cooling. Il y a trois grandes raisons de refroidir ses mineurs par immersion.
Longévité accrue :
Refroidir les mineurs dans un bain de liquide de refroidissement diélectrique permet d’éliminer les principaux facteurs pouvant causer des défaillances : vibrations des ventilateurs et variations de chaleur.
Les cycles de jour et de nuit font que la température ambiante de l’air qui circule dans les antminers connaît des fluctuations importantes. Ces chocs thermiques provoquent des dilatations répétées des composants métalliques. À long terme, et en raison des vibrations provenant des ventilateurs, de minuscules fissures peuvent déconnecter des ASIC ou leurs dissipateurs thermiques.
Les problèmes au niveau des ASIC sont rares, mais le refroidissement par immersion empêchera ces phénomènes indésirables.
Moins de maintenance :
La deuxième raison d’opter pour le refroidissement par immersion est la maintenance. Il n’ y a plus besoin d’ouvrir les machines pour souffler la poussière, changer les filtres ou remplacer les ventilateurs grillés.
Overclocking :
Nous entrons dans le vif du sujet. Le fait de pouvoir maintenir les antminers à basse température permet de les débrider. On parle d’overclocking en anglais et de surcadençage ou surfréquençage en français.
Il s’agit d’augmenter la fréquence des ASIC pour exécuter davantage d’instructions par seconde (et donc générer plus de hash par seconde). Cela nécessite d’augmenter la tension pour maintenir la stabilité, ce qui provoque une augmentation de la consommation d’électricité.
En effet, souvenir des cours de physique du lycée : Puissance (watts) = Tension (volts) x Intensité (ampères).
Par ailleurs, la production de chaleur est proportionnelle au cube de la fréquence d’une puce, d’où la nécessaire technique de refroidissement par immersion pour garder la température sous contrôle.
[Pour plus de détails sur le refroidissement par immersion, rendez-vous sur notre article : Le futur du Mining]
Modifier la fréquence se fait grâce à un logiciel téléchargé dans une clé microSD à brancher sur l’unité de contrôle (control board) de l’antminer. Les logiciels les plus connus sont le tchèque Braiins os, ASIC.TO et tout récemment l’américain Luxos.
Avec le refroidissement classique par ventilateur, il est possible d’augmenter la fréquence de 5 à 10 % sans se faire peur. Au-dessus, il y a un risque que les ventilateurs ne suivent pas et que des composants grillent (barrettes de mémoire, régulateurs de tension, ASIC, etc).
En sortie d’emballage, les antminers ont des paramètres précis permettant d’éviter les mauvaises surprises. La fréquence est réglée pour éviter la surchauffe et que la consommation d’électricité ne soit pas supérieure à celle annoncée.
Nicholas Johnson a réalisé des tests pour savoir jusqu’où il est possible de pousser ses antminers. La machine test est un antminer S19J Pro.
En sachant que les paramètres d’usine avec refroidissement par ventilateur sont :
104 TH/s / Puissance 3 068 watts / Fréquence 550 MHz / Tension 13,4 volts
Ce qui nous donne une efficience de 3 068 W / 104 TH = 29,5 J/TH
[1 joule = 1 watt, les deux unités sont utilisées]
Série de tests d’overclocking
Premier test avec refroidissement par immersion :
117 TH/s / Puissance 3 504 watts / Fréquence 625 MHz / Tension 14,1 volts
Cet overclocking (fréquence plus élevée) résulte en une hausse de 12,5 % de la quantité de hash produite pour une augmentation de 16 % de la consommation d’électricité.
Soit une efficience de 3 504 W / 117 TH = 30 J/TH
[Un nombre important de joules par TH signifie que l’efficience est mauvaise]
Second test :
122 TH/s / Puissance 4 080 watts / Fréquence 645 MHz / Tension dans les ASIC 14,6 volts
Hausse de 17 % de la quantité de hash produite pour une augmentation de 33 % de la consommation d’électricité.
Soit une efficience de 33,4 J/TH
Troisième test :
130 TH/s / Puissance 4 888 watts / Fréquence 750 MHz / Tension 14,9 volts
Hausse de 25 % de la quantité de hash produite pour une augmentation de 65 % de la consommation d’électricité.
Soit une efficience de 37,6 J/TH
Dans sa vidéo, Nicholas Johnson prévient que le système se crache au-dessus d’une tension de 15 volts. Il faut une autre alimentation électrique pour essayer de hacher plus vite.
À noter que N. Johnson a également fait un test avec une fréquence inférieure à celle d’usine. Il obtient 100 TH/s pour une consommation de 2640 watts. Soit une efficience de 26,4 J/TH.
L’efficience est meilleure. Dans cette configuration, on génère moins de hash, mais ces hash coûtent moins d’électricité à produire. Cela peut avoir du sens si le prix du BTC est très bas, que votre électricité est chère et que vous vendez régulièrement vos BTC. Si vous êtes un hodler, autant acheter directement des BTC…
Si votre électricité est vraiment peu chère, il fait plutôt sens d’injecter plus de puissance dans votre antminer pour augmenter la fréquence (overclocking) et engranger plus de BTC.
Notez toutefois que la durée de vie des ASIC en sera réduite. L’overclock est donc tout particulièrement indiqué si vos miners sont surclassés par de nouveaux modèles et que le halving n’est plus très loin.
Underclocking et autotune
Nous l’avons dit, les logiciels Braiins io et ASIC.TO permettent d’une part d’augmenter la fréquence pour hacher plus vite. Et d’autre part de baisser la fréquence pour gagner en efficience si votre électricité est chère (et le BTC bas).
Une autre fonctionnalité offerte par ces logiciels est de contrôler la fréquence ASIC par ASIC !
Pourquoi faire ? Parce que certaines puces sont de plus ou moins bonne qualité en sortie d’usine.
Pour simplifier, lorsqu’une entreprise grave des puces sur de grandes plaquettes de silicium, des incohérences microscopiques sont présentes dans les matériaux. C’est inévitable lorsque l’on se rapproche du milliardième de mètre (nanomètre). La conséquence est que certaines puces pourront gérer une fréquence plus ou moins élevée.
Et comme un antiminer S19j pro est composé de 378 ASIC, repérer celles qui sont « défectueuses » permet de faire des ajustements non négligeables en donnant un peu plus de jus aux unes qu’aux autres.
Le logiciel d’usine dédie une fréquence égale pour tous les ASIC. Avec Braiin io, il est possible de partir en reconnaissance pour tester chacune d’entre elle. Le processus dure entre 4 et 8 heures à la suite duquel le logiciel saura à quelles puces fournir plus ou mois de patate.
L’objectif est de gagner en efficience. Il est en effet inutile d’offrir une tension plus élevée pour atteindre une fréquence de 650 MHz à un ASIC qui ne peut qu’en gérer 600 MHz. Ce courant est gaspillé et fait en plus chauffer la machine. Double peine.
Concluons en disant qu’il ne suffit pas de brancher son antminer au mur et un pool de mining. Les halvings, le prix de l’électricité, le prix du BTC et le hashrate sont à prendre en compte pour calibrer au mieux vos miners.
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