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Chaos législatif et budget 2025, la BCE en alerte

mer 03 Juil 2024 ▪ 9 min de lecture ▪ par Thomas A.
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Les élections législatives ont accru le risque d’instabilité politique et financière en France. La bourse de Paris a cédé près de 5 % depuis le 9 juin pour se couvrir du risque d’assister à une instabilité des politiques économiques. Alors que le déficit public est déjà considérable (près de 5,1 % du PIB en 2024), le budget 2025 semble impossible à conclure… La France pourra-t-elle tenir économiquement dans les prochains mois ?

« Les règles budgétaires doivent être respectées dans l’UE »

Lors du forum de la BCE à Sintra ce mardi 2 juillet, la Présidente de la BCE, Christine Lagarde, a affirmé que « les règles budgétaires doivent être respectées dans l’UE ». Ce message aux Etats intervient alors que la France dégrade ses anticipations de déficit. Par ailleurs, la BCE a impulsé une réduction des taux directeurs, ce qui devrait théoriquement profiter aux Etats en réduisant la charge d’intérêt. Mais l’absence de ligne budgétaire claire, et le manque de maîtrise des finances publiques, ajoutent du risque sur les marchés. Alors comment respecter des règles budgétaires au milieu du flou politique qui se profile ?

Le budget 2025 va rajouter de la volatilité sur les marchés !

Pour 2025, la préparation et l’adoption du budget s’annoncent particulièrement délicates en raison de l’instabilité politique. D’après l’agence de notation Fitch, le contexte politique « accroît l’incertitude quant à la trajectoire d’assainissement budgétaire du pays et aux perspectives de nouvelles réformes économiques ». L’agence ajoute « si aucun parti n’obtient la majorité absolue, on ne sait pas exactement à quoi ressemblerait un gouvernement de coalition potentiel ni dans quelle mesure il serait stable ». A cela, s’ajoute la procédure pour déficit excessif lancée par la Commission Européenne et qui devrait contraindre le budget 2025.

« Par ailleurs, nous nous attendons à ce que la France soit placée cette année sous la procédure de déficit excessif. Quoi qu’il en soit, la prochaine administration aura la responsabilité de formuler des mesures correctives, ainsi qu’un plan d’ajustement à moyen terme en réponse à l’évaluation de la viabilité de la dette de la Commission européenne dans le cadre des règles budgétaires réactivées de l’UE ».

France’s Snap Election Heightens Fiscal and Reform Uncertainty (fitchratings.com)

La BCE pour limiter les risques ?

En 2009, la crise de la dette Grecque est sur le point d’éclater. La crise a été déclenchée par des déficits budgétaires élevés et une dette publique insoutenable. A cela s’ajoutait des pratiques fiscales douteuses. En conséquence, les taux d’intérêt sur les obligations grecques ont grimpé en flèche, rendant impossible pour la Grèce de refinancer sa dette. Le risque était exponentiel.

Pour éviter un défaut de paiement, la Grèce a reçu plusieurs plans de sauvetage de la part de la Troïka (Commission européenne, Banque centrale européenne – BCE, et Fonds monétaire international – FMI). Ces interventions ont totalisé plus de 260 milliards d’euros. En échange, la Grèce a dû mettre en œuvre des mesures d’austérité sévères, comprenant des coupes budgétaires, des hausses d’impôts et des réformes structurelles.

Dans le cas de la France, un tel scénario mettrait lourdement en danger l’euro. Jusqu’ici, l’euro est relativement stable et montre une confiance relative malgré le clair retrait des investisseurs spéculatifs. Le vice-président de la BCE, Luis de Guindos, a jugé que la hausse des taux ces dernières semaines n’était pas suffisante pour susciter l’intervention de la Banque centrale. Par conséquent, cette affirmation montre aussi le fait que la BCE peut être attentive et active en cas de dérapage. Rappelons que la BCE détient près de 20 % à 30 % de toutes les obligations souveraines de la zone euro. Enfin, dans un papier récent, Reuters précise que la BCE n’a pas l’intention de discuter des achats d’urgence d’obligations françaises.

« Les décideurs de la Banque centrale européenne n’ont pas l’intention de discuter des achats d’urgence d’obligations françaises et pensent toujours qu’il appartient aux responsables politiques français de rassurer les investisseurs effrayés par la perspective d’un gouvernement d’extrême droite, ont déclaré cinq sources à Reuters ».

ECB in no rush to discuss French bond rescue, sources say | Reuters

Comment fonctionne le budget 2025 ?

Pour rappel, le projet de loi de finances (PLF) est préparé par le gouvernement, principalement par le ministère de l’Économie et des Finances. Le processus commence dès le printemps de l’année précédente. Dans cette étape, des discussions internes au sein des ministères pour déterminer les grandes orientations budgétaires.

À partir de septembre, le PLF est soumis à l’examen de l’Assemblée nationale et du Sénat. Ce passage au Parlement est marqué par des débats intenses et des amendements… et c’est ici que les choses pourraient bloquer ! Les députés et les sénateurs discutent des différentes lignes budgétaires, proposent des modifications et votent sur chaque article du projet. Les travaux en commission des finances et les séances plénières permettent de peaufiner le texte.

La difficulté du budget 2025 réside dans les besoins de financement. En effet, la France s’est engagée à réduire le déficit à 3 % du PIB d’ici 2027. En considérant un déficit à 4 % du PIB, la France devrait trouver plus de 25 milliards d’euros d’économies pour la seule année à venir. De surcroît, il s’agit d’une fortune dans le contexte actuel… Une première solution serait d’augmenter le prélèvement moyen de près de 375€ par français. En outre, cela pourrait se faire directement (par la TVA ou l’impôt sur le revenu), ou indirectement (par les entreprises par exemple). Mais la situation devient encore plus critique si les décisions politiques ont aussi pour effet d’augmenter les dépenses…

La France peut-elle survivre à « une attaque de la dette » ?

Par ailleurs, la dette française progresse plus vite que le PIB sous les mandats Macron. De ce fait, la dette n’est donc pas soutenable au sens strict. A cela, s’ajoute la charge de la dette qui va représenter le premier budget de l’Etat, devant l’éducation. C’est-à-dire que la première cause de déficit est la charge d’intérêt payée pour… combler le déficit. Néanmoins, d’autres Etats comme l’Italie montrent aussi un endettement plus lourd encore. Il apparaît clairement que les gouvernements ont désormais une dépendance partielle ou totale aux intérêts des marchés.

« La situation budgétaire française est catastrophique », interview du jeudi 11 juin 2024.

« La dette publique française est détenue à 53,2 % par des étrangers. Avec une dette de près de 3000 milliards d’euros, la France est un des pays parmi les plus laxistes en termes de dépenses ces dernières années. En 2023, la charge de la dette, c’est-à-dire le seul coût des intérêts, était proche de 51 milliards d’euros, ou plus de 760€ par français. Cette charge pourrait grimper à 70 milliards d’euros d’ici 2027.

Par ailleurs, la durée de vie moyenne de la dette française est proche de 8 ans. Dans ce cadre, une hausse durable du taux d’intérêt sur la dette française provoquerait une augmentation du coût de la dette. Un taux proche de 4 %, comme l’Italie, induirait des émissions de dettes plus chères. Dans cet exemple, le coût de la dette pourrait attendre près de 100 milliards d’euros à long terme. Ce qui n’est pas tenable à ce jour. »

Panique sur les marchés après la dissolution de l’Assemblée nationale – Cointribune

Conclusion

En définitive, les élections législatives vont déterminer le cadre politique pour voter le budget 2025. Ce dernier sera discuté à partir de la rentrée, et il pourrait bien bousculer les engagements de la France… La BCE rapelle aussi la nécessité pour les Etats de maîtriser leur budget. Néanmoins, la BCE exclut encore toute intervention d’urgence en cas d’aggravation de la situation. Une déstabilisation de l’euro provoquerait cependant une nécessité d’intervention pour la BCE. Le CAC 40 demeure encore inférieur à ses niveaux avant la dissolution, preuve de la défiante des investisseurs envers ce brouillard politique et économique.

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Thomas A.

Auteur de plusieurs livres, rédacteur économique et financier sur plusieurs sites, je noue depuis de nombreuses années une véritable passion pour l'analyse et l'étude des marchés et de l'économie.

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