BRICS : l’Arabie Saoudite joue-t-elle un double jeu ?

Dans un monde en mutation où les alliances redéfinissent les équilibres globaux, l’attitude de l’Arabie Saoudite vis-à-vis des BRICS intrigue. Invité à rejoindre ce groupe stratégique qui réunit des puissances émergentes, le royaume opte pour une stratégie d’attente. Ce choix n’est pas anodin. Il reflète des enjeux profonds qui associent géopolitique, économie et rivalités régionales, à l’heure où les BRICS cherchent à s’étendre et à accroître leur influence.

Une réponse suspendue, des BRICS sous pression

Au sommet de Kazan, en octobre dernier, un fait important a attiré l’attention : Mohammed ben Salmane, prince héritier d’Arabie Saoudite, était absent. Une absence qui illustre la posture ambiguë du royaume depuis plus d’un an, malgré une invitation officielle des BRICS à rejoindre leur groupe en 2023. Seul le ministre des Affaires étrangères saoudien, Faisal ben Farhan, a fait une apparition discrète en fin de sommet. Il a d’ailleurs déclaré que « L’Arabie Saoudite s’engage à renforcer son partenariat avec les BRICS, sans pour autant confirmer une adhésion ». Cette déclaration résume la prudence saoudienne face à un engagement perçu comme stratégique, mais aussi risqué.

Une telle hésitation a semé la confusion au sein du groupe, ce qui a affecté son image de bloc uni. La position saoudienne a même créé des contradictions dans les communications officielles. En janvier 2024, des annonces de membres des BRICS incluaient le royaume, avant que Riyad ne retire toute mention de son adhésion dans ses médias d’État. Les observateurs pointent du doigt les implications d’une telle indécision sur la crédibilité des BRICS, qui peinent à établir des règles claires pour leurs élargissements futurs.

Une stratégie calculée, des enjeux géopolitiques capitaux

Cette approche saoudienne n’est pas simplement un acte de prudence, mais une stratégie élaborée. Alors que les BRICS attirent de nombreux pays qui souhaitent diversifier leurs alliances, l’Arabie Saoudite évalue les coûts d’un tel alignement. L’inclusion de l’Iran, rival historique de Riyad, dans le groupe constitue un obstacle majeur. De plus, les déclarations des BRICS qui visent à réduire la domination du dollar américain mettent en danger les relations économiques et sécuritaires saoudo-américaines.

En parallèle, la Chine, premier partenaire commercial du royaume, exerce une influence croissante. Vision 2030, le plan économique saoudien s’appuie largement sur ce partenariat pour diversifier l’économie nationale. Toutefois, renforcer les liens avec Pékin ou Moscou risque de fragiliser l’accord stratégique en cours de négociation avec Washington, essentiel pour la défense saoudienne. Ainsi, cette équation complexe pousse Riyad à maintenir une posture ambiguë, qui observe d’abord les évolutions mondiales avant de s’engager pleinement.

Cette hésitation saoudienne éclaire davantage sur les défis des BRICS dans un monde multipolaire. Tandis que Riyad joue la carte du « multi-alignement », son approche pourrait inspirer d’autres pays en quête de flexibilité stratégique. Néanmoins, cette stratégie comporte des risques, notamment une perte de crédibilité pour les BRICS et un affaiblissement potentiel de l’influence saoudienne si ses partenaires clés se lassent de ces jeux d’équilibre. L’avenir du bloc et de ses membres dépendra de leur capacité à surmonter ces tensions et offrir des solutions concrètes aux défis mondiaux.