BRICS : Avancée majeure vers l’autonomisation financière du groupe ?

Les pays du BRICS ne cachent plus leurs ambitions de jouer un rôle de premier dans la géopolitique mondiale. Ils avaient annoncé leur programme de lancer une monnaie qui leur sera commune. L’idée a du plomb dans l’aile depuis quelque temps. Mais n’empêche, la nouvelle banque de développement (NDB), fondée par l’organisation, peut quelque peu soutenir ses plans. L’institution bancaire communautaire vient justement de faire un pas significatif dans ce sens.

L’opération inédite de la NDB sur le marché obligataire sud-africain

La nouvelle banque de développement (NDB) a réalisé, mardi 15 août, un emprunt obligataire sur le marché obligataire sud-africain. L’opération est historique et intervient dans un contexte de dédollarisation. En effet, c’est la première que l’institution bancaire communautaire fondée en 2015 effectue une telle transaction.

L’opération est d’autant exceptionnelle que depuis son opérationnalisation, la NDB est l’institution la mieux notée à émettre sur ce marché. Une émission favorablement accueillie par les investisseurs.

Ceux-ci ont soumis plus de 2,5 milliards $ de propositions d’achat pour des périodes s’étalant sur 3 et 5 ans. Autrement dit, plusieurs institutions ont manifesté leur volonté d’investir de l’argent pour acheter ces titres.

Cet engouement est révélateur de l’attractivité de ces obligations pour les investisseurs. Il faut savoir que 94 % des offres d’achat faites par les investisseurs pour ces titres étaient au prix recommandé. Certaines étaient même en dessous.

« Le livre d’ordres a été bien soutenu, avec plus de 2,5 milliards d’euros d’offres pour les tranches à 3 et 5 ans […] Le livre d’ordres était bien diversifié, 71 % des offres ayant été allouées à des investisseurs institutionnels et le reste ayant été absorbé par des banques locales », a expliqué la NDB dans son communiqué de presse.

Cette situation plutôt positive indique le niveau élevé de confiance et d’intérêt des investisseurs. Elle met surtout en exergue une forte concordance entre la NDB et ces derniers. Les prix proposés par l’émetteur et ceux que les investisseurs sont prêts à payer étant très proches les uns des autres.

Compte tenu de cet accueil positif, la NDB envisage l’option d’une augmentation de la taille de l’opération. L’institution pourrait ainsi relever le montant de cette dernière de 1 à 1,5 milliard de dollars. Un potentiel nouveau succès transactionnel qui confirmerait de manière absolue, l’agilité financière de l’institution.

What role does NDB play in BRICS cooperation? #BRICS2023 pic.twitter.com/pX5XX2h5F6

— CGTN (@CGTNOfficial) August 18, 2023

Une transaction aux effets multidimensionnels ?  

L’incursion de la NDB sur le marché des obligations en monnaie locale n’est a priori pas un non-évènement. Il témoigne, d’une part, du dévouement de la banque communautaire à la promotion des écosystèmes financiers locaux.

Ce développement fait d’ailleurs écho aux récentes révélations du diplomate russe Roman Babouchkine. Lors d’une récente intervention, ce dernier avait évoqué l’abandon par les pays BRICS de leur idée de monnaie commune. Ceci, au profit d’une nouvelle stratégie consistant à tabler sur les monnaies locales des pays de l’organisation pour réaliser les opérations transfrontalières.

D’autre part, le succès retentissant de cette première émission d’obligations par la NDB dépasse le simple cadre des transactions financières. Elle est le signal d’un nouvel élan en faveur de la collaboration entre les États membres des BRICS.

Car, en devenant l’émetteur le mieux noté sur le marché sud-africain depuis 2015, la NDB accentue son engagement. En particulier, celui visant à favoriser l’indépendance du groupe de pays dans le domaine du financement du développement.

Dans ce contexte, l’objectif de la banque communautaire est clair. Elle veut renforcer sa présence sur les marchés financiers des Etats-membres des BRIC. C’est notamment l’idée qu’a récemment exprimée l’un des responsables de l’institution financière.

« La NDB cherche à accroître sa présence sur les marchés des capitaux locaux de ses pays membres, afin de financer son solide portefeuille de prêts en monnaie locale. Le produit de l’émission sera utilisé pour financer des projets d’infrastructure et de développement durable en Afrique du Sud et le succès de l’opération constitue une référence pour les futures émissions de la NDB », a déclaré Leslie Maasdorp, vice-président et directeur financier de la NDB. Ce dernier annonce ainsi les couleurs d’autres opérations similaires.

Un pas supplémentaire renforçant l’attrait des BRICS par les Etats ?

Ce nouveau développement autour de la nouvelle banque de développement suscite une question. N’est-ce pas là une avancée qui renforcerait l’attractivité des BRICS vis-à-vis de plusieurs pays du globe ?

On est tenté de répondre par l’affirmative connaissant la politique financière et monétaire de l’organisation. Cette dernière mise désormais sur les monnaies locales des pays membres. Un aspect qui pourrait intéresser beaucoup d’États du monde dont plus de 40 envisagent sérieusement l’option d’intégrer les BRICS.

Alors que le prochain sommet de l’organisation se tiendra bientôt, la question de l’intégration de nouveaux membres se discute. On sait aux dernières nouvelles que la Chine y est favorable. Idem pour la Russie qui, comme la Chine, nourrit clairement des envies d’hégémonie vis-à-vis des Occidentaux. Quoi de mieux pour y arriver que de participer à la chute du dollar américain ?