Bitmain au cœur d'un nouveau scandale
Le fabricant chinois de mineurs de bitcoins aurait sciemment fait en sorte que certaines de ses machines pédalent dans la semoule.
Bitmain pris la main dans le sac
La pool ocean essuyait de nombreuses critiques ces derniers temps en raison d’un nombre anormalement élevé de bloc vides. Trois sur trente blocs (10 % !) pour être précis.
Avant d’aller plus loin, expliquons ce qu’est une pool et pourquoi ces dernières créent parfois des blocs vides de transactions.
Une pool est une sorte de coopérative qui prépare les blocs à partir desquels les mineurs travaillent. Ce sont elles qui sélectionnent les transactions. Elles reçoivent également les récompenses qu’elles redistribuent aux mineurs proportionnellement à la puissance de calcul fournie. Ce système permet aux mineurs de lisser leurs revenus.
Foundry, Antpool, F2pool, Viabtc et Binance pool sont les principales pools. Elles ont collectivement trouvé 45 707 blocs en 2023, soit 84 % du total. C’est beaucoup pour un réseau censé être décentralisé…
En sachant que F2Pool et Antpool font très probablement partie d’une même nébuleuse contrôlée par Bitmain.
La centralisation du réseau est encore pire qu’il n’y paraît si l’on observe les choses avec attention. Le fondateur de la pool Ocean estime que de nombreuses petites pools ne seraient que « des façades pour Bitmain ». Cette allégation se base sur trois choses :
- Des petites pools utilisent clairement des blocs préparés par Antpool.
- Elles partagent le même dépositaire pour les récompenses glanées à chaque bloc (Cobo).
- Une entente existe pour renflouer les pools qui jouent de malchance (notre article à ce sujet : Bitcoin – Un cartel de pools dévoilé)
Pour le fondateur de la pool Ocean, « Bitmain n’est pas seulement derrière Antpool [elle probablement aussi derrière F2Pool]. Cette firme prépare probablement plus de 50 % des blocs en plus d’avoir fabriqué plus de 90 % des ASIC en fonctionnement dans le monde ».
Les blocs vides
Concernant les blocs vides, ces derniers ont toujours existé. Ils furent au nombre de 147 en 2023, soit 0.27 % de l’ensemble des blocs minés. Leur existence tient au fait qu’une pool a deux choix lorsqu’elle trouve un bloc :
-Envoyer à ses mineurs un bloc comportant les transactions suivantes.
-Envoyer d’abord un bloc vide de transactions, contenant simplement le hash du bloc précédemment trouvé. L’intérêt est que ce bloc arrive plus vite, ce qui permet aux mineurs de se mettre au travail plus tôt. Le hash du bloc précédent est en effet la seule donnée absolument nécessaire.
Explication :
Les données que les mineurs hachent (passent à la moulinette de l’algorithme SHA-256) se trouvent dans l’en-tête du bloc. Cet en-tête embarque six informations : Numéro de version / Hash du bloc précédent / Hash de la racine de l’arbre de Merkle / Time Stamp / Valeur cible du hash / Nonce.
Le nonce (diminutif en anglais de « number only used once ») est un nombre que les mineurs font varier frénétiquement jusqu’à trouver un bloc valide (c’est-à-dire un hash de cet en-tête commençant par un certain nombre de zéros).
Tout cela pour dire que recevoir rapidement le hash du précédent bloc permet aux mineurs de hacher pendant quelques secondes supplémentaires. Et le fait est que des blocs sont parfois trouvés dans ce laps de temps. Il en résulte des blocs vides.
Oui, des blocs peuvent être trouvés à quelques secondes d’intervalle, et non pas toutes les 10 minutes exactement. Il n’est pas rare qu’une heure entière se passe sans nouveau bloc.
Anguille sous roche
Nous en arrivons au cœur du scandale. Les probabilités étant ce qu’elles sont, il n’est pas du tout normal que 10 % des blocs trouvés par une pool soient vides.
La malchance apparente d’Ocean a provoqué des recherches ayant mené à la conclusion que certains ASIC (antminers) tardent beaucoup trop à remplacer le bloc vide par le bloc rempli de transactions.
Mais plutôt qu’un défaut de fabrication, il semblerait que Bitmain ait en réalité volontairement mit des bâtons dans les roues de ses concurrents. Voici l’explication de @GrassFedBitcoin, fondateur d’Ocean :
« Pourquoi des blocs vides ne sont pas remplacés immédiatement après réception des blocs contenant les transactions ?
Parce que les antmineurs de Bitmain sont nuls. Ce que nous ne savions pas, c’est qu’ils étaient intentionnellement nuls. Les antminers continuent de travailler sur des blocs vides – parfois pendant plus de 60 secondes – malgré la réception depuis belle lurette du bloc rempli de transactions.
Nous avons d’abord pensé que le problème venait de la conception de l’ASIC lui-même (la puce électronique), et donc à une mauvaise ingénierie de la part de Bitmain. Mais il s’avère que nous avions tort et ce délai provient en réalité du firmware des antminers.
Nous le savons parce qu’ils viennent de publier un correctif (pour les modèles S19 K Pro et XP). Mais quelles sont les chances que ce correctif soit publié juste après qu’Ocean ait commencé à poser publiquement des questions ? Il est évident qu’ils avaient un correctif et qu’ils l’ont utilisé pour leurs propres antminers. »
Concurrence déloyale menant à la centralisation des pools
En résumé, certains antminers ont plus de chances de trouver des blocs vides du fait qu’ils mettent trop de temps à les remplacer. Ce qui fait dire à certains que Bitmain vend des machines conçues pour être moins performantes que celles qu’il utilise pour son propre compte.
Voilà pourquoi les whatsminers de son concurrent MicroBT et les ASIC d’autres fabricants ne trouvent pas autant de blocs vides…
Par ailleurs, Ocean souligne que les blocs vides ne sont pas les seuls concernés :
« Ce ne sont pas seulement les blocs vides qui mettent une éternité à être remplacés. C’est en réalité le cas pour tous les blocs. En effet, les pools mettent constamment à jour les transactions à l’intérieur du bloc au fur et à mesure que des transactions offrant des frais plus élevés arrivent.
Imaginez qu’une transaction super lucrative apparaisse. Toutes les pools vont immédiatement envoyer un nouveau bloc aux centaines de milliers de mineurs qui (à cause du firmware de Bitmain) l’ignoreront pendant un certain temps, sauf les mineurs qui travaillent avec la pool Antpool [qui appartient à la nébuleuse Bitmain].
Il n’est pas difficile de comprendre les motivations de Bitmain, d’autant plus que plus le temps passe et plus les frais de transaction deviennent naturellement une part de plus en plus importante des revenus des mineurs. »
Ces agissements ne sont pas surprenants quand on connait le passé de cette firme avec les affaires « Antbleed » et « ASICBoost ».
Antbleed fait référence à la fameuse back door qui permettait d’arrêter à distance n’importe quel antminer. Bitmain s’est défendu en assurant qu’il s’agissait simplement d’un moyen de désacctiver les ASIC volés. Sauf que le code fut immédiatement corrigé une fois découvert…
L’autre affaire ayant fait du bruit tient à la technologie « ASICBoost ». Cette dernière offre un gain d’efficience en réduisant le nombre de calculs nécessaires pour générer des hash. Cette technique permet d’économiser de l’énergie et de hacher plus vite.
Terminons en soulignant que les mineurs de dernière génération de MicroBT sont déjà plus performants que ceux de Bitmain. Notre article à ce sujet.
Ne manquez pas non plus notre article sur la centralisation des pools : Bitcoin et la menace des pools.
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