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Bitcoin - La grogne monte contre les ordinals

jeu 21 Mar 2024 ▪ 8 min de lecture ▪ par Nicolas T.
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Les ordinals et autres « inscriptions » ne font plus recette. La vindicte populaire est palpable.

bitcoin

Ordinal, la résurrection de counterparty

Les ordinals sont essentiellement des jpegs logés à l’intérieur des transactions bitcoin. Il s’agit de la dernière technique en date pour insérer des données arbitraires dans la blockchain. Nous assistons à un remake quasiment identique de « counterparty ».

Pour rappel, une transaction bitcoin est concrètement un « script ». C’est-à-dire un petit bout de code qui verrouille mathématiquement une quantité de bitcoin (un nombre) à une clé publique. En sachant qu’une adresse bitcoin n’est rien d’autre qu’un encodage de clé publique.

Une transaction comporte également des « signatures » réalisées grâce aux clés privées. Ces dernières permettent de déverrouiller les bitcoins pour les lier à une autre clé publique (aka réaliser une transaction).

Lors d’une transaction, les nœuds utilisent des rouages logiques appelés « opcodes » pour vérifier si tout est en ordre.

Counterparty utilisait l’opcode OP_CHECKMULTISIG pour inclure des données arbitraires. Cet opcode sert à vérifier la signature d’une transaction multisignature P2SH (pay to script hash). Voici un exemple de transaction de Counterparty datant de juillet 2014 (source : Bitmex blog).

La transaction renvoie les bitcoins à l’adresse d’origine et crée trois utxo supplémentaires comprenant des données liées au protocole Counterparty. L’utilisation de OP_CHECKMULTISIG peut être considérée comme un bug puisque ce n’était pas son utilisation prévue.

Après moult débats, on créa l’opcode OP_RETURN pour héberger ces données arbitraires. Cet opcode fait que les utxo qui les accueillent sont « Provably Unspendable/Prunable ».

Dit autrement, les quelques sats utilisés dans ces utxo sont sacrifiés car « non dépensables ». Surtout, les utxo peuvent être élagués (prunable) par les nœuds, ce qui leur évite d’être encombrés par des données étrangères au protocole bitcoin.

Érosion lente de la décentralisation du Bitcoin

Les ordinals utilisent pour leur part les opcodes OP_FALSE et OP_IF au lieu d’utiliser OP_RETURN.

La mode est désormais de faire rentrer un jpeg entier dans la transaction. La conséquence néfaste est que la taille moyenne des blocs a quasiment doublé, passant de 1 vMo à 1,7 vMo.

La taille de la blockchain a augmenté de 20 % pour la seule année 2023. Elle pèse désormais près de 560 Go. Alors qu’elle augmentait en moyenne de 55 Go par an ces dernières années, ce fut 93 Go en 2023, principalement à cause des ordinals.

Cette croissance non organique causée par ce spam érode la décentralisation du bitcoin en raison de l’allongement du temps d’IBD. Il faut actuellement entre deux jours et trois semaines pour télécharger la blockchain.

Or, nous ne savons pas comment évoluera la bande passante dans le futur. On entend déjà des politiques plaider pour un rationnement de 3 Go par semaine. Il faudrait alors 1 300 jours pour installer un nœud…

Autre problème : le protocole STAMP. Ces inscriptions sont moins volumineuses que les ordinals, mais tout aussi toxiques en ça qu’elles font grossir l’utxo set. Or ce dernier ne peut évidemment pas être élagué par les nœuds.

Il aura fallu 14 ans au bitcoin pour atteindre environ 80 millions d’UTXOs et moins d’un an pour doubler ce chiffre à cause des inscriptions. Nous sommes passés d’une moyenne de 7 millions à 80 millions d’utxo supplémentaires par an.

Plus que de juteuses arnaques, ces inscriptions sont une attaque DoS, qui plus est financée par les naïfs qui achèteront ces « NFT Bitcoin » et autres shitcoins. Cerise sur le gâteau, on trouve parmi les profiteurs les propriétaires de Bitcoin Magazine…

La grogne s’étend sur X

Le CEO de Bitcoin Magazine David Bailey s’est récemment fait humilier par l’artiste MADEX :

« Madex a refusé une offre de 1 BTC de la part du PDG de Bitcoin Magazine et scammer pro David Bailey pour transformer sa peinture en un NFT ordinal. »

Pour plaisanter, MADEX a répondu à l’intérêt de David Bailey pour l’une de ses œuvres avec force d’ironie :

« L’œuvre originelle est vendue, mais ne t’inquiète pas, la valeur réside dans le fichier jpeg. Je te l’envoie par e-mail pour 1 BTC. »

Sentant le bon buzz, David Bailey a accepté. La réponse en français de MADEX fut croustillante :

« Merci beaucoup pour l’offre. Je ne prends pas offense ni ne suis en colère, mais ça se voit que tu ne me connais pas si tu penses pouvoir me faire participer à l’une de tes combines. Un BTC me serait certainement très utile, mais à quel prix ? Je ne vous laisserai pas clamer partout que vous avez un ordinal MADEX. Je ne vous offrirai pas le droit de croire que vous détenez un bout de mon âme. […] Vous ne faites pas ça parce que vous voulez immortaliser MADEX sur la timechain, vous faites ça pour essayer d’arnaquer des gens avec un ponzi. »

De plus en plus de personnalités en arrivent à cette conclusion. Après un temps de flottement et d’hésitation par respect pour le caractère non censurable du bitcoin, les voix de la raison se multiplient. Ce fut récemment au tour de Peter Mc Cormack de forger le consensus sur X :

« Je veux que le bitcoin fasse trois choses :

  1. Envoyer des bitcoins.
  2. Recevoir des bitcoins.
  3. Stocker des bitcoins.

Personnellement, je ne m’intéresse qu’à ce qui permet au bitcoin de faire ces trois choses le plus rapidement possible, de la manière la plus sûre, tout en maintenant une décentralisation maximale.

[…] Aujourd’hui, nous dégradons le système pour des utilisations non monétaires. »

Sages paroles. Malheureusement, les jeunes mainteneurs inexpérimentés de Bitcoin Core refusent toujours d’envoyer un message fort en mettant à jour les « filtres » du réseau Bitcoin.

L’inaction complice de Bitcoin Core

Il est possible de filtrer les inscriptions et faire cesser ce qui est ni plus ni moins qu’une attaque DoS. L’argument voulant que les frais de transaction soient le seul filtre dont nous ayons besoin ne tient pas la route.

Les inscriptions s’adossent à des ponzis comme le shitcoin BRC-20 ORDI. Et comme pour tout ponzi organisé avec la puissance de persuasion d’un média tel que Bitcoin Magazine, ce ne sont pas les instigateurs qui perdent de l’argent, au contraire. Le cirque peut potentiellement durer longtemps.

« Le bitcoin est attaqué, ne vous trompez pas de camp. »

Bitcoin Core devrait envoyer un message fort en mettant à jour les filtres. C’est ce que recommande Luke Dash :

« Il a toujours été possible de dépasser les limites instaurées par le protocole (‘consensus rule’). Si le script est trop volumineux, il ne s’exécute pas, mais la donnée reste dans la blockchain. Les filtres anti-spam ont toujours été appliqués en tant que ‘policy rule’, et c’est là leur place idéale. »

Les filtres empêchent certaines transactions toxiques d’être relayées par les nœuds jusque dans un bloc. Le but est d’éviter certaines attaques DoS. Par exemple, Bitcoin Core ne relaie pas les transactions pesant plus de 100 000 voctets.

En l’absence de filtres, il est facile d’alourdir la blockchain en transformant les transactions bitcoin en jetons de casinos. OP_RETURN est le témoignage d’un temps où toute utilisation nuisible des transactions était perçue comme une attaque.

Il est temps de retourner aux sources. Il sera de bon ton de boycotter la conférence de Bitcoin Magazine (Nashville, Tennessee) cette année. Venez à la conférence de Prague cette fois-ci !

Ne manquez pas notre article : Les Devs de Bitcoin Core sous le feu des critiques. Nous y révélons les manigances lâches des développeurs de Bitcoin Core visant à justifier l’inaction.

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Nicolas T.

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