Bitcoin - Interview avec le CEO du mineur Argo

Interview avec Thomas Chippas, CEO du mineur Argo. Nous avons principalement parlé de la symbiose entre mineurs de bitcoins et énergéticiens et des risques de centralisation qui refont surface ces derniers temps.

Votre société de minage de bitcoins se classe dans le peloton de tête mondial. Pouvez-vous nous donner un bref aperçu de vos activités et de vos ambitions d’expansion pour l’année prochaine ?

Argo exploite une capacité d’extraction de 2,7 EH, répartie entre notre propre site au Québec et un site hébergé, Helios, dans l’ouest du Texas. La majorité de notre énergie provient de sources renouvelables. Nous avons récemment fait d’énormes efforts pour désendetter la compagnie comme en témoigne le remboursement d’une dette 35 millions de dollars à Galaxy plus tôt que prévu.

Cette discipline financière renforce non seulement notre bilan, mais nous permet également de poursuivre activement des opportunités de croissance stratégique, y compris des fusions et acquisitions potentielles. Notre objectif principal reste toutefois l’optimisation de nos opérations et le maintien d’une exploitation durable qui sera capable de résister aux fluctuations du marché. Mais nous évaluons activement les projets qui s’alignent sur nos objectifs stratégiques.

Qu’est-ce qui différencie Argo des autres grands mineurs ?

L’équipe d’exploitation d’Argo possède une vaste expérience quant à la conception, la construction et l’exploitation d’installations visant à miner des bitcoins. Ces connaissances et cette expérience nous permettent d’atteindre l’excellence opérationnelle dans l’ensemble de notre flotte. C’est ce souci d’excellence qui est essentiel pour naviguer dans cette industrie mouvante. Nous y parvenons tout en restant flexibles et réactifs aux évolutions du marché afin de nous assurer que nous sommes non seulement prêts à relever les défis à venir, mais aussi bien positionnés pour tirer parti de nouvelles opportunités.

Pourquoi l’industrie du bitcoin est-elle intéressante pour les entreprises du secteur de l’énergie qui s’engagent dans la transition vers les énergies renouvelables ?

L’industrie du bitcoin permet de monétiser l’énergie excédentaire produite par les parcs éoliens et solaires. C’est-à-dire de l’énergie qui serait autrement gaspillée. Les mineurs peuvent absorber cette énergie excédentaire. Ils contribuent ainsi à équilibrer le réseau tout en pouvant réduire leur demande très rapidement si nécessaire.

Cela permet non seulement d’accélérer l’amortissement des investissements initiaux dans les énergies renouvelables, mais aussi de financer des projets en phase de démarrage. En s’intégrant de manière transparente à la production d’électricité, l’industrie du bitcoin soutient la transition vers les énergies propres, ce qui est bénéfique pour les deux secteurs.

Certains mineurs exploitent le méthane des décharges et des torchères, rendant progressivement le bitcoin neutre en carbone. Cela vous intéresse-t-il ? Combien de temps faudra-t-il pour que le secteur du bitcoin devienne totalement neutre en carbone ?

Chez Argo, nous nous engageons en faveur du développement durable et avons déjà atteint un statut climatiquement positif grâce à l’utilisation intensive de l’énergie hydroélectrique dans nos installations. Nous nous concentrons également sur l’utilisation efficace du réseau afin d’optimiser notre consommation d’énergie.

Bien qu’il soit difficile de parvenir à une durabilité totale dans l’industrie du bitcoin, les progrès constants de la technologie, y compris le rôle de l’IA dans l’optimisation de l’allocation des ressources et l’amélioration de la gestion du parc d’ASIC, offrent des pistes prometteuses.

Que pensez-vous des services tels que Slipstream ? Que répondez-vous aux gens d’Ocean qui affirment que la transformation des transactions bitcoin en jetons de casino (BRC-20, Ordinals, etc.) est une menace pour la décentralisation du réseau ?

La force du Bitcoin réside dans sa capacité d’adaptation qui lui permet d’évoluer avec des innovations telles que les Ordinals et les jetons BRC-20. Alors que certains considèrent ces développements comme des menaces potentielles pour la décentralisation, il est important de reconnaitre que le Bitcoin a toujours progressé grâce à une évolution menée par la communauté.

Les discussions et les débats en cours façonneront en fin de compte l’orientation future du Bitcoin. Argo observe les évolutions de leurs impacts potentiels. Mais notre objectif principal est de maintenir des opérations solides et durable qui s’alignent sur nos valeurs fondamentales et nos objectifs à long terme.

Les craintes de centralisation au niveau des pools sont palpables. Des analyses statistiques montrent que près de la moitié des modèles de blocs proviennent d’une seule entité, probablement Bitmain. Que se passe-t-il ? S’agit-il d’une conséquence négative du système de paiement FPPS ?

Les inquiétudes concernant la centralisation de l’industrie du Bitcoin, en particulier l’influence de Bitmain, sont compréhensibles. Les recherches suggérant que plusieurs pools pourraient utiliser des modèles de blocs similaires soulèvent d’importantes questions sur la décentralisation. Le système de paiement FPPS, tout en offrant une certaine prévisibilité aux mineurs, peut involontairement contribuer à cette centralisation en raison de son intensité capitalistique, ce qui pousse les pools à s’appuyer sur des entités plus importantes comme Bitmain.

Il est essentiel que l’industrie continue à explorer des solutions pour atténuer ces risques et maintenir la décentralisation du Bitcoin.

Donald Trump a déroulé le tapis rouge pour les mineurs. Combien de temps encore avant que les États-Unis d’Amérique n’obligent Foundry à censurer les adresses bitcoins iraniennes ou russes ? À ce sujet, avez-vous l’intention d’adopter Stratum V2 ?

Le paysage politique autour du mining est complexe et évolutif. Bien que nous ne soyons pas à l’abri d’actions règlementaires, tout changement nécessiterait un long processus législatif impliquant de multiples parties prenantes. Mais nous observons une dynamique positive. Le paysage réglementaire est de plus en plus favorable aux États-Unis. Quant à Stratum V2, il s’agit d’une évolution prometteuse pour renforcer la décentralisation et la sécurité des opérations. De nombreux acteurs du secteur envisagent de l’adopter, mais les décisions dépendront de divers facteurs, notamment de l’évolution du cadre règlementaire et des progrès technologiques. Les spéculations sur les actions spécifiques de la part du gouvernement restent incertaines.

La sénatrice Cynthia Lummis propose de créer une réserve stratégique de bitcoins d’un million de BTC. Le bitcoin va-t-il remplacer le dollar comme monnaie de réserve mondiale ? Serait-ce une bonne nouvelle pour le monde ?

Nous sommes dans la première vague d’adoption massive du bitcoin, comme en témoignent les récentes règlementations de la SEC permettant aux grands gestionnaires d’actifs d’investir dans le bitcoin pour la première fois. Et la proposition de créer une réserve stratégique de bitcoins reflète l’intérêt croissant pour les actifs numériques découplés des politiques économiques des gouvernements.

Toutefois, le remplacement du dollar en tant que monnaie de réserve mondiale nécessiterait un changement radical de la dynamique économique mondiale. L’offre limitée et la nature décentralisée du bitcoin en font un actif de réserve intéressant, mais sa volatilité et le rôle bien établi du dollar ne peuvent et ne doivent pas être ignorés.

Compte tenu de ces facteurs, il serait peut-être préférable de se demander comment le bitcoin, le dollar américain et les autres monnaies fiduciaires coexisteront, car tout changement s’étalera sur une longue période.

Merci M. Chippas. Y a-t-il quelque chose que vous souhaitiez souligner pour conclure la discussion ?

Nous vivons vraiment un moment passionnant pour l’industrie, en particulier avec la maturation du marché de l’IA. Alors que la demande de services de calcul haute performance (HPC) augmente, nous voyons des opportunités significatives pour tirer parti de nos actifs et de notre expertise dans le domaine de l’énergie.

Si notre objectif principal reste l’optimisation de nos opérations de mining, nous explorons également des opportunités stratégiques pour diversifier nos flux de revenus et les services HPC sont l’un des domaines que nous envisageons. Nous cherchons la croissance et n’excluons rien.