Bitcoin & Géopolitique - Semaine 9
La dédollarisation est en marche. À son tour, l’Irak regarde vers la Chine en ouvrant la porte au yuan pour le paiement de ses exportations de pétrole.
Petroyuan
Après l’Arabie Saoudite, c’est au tour de l’Irak d’annoncer son intention d’accepter d’autres monnaies que le dollar.
La banque centrale irakienne veut régler ses échanges avec la Chine directement en yuan. « Les importations irakiennes en provenance de Chine étaient payées jusqu’à présent en dollars uniquement », a déclaré le conseiller économique du gouvernement Mudhir Salih.
L’Irak n’en est pas à son premier coup d’essai. Sadam Hussein avait déjà tenté en son temps de se débarrasser du dollar…
On entend souvent que la seconde guerre du Golfe fut une « guerre pour le pétrole ». Mais il y a confusion. Il est plus juste de parler de guerre pour « libeller le pétrole exclusivement en dollar ». Aka, une guerre pour protéger le système du « petrodollar ».
Saddam Hussein fut pendu pour avoir libellé le pétrole irakien en euro plutôt qu’en dollar. Ce cadeau éphémère permit à l’euro, alors en perdition, de s’apprécier de 30 % en quelques mois. Tout le monde connaît la suite…
Le vice-président de George Bush, Dick Cheney, poussera Collin Powel à mentir aux Nations Unies en affirmant du bout d’une fiole censée contenir un liquide bactériologique redoutable que l’Irak possédait des armes de destruction massive…
Et cela, malgré le fait que 300 inspecteurs de l’ONU dépêchés sur place n’aient jamais rien trouvé. Le ministre de la Défense américain Paul Wolfowitz avouera plus tard :
« Pour des raisons bureaucratiques, nous avons choisi un problème, les armes de destruction massive, c’était la seule raison pouvant faire l’unanimité ».
[Nous recommandons de regarder le film « Vice »…]
Au prix d’un million de morts, les ventes de pétrole seront rétablies en dollar immédiatement après la prise de Bagdad.
En clair, la guerre d’Irak fut une démonstration de force. Il fallait montrer à l’Europe ainsi qu’aux pays du Golfe ce qu’il en coûte de menacer la monnaie impériale.
L’Irak gelée
Vingt ans après l’opération Desert Storm, les Américains contrôlent toujours l’argent issu des richesses pétrolières du pays des deux fleuves. Si bien que les États-Unis ne se sont pas gênés pour sanctionner l’Irak en fin d’année dernière à cause de ses liens amicaux avec l’Iran.
[Les Perses ont en effet aidé l’Irak à se débarrasser de DAESH, des mercenaires contrôlés en sous main par Washington et financés par le Qatar. La fameuse opération « Timber Sycamore »…]
Cela fait donc plusieurs mois que l’Irak ne peut plus accéder à ses propres dollars. Tout comme la Russie depuis le début de son opération spéciale en Ukraine. « Environ 80 % des transactions sont rejetées », a déclaré le conseiller financier du Premier ministre.
« Même lorsque les transactions sont approuvées, il faut jusqu’à 15 jours pour obtenir les fonds, au lieu de deux ou trois jours en temps normal », déclare pour sa part al-Hasnawi, président de la Mosul Bank.
Conséquence, le taux de change s’est envolé à 1 750 dinars pour un dollar sur le marché noir, contre un taux officiel de 1 460 dinars pour un dollar. Cette dévaluation survient alors que les réserves de change irakiennes atteignent un niveau record d’environ 100 milliards de dollars.
Les responsables américains ont refusé de commenter en détail la confiscation de l’argent du pays. Néanmoins, il est évident que l’Irak est punie pour son soutien à ses amis que sont la Syrie et l’Iran.
L’Associated Press rapporte en effet « que de grandes quantités de dollars ont été transférées pendant des années hors d’Irak vers la Turquie, les Émirats arabes unis, la Jordanie et le Liban par le biais de fausses factures pour des articles surévalués ».
Ce processus permet de sortir des dollars du pays pour les envoyer ensuite en Iran ainsi qu’en Syrie, deux pays sous le coup de sanctions américaines.
Encore une fois, l’Empire utilise le dollar pour faire du chantage. Cela n’a pas échappé à Sergei Lavrov. Le ministre des Affaires étrangères russe s’est rendu en Irak début janvier pour discuter de la possibilité de payer pour le pétrole en devises amies.
Lavrov avait déclaré : « Vu les restrictions du dollar pour nos deux pays, il est important de protéger les relations économiques légitimes de la pression de l’Ouest en passant par des devises fiables pour le paiement de l’approvisionnement en pétrole ».
L’extraterritorialité du dollar…
À l’échelle globale, c’est 7 000 milliards de dollars que les banques centrales détiennent sous forme de dollars pouvant subir le même sort que ceux de l’Irak et de la Russie.
Les banques centrales étrangères réinvestissent leurs dollars dans la dette US pour engranger des intérêts. Et c’est grâce à ce système dit du « pétrodollar » que les États-Unis peuvent se permettre d’avoir une balance commerciale chroniquement déficitaire sans que la valeur du dollar ne s’écroule.
Ainsi, non content d’avoir une ardoise de 7 000 milliards de dollars via le « recyclage » des pétrodollars dans sa dette, les États-Unis se permettent aussi de décider pour les autres comment les dépenser.
La monnaie américaine est devenue un outil de sanction financière contre les pays qui ne s’alignent pas sur le « droit » extraterritorial américain ou, pour l’exprimer plus justement, sa politique étrangère impérialiste.
Le billet vert finira par payer très cher cette ingérence financière qui prend différentes formes. Amendes, embargos monétaires et économiques, attaques spéculatives sur les taux de change et les dettes, gel de comptes bancaires et des réserves de change, déconnexion du réseau SWIFT, etc.
Nous parlons aujourd’hui de l’Irak, mais la Turquie a également fait les frais de son indépendance politique. La lire turque a fondu de 50 % en l’espace d’un été (2018) sous les coups de boutoir de la J. P. Morgan et de City Bank.
Les velléités d’indépendance monétaire de l’Irak sont le dernier signe en date de la fronde mondiale contre le dollar. Dorénavant, le yuan et le système de paiement international CIPS joueront un rôle de plus en plus important.
Il y a de quoi faire au niveau bilatéral puisque le volume total des échanges sino-irakiens s’est élevé à 53 milliards de dollars en 2022. La Chine et l’Inde importent désormais plus de 60 % du pétrole irakien, contre moins de 5 % pour les États-Unis…
Haro sur le billet vert
La rébellion irakienne vient s’ajouter au récent apaisement des relations dans le monde arabe depuis les séismes dévastateurs en Syrie ainsi qu’en Turquie.
Des pays comme l’Arabie saoudite ont maintenant exprimé la nécessité de mettre fin au statu quo d’inimitié avec Damas. Il se murmure même que le ministre saoudien des Affaires étrangères pourrait se rendre prochainement dans le pays.
Plusieurs États arabes, dont l’Algérie, la Tunisie et l’Irak ont ignoré le risque de sanctions américaines. Tous ont fait parvenir de l’aide à la Syrie par l’intermédiaire du Croissant-Rouge arabe syrien.
Mieux encore, les ministres des Affaires étrangères de la Turquie et de la Syrie vont bientôt se rencontrer. Cela pourrait déboucher sur une rencontre Poutine-Erdogan-Assad à Moscou. La plaie syrienne refermée, la ligue arabe pourrait de nouveau fournir un front uni sur la scène internationale.
Tout cela est de mauvais augure pour le pétrodollar. D’autant plus que l’Inde prend son envol. Après la Russie, ce sont maintenant les EAU, la Malaisie, l’Indonésie, Singapour et le Nigeria qui veulent commercer avec l’Inde en roupie plutôt qu’en dollar.
L’india Times rapporte cette déclaration en marge du récent G20 des ministres des Finances par un responsable de la banque centrale indienne :
« Le monde peut commercer de deux façons – dans une monnaie et la deuxième option est de commercer dans d’autres monnaies. La deuxième option est évidemment moins risquée ».
L’Inde et Singapour ont déjà relié leurs systèmes de paiement respectifs (UPI et PayNow) pour régler les transactions. « La liaison entre UPI et PayNow est une nouvelle étape dans les relations entre l’Inde et Singapour. Son lancement est un cadeau pour les citoyens des deux pays », a déclaré le Premier ministre indien Narendra Modi.
La Russie et l’Inde sont également en pourparlers depuis un an pour accepter mutuellement les cartes de paiement Mir russes et RuPay indiennes. Les deux gouvernements discuteraient aussi de la possibilité d’intégrer l’UPI et le SPFS russe. Il s’agit de leurs versions respectives du système SWIFT pour les transactions internationales.
Loin d’être isolée, la Russie participera au G20 qui se déroule cette année en Inde :
Et à la fin, c’est le bitcoin qui gagne
Depuis le début de la guerre en Ukraine, l’Inde a augmenté de manière stratégique ses achats de pétrole russe. New Delhi a très clairement choisi de supporter Vladimir Putin et d’embrasser la dédollarisation.
Cette nouvelle ère monétaire au détriment de l’occident pourrait bien inciter les États-Unis et l’Europe à profiter des tensions géopolitiques pour ne pas rembourser leurs dettes…
D’après le FMI, l’euro et le dollar représentent 80 % des réserves de change globales. Soit 9 566 milliards de dollars à la fin du quatrième trimestre 2021. Elles ont depuis reculé à 8 558 milliards, soit une baisse de plus de 10 % en un an seulement.
Sans compter le « gel » des centaines de milliards appartenant à l’Irak ainsi qu’à la Russie… Cela fait beaucoup d’argent qui ne sera probablement jamais remboursé. On ne peut jamais être certain qu’une nation remboursera toutes ses dettes.
D’où les récents achats massifs d’or de la part des banques centrales. Mais l’or coûte très cher à transporter (et à vérifier). La relique barbare ne fait pas le poids face au bitcoin et sa masse monétaire absolument limitée à 21 millions d’unités.
L’Iran l’utilise déjà pour payer ses importations et la Russie investit massivement dans le Mining. On sent même que le vent tourne en Chine. Huang Yi-ping, ancien ponte de la PBOC, recommande de revenir sur la décision d’interdire aux exchanges de vendre des BTC.
Par ailleurs, d’après le DailyHodl, « la Chine semble supporter discrètement la décision potentielle Hongkongaise d’autoriser les ventes de bitcoins ». C’est en tout cas ce que souhaite la Securities and Futures Commisson (SFC) de Hong Kong.
Et rappelons en passant que 20 % des machines de Mining de trouve toujours sur le territoire chinois. Soit quatre fois plus qu’en Russie ou en Iran.
Comment ne pas envisager que le bitcoin remplace le Dollar une fois que le gouvernement américain aura fait défaut ? Apatride et non censurable, il est évident que le bitcoin a tous les attributs d’une réserve de valeur internationale.
Nous parlons d’un gâteau de plus de 11 000 milliards de dollars. De quoi faire grimper le bitcoin à 500 000 dollars…
Maximisez votre expérience Cointribune avec notre programme 'Read to Earn' ! Pour chaque article que vous lisez, gagnez des points et accédez à des récompenses exclusives. Inscrivez-vous dès maintenant et commencez à cumuler des avantages.
Reporting on Bitcoin, "the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy".
Les propos et opinions exprimés dans cet article n'engagent que leur auteur, et ne doivent pas être considérés comme des conseils en investissement. Effectuez vos propres recherches avant toute décision d'investissement.