Bitcoin & Géopolitique - Semaine 14
Alors que la Fed rehausse les taux pour tenter d’endiguer l’inflation, l’OPEC vient jouer les trouble-fêtes.
L’OPEC choisit son camp
À la surprise générale, l’OPEC vient d’annoncer réduire sa production. De 1.6 million de barils par jour. Les 2/3 sont pris en charge par Moscou et Riyad. Les Émirats arabes unis, l’Irak, le Koweït, Oman et l’Algérie absorberont le reste de la baisse.
Cette décrue vient s’ajouter aux 2 millions de barils retirés du marché en octobre 2022. Le Wall Street Journal révèle que le prince héritier d’Arabie saoudite n’a plus l’intention « de faire plaisir aux États-Unis ».
La Maison Blanche s’est pour l’instant gardée de faire un esclandre comme en octobre. Mais l’initiative a tout de même été qualifiée de « déconseillée »…
Cette menace ne devrait pas avoir beaucoup d’effet. D’autant plus que le royaume vient de rejoindre la SCO (Shanghai Cooperation Organisation) en tant qu’observateur. Sans parler du récent affront au pétrodollar en autorisant la Chine à payer son naphte en yuan.
L’effondrement de l’influence des États-Unis sur l’Arabie saoudite et les nouvelles alliances du Royaume avec la Chine et l’Iran confirment l’échec de la stratégie américaine. Comme l’a déclaré Robert F. Kennedy Jr. sur Twitter :
« Au cours de la dernière décennie, notre pays a dépensé des milliers de milliards pour détruire des routes, des ports, des ponts et des aéroports. La Chine a dépensé la même chose, mais pour construire dans les pays en développement. La guerre en Ukraine est l’effondrement final de l’éphémère « siècle américain » des néoconservateurs. Les projets néocons en Irak et en Ukraine ont coûté 8 100 milliards de dollars, vidé notre classe moyenne de sa substance, fait de la puissance militaire et de l’autorité morale des États-Unis la risée de tous. Ils ont en outre poussé la Chine et la Russie à former une alliance invincible et détruit le dollar en tant que monnaie internationale […]. »
Remake de 2008 ?
La décision surprise de l’Arabie Saoudite vise à soutenir la Russie qui s’occupe de tenir l’OTAN en respect. Le sacrifice russe offre une fenêtre de tir pour que le reste du monde s’émancipe du dollar et du chantage permanent de la Pax Americana.
L’Arabie Saoudite n’a de toute façon pas grand-chose à perdre concernant ses parts de marchés. Avec la Russie sous sanctions, le pic du pétrole de schiste aux États-Unis et la faiblesse des investissements des compagnies pétrolières internationales, aucun concurrent ne pointe à l’horizon.
Par ailleurs, même si le prix du baril de Brent est remonté à 85 $, nous sommes sur un niveau relativement normal d’un point de vue historique. La moyenne du prix du baril pour ce siècle (corrigée de l’inflation) est de 74 dollars par baril. Goldman Sachs voit même 95 dollars d’ici à la fin de l’année. Et 100 dollars pour fin 2024…
Le pétrole étant irremplaçable pour le fonctionnement de l’économie mondiale, il en découlera mécaniquement une nouvelle poussée inflationniste. Et peut-être de nouvelles hausses des taux d’intérêt de la part de la Fed.
Un remake de la crise de 2008 est donc en gestation. À l’époque, ce fut aussi la hausse du prix du baril qui incita les banquiers centraux à rehausser les taux. Tout le monde connaît la suite. Les marchés s’écroulèrent et le gouvernement US renfloua les banques en empruntant de l’argent fraîchement imprimé par la Fed.
Le monde échappa à l’hyperinflation grâce à une seule chose : le pétrole de Schiste US. C’est le doublement de la production de pétrole US (de 6 à 12 millions de bpj) qui permit de repartir pour un tour. Et maintenant ?
Le prix du baril est actuellement le même qu’en 2007, peu avant que l’OPEP ne réduise sa production, ce qui déclenchera deux semaines plus tard la crise des « subprimes » (qui fut en réalité une crise pétrolière). 2023, Bis repetita ?
La Russie au chevet de l’Inde
L’objectif de la Russie et de l’Arabie Saoudite est très probablement d’emmener le prix du baril au-dessus de 100 $ pour déclencher une crise majeure en occident.
Malheureusement, le reste du monde ne sera pas épargné. Nombre de pays neutres pourraient alors lâcher la Russie. Et notamment l’Inde qui, avec la Chine, est un allié crucial.
Le ministre de l’Énergie russe Alexander Novak avance que les exportations de pétrole vers l’Inde ont été multipliées par 22. En mars, l’Inde fut le plus gros acheteur de pétrole brut russe. Les livraisons à l’Inde représenteront plus de 50 % de toutes les exportations maritimes du pétrole d’Oural ce mois-ci.
Ces développements sont importants puisqu’une explosion du prix du baril pourrait générer de graves troubles politiques en Inde. Or, sans le soutien du pays de Gandhi, la partie se compliquerait fortement pour Vladimir Poutine. D’où ses précautions.
En effet, la décision de l’OPEC est intervenue trois jours après la visite du CEO de Rosneft Igor Sechin à Delhi. Les détails n’ont pas été divulgués. Mais certainement qu’il s’agissait de protéger le sous-continent indien de la volatilité attendue sur le marché mondial du pétrole.
La présence du ministre du pétrole Puri laisse présager une décision politique de haut niveau. Surtout que le chef des services de sécurité de la fédération de Russie Nikolai Patrushev était aussi du voyage pour rencontrer le premier ministre Modi.
En clair, la Russie a mis en place un pare-feu autour de l’Inde pour l’isoler de la volatilité du brut pendant que les États-Unis croisent le fer avec l’Arabie saoudite.
Ce qui signifie que la fronde contre le dollar va continuer de plus belle. Ne manquez pas à ce sujet notre prochain papier expliquant pourquoi le Bitcoin est inévitable pour éviter une guerre mondiale.
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