Bitcoin Core sort du silence
Toujours pas de consensus concernant le problème des « inscriptions ». En attendant, la décentralisation du Bitcoin s’amenuise de jour en jour.
Quel est le problème ?
Nous écrivions récemment que les développeurs de Bitcoin Core étaient (et demeurent) sous le feu des critiques. L’un d’entre eux s’est enfin manifesté dans le podcast What Bitcoin did de Peter McCormack.
Mais avant ça, rappelons de quoi nous parlons. Les inscriptions sont des données arbitraires étrangères au protocole bitcoin. Les plus connues sont les « ordinals ». Il s’agit de fichiers d’image (Jpeg) qui squattent à l’intérieur des scripts de transactions en se faisant passer pour des clés publiques.
Le concept se base sur la « théorie des ordinals ». C’est-à-dire une convention extérieure au protocole qui permet de cartographier conceptuellement les ordinals via une numérotation virtuelle des satoshis.
Ces inscriptions sont largement décriées et volontiers décrites comme des arnaques qui ruinent la décentralisation du réseau. Il faut donc aussi les considérer comme une attaque.
Nous avons donc d’une part les ordinals (des Jpeg très volumineux) qui ont pour conséquence néfaste de faire enfler la taille de la blockchain. Et d’autre part les inscriptions plus toxiques encore, les « STAMPS », qui génèrent des quantités phénoménales d’utxo.
[Les utxo sont les petits bouts de code qui lient mathématiquement vos bitcoins à vos adresses BTC (vos clés publiques).]
Résultat, il faut aujourd’hui au moins 600 Go de mémoire pour faire tourner un nœud complet, et le nombre d’utxo a plus que doublé en un an seulement ! Il y a aujourd’hui 180 millions d’utxo, soit 10 Go.
En sachant que le problème des utxo ne provient pas tant de la mémoire nécessaire (encore que…), mais plutôt de l’allongement du temps d’IBD (Initial Blockchain Download).
Bitcoin IBD
Les inscriptions rallongent considérablement le temps nécessaire pour installer un nœud. C’est ce qui ressort très clairement des tests récemment menés par @GrassFedBitcoin :
« Il m’a fallu 26 heures pour télécharger l’ensemble de la blockchain jusqu’au mois de février 2023 et 55 heures supplémentaires pour la seule année dernière. L’explosion du nombre d’utxo rend le temps d’IBD extrêmement laborieux », déclare le fondateur de la pool Ocean.
« La situation est bien pire qu’auparavant. C’est une différence de plusieurs ordres de grandeur. Ce n’est pas du FUD. Plus nous fermons les yeux [sur les inscriptions] et plus nous accélérons la centralisation du réseau bitcoin. À ce rythme, nous sommes partis pour rajouter plus de 48 h de temps d’IBD tous les ans. »
Dit autrement, il faudra 24 jours pour installer son nœud d’ici une décennie à peine. Et cela, même si l’on prend en compte la puissance du Raspberry Pi qui double tous les quatre ans.
[Le Raspberry Pi est un nano-ordinateur de la taille d’un gros paquet de cigarettes qui permet d’installer le logiciel Bitcoin Core pour faire tourner son nœud et ainsi participer à la décentralisation du bitcoin]
« En 2022, je pouvais réaliser l’IBD en moins de 48 heures avec un simple Raspberry Pi 4. J’utilise désormais un Raspberry Pi 5 dont le processeur est deux fois plus puissant. Le Pi 5 permet de réduire de 50 % le temps de traitement d’une même quantité de données. Et malgré ça, l’IBD a pris plus de 82 heures au lieu de 48 heures ! ».
Ces chiffres sont effrayants. Veut-on vraiment rallonger à plusieurs semaines l’installation d’un nœud ? Sans parler des pays où la connexion internet est très loin des standards occidentaux.
Que fait Bitcoin Core ?
La question des inscriptions a évidemment été posée à Gloria Zhao, l’un des cinq développeurs dont la clé PGP permet de publier les mises à jour de bitcoin Core sur Github (deux fois par an). Elle est la moins expérimentée du big 5 qu’elle a rejoint il y a un peu moins de deux ans. Son salaire est payé par l’exchange OKCoin (environ 150 000 dollars lui ont été alloués via Brink).
Gloria Zhao a longtemps insisté pendant son interview sur le fait qu’il « n’y a rien qu’elle puisse faire qui ne soit pas entièrement public ». « Je reconnais que j’ai beaucoup de privilèges sur Github, mais il n’y a rien que nous puissions faire qui ne soit pas complètement vérifiable », a-t-elle martelé.
Certes, mais ne pas soumettre de code est tout aussi lourd de conséquence que de soumettre un code malicieux. Et c’est là qu’il y a discorde. Nombreux sont ceux qui réclament une mise à jour des filtres pour endiguer les inscriptions. Notamment Luke Dash, le second plus grand contributeur à Bitcoin Core.
Les filtres sont le petit nom donné aux règles empêchant que certaines transactions soient relayées jusqu’au nœud d’un mineur qui les ajoutera dans un bloc. Il y a par exemple la « dust limit » qui bloque les transactions dont le montant est plus faible que les frais de transaction.
Le code permettant d’empêcher de relayer les transactions contenant des inscriptions existe déjà, mais le big 5 reste passif. L’une des rares excuses avancées par Gloria Zhao est qu’il ne faut rien faire qui puisse aller à l’encontre des incitations financières des mineurs.
Cet argument tient difficilement debout si la décentralisation du réseau est en jeu. L’incitation financière ne doit pas provoquer un aveuglement idéologique. Il faut être rationnel.
On attend désormais que les quatre autres core dev prennent également la parole. Il faudra commencer à se poser des questions si les arguments ne sont pas convaincants. Par exemple sur les revenus qu’un exchange comme OKcoin collecte sur les inscriptions…
Maximisez votre expérience Cointribune avec notre programme 'Read to Earn' ! Pour chaque article que vous lisez, gagnez des points et accédez à des récompenses exclusives. Inscrivez-vous dès maintenant et commencez à cumuler des avantages.
Reporting on Bitcoin, "the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy".
Les propos et opinions exprimés dans cet article n'engagent que leur auteur, et ne doivent pas être considérés comme des conseils en investissement. Effectuez vos propres recherches avant toute décision d'investissement.