Bitcoin (BTC), le chouchou des anthropologues ?
Les fans de la TradFi comme Warren Buffet et certains économistes traditionnels n’approuvent pas le bitcoin. Seraient-ils moins compréhensifs que les anthropologues ? Car de leur côté, la cryptomonnaie de Satoshi passe pour un actif nanti d’intérêts. Nous vous dévoilons dans ce billet les raisons de cette bienveillance.
Anthropologie et anthropologues, le bitcoin comme culture digne d’intérêt
N’est pas anthropologue qui veut. Car les anthropologues sont champions de la relativisation et de l’abandon de la zone de confort pendant un bon bout de temps. Tel était le cas de Margaret Mead qui a dû abandonner le confort de sa maison américaine pour les sociétés dites « primitives » de Samoa (Polynésie), Nouvelle-Guinée (Océanie) et Bali (Indonésie).
Grâce à de tels sacrifices, Mead a pu faire avancer la science qu’est l’anthropologie. Pour ne citer que l’influence qu’elle avait apporté aux mœurs sexuelles des États-Unis où l’intégration de la photo et du film dans les recherches anthropologiques.
Tout ça pour vous dire que l’anthropologie se distingue par ses méthodologies obligeant les chercheurs à une immersion totale dans la société étudiée. C’est ce qu’ils appellent « observation participative », un genre de pratique promouvant l’interaction directe avec les indigènes, qui pourrait s’étaler sur le long terme.
Dire que les économistes traditionnelles n’approuvent pas cette approche. Bon nombre d’entre eux se contentent en effet de l’abstraction et de la déduction issue d’un modèle ou de quelques hypothèses. Les économistes ne connaissent pas les contraintes de terrain comme les anthropologues. Donc, un point de gagné pour ces derniers par rapport à la question de compréhension du bitcoin.
En anthropologie, on use de la logique déductive sans se priver de la logique inductive. L’observation et l’expérimentation sur terrain importent beaucoup dans la constitution de cadres théoriques. De plus, il y a cette importance accordée à l’« émique », les croyances et les expériences subjectives propres à une société.
Ce qui nous ramène encore une fois au concept de la rationalité qui diffère d’une communauté à une autre. Chacun a sa propre vision des choses, sa vérité, son système rationnel et ses termes exprimant cette rationalité.
En un mot, aucun jugement de valeur n’est autorisé dans l’anthropologie.
Bitcoin et intérêts avérés des anthropologues
Si les anthropologues témoignent de l’intérêt pour le bitcoin, c’est parce qu’ils ont plus d’expériences et d’écritures sur l’« autre ». Or, le bitcoin peut aussi faire partie de cet « autre », même s’il constitue un objet (virtuel) et non un sujet.
Spécialistes de la culture comme ils sont, les anthropologues abordent le bitcoin comme ils ont l’habitude de faire : sans jugement de valeur, et sans idées préconçues.
Bon nombre d’entre eux ont déjà côtoyé le monde des mineurs de bitcoins, des détenteurs de cryptomonnaies ainsi que des spéculateurs. Et comme à l’accoutumée, ils ont fait l’immersion auprès de ces gens afin de dégager leurs croyances, leur éthos ainsi que leurs points de vue.
Ce que les économistes classiques ne feront pas du haut de leur tour d’ivoire. Effectivement, ceux-ci se sont contentés de critiquer, voire rejeter, le bitcoin. Loin des gens comme Paul Krugman, Steve Hanke et Nouriel Rubini l’idée de se préoccuper de la manière dont les gens utilisent et considèrent la reine des cryptomonnaies.
En se renfermant sur eux-mêmes, ces économistes ne pourront appréhender les autres perspectives du bitcoin et de ses utilisateurs. Et ils ont la gâchette facile pour condamner cette culture. Car à leurs yeux, il n’y a d’argent que le fiat vu qu’il fait l’unanimité de l’Etat et des autres économistes dits experts. Si une quelconque communauté venait à annoncer l’avènement d’une autre forme de monnaie, ils n’hésitent pas à nier son existence ou sa validité.
Croient-ils vraiment à l’immortalité de la monnaie fiduciaire ? Peuvent-ils arrêter une machine déjà en marche comme le bitcoin ? Que ça soit clair, ce ne sont pas tous les économistes qui pensent de la sorte. Les fans de l’approche systémique privilégient en effet les actions économiques de l’individu.
Pour les anthropologues, pas question d’intervenir. Ils se contentent d’apprécier les faits et d’en faire une description.
Quelques interprétations d’anthropologues relatives au bitcoin
Pour eux, le bitcoin forme un actif très riche en interprétations.
De l’argent
Une équipe de chercheurs dirigée par Kavanagh admettent que le BTC est de l’argent en soutenant « que les gens l’appellent ainsi, [et] beaucoup l’utilisent comme de l’argent ».
Un actif lié à l’éthique des gens
L’effervescence qu’a créée le bitcoin, notamment auprès des mineurs, fera certainement tache d’huile dans le monde entier. Et si beaucoup comprennent l’éthique de la communauté bitcoin, comme nous l’avons mis en avant dans la présentation du bitcoiner Diogène, sa démocratisation se fera en très peu de temps.
Un actif à succès grâce à ses valeurs et ses rituels
Les détenteurs ne font pas que détenir du BTC selon l’anthropologue Kinney. Ils font aussi en sorte de découvrir sa valeur pour ensuite découvrir autre chose plus sublime derrière cet actif. Cela les permet de surmonter obstacles qui se présentent et en même temps de booster leur sentiment d’appartenance à la communauté crypto.
À noter que cette communauté déploie des rituels à des fins identitaires et pour rendre le bitcoin plus mature. Désormais, la reine des cryptomonnaies ne se résume plus à un fruit de la technologie et de la manipulation de chiffres. On trouve aussi des mèmes tout autour.
Pas une spéculation
Pour les anthropologues, le bitcoin ne l’est pas, ses détenteurs ne cachent pas leur fierté de hodler sur le long terme. Car ce ne sont pas seulement des gens mus par la cupidité qui le détiennent. Mais il y a aussi des personnes qui ont des croyances et qui s’identifient à une communauté.
Un garant de liens sociaux
Les anthropologues estiment que la couche technique du bitcoin n’est pas plus importante que sa couche sociale. Non seulement il a une signification aux yeux des membres de sa communauté, mais aussi il tisse des liens entre eux. Dire que ce groupe nouvellement créé constitue un nouveau concept à étudier, une nouvelle croyance et manifestation des désirs.
Une manifestation de la mutation de la nature de l’argent
L’humanité voit (ou verra) dans le bitcoin une « expérience de rupture » avec le système actuel. Qu’il réussira son coup ou échouera, cet actif jouera un rôle dans l’avenir de l’argent. Dood, dans The Social Life of Money, stipule que :
« L’époque où la monnaie était définie par l’État touche à sa fin. L’argent peut être et sera probablement organisé différemment. »
Un actif purement politique
Caldararo estime que le bitcoin serait à l’origine de l’établissement d’organes politiques et sa capacité de destruction des systèmes politiques, économiques et sociaux ne fera que refléter les passions de l’homme. En gros, la monnaie numérique conçue par Satoshi mettra à mal le système imposé depuis longtemps par l’État et les banques. Même les habitués des monopoles de la technologie, comme le GAFAM, auront intérêt à surveiller de près le pouvoir de décentralisation qu’il déploie dans le monde entier.
Un actif maintenu et valorisé par sa couche sociale
On dit aussi que le bitcoin est adossé à des formules mathématiques et « sans confiance ». Or, les anthropologues trouvent en lui le fruit d’un dynamisme au niveau de la couche socioculturelle source de valeur. Et le fait que l’homme soit une créature sociale, l’émergence d’une communauté démocratique autour du bitcoin et des cryptomonnaies se fait de plus en plus ressentie. Cette communauté, appuyée par des institutions diverses, n’hésite pas à vulgariser le bitcoin à l’heure actuelle.
Bitcoin et limites de l’anthropologie
L’étude du bitcoin par les anthropologues se bute à des murs comme :
- l’absence d’outils quantitatifs permettant de collecter des données sur le comportement ;
- l’homogénéisation de la discipline qui promeut peu la découverte de l’autre ;
- l’inexistence de vision systémique de la macroéconomie qui s’ajoute à l’absence d’efforts pour la compréhension des bases du paradigme monétaire ;
- etc.
À la fin de cet exposé, nous dirons que l’anthropologie sait comment aborder le bitcoin autrement en dépit de ses limites relatives à l’appréhension du marché. Loin de nous l’idée de criminaliser tous les économistes vu l’existence d’approche qui pourrait appréhender les comportements individuels des détenteurs de bitcoin chez eux. Mais nous retiendrons aussi que l’ouverture qu’affiche l’anthropologue ouvre plusieurs perspectives pour les autres disciplines voulant étudier la reine des cryptomonnaies.
Source : Bitcoin Magazine
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