Bitcoin (BTC) : Histoire du maximalisme

Cela fait maintenant un peu plus d’une décennie que Bitcoin est né. Depuis, des milliers de projets crypto ont émergé, dont la plupart se révèlent être des escroqueries ou des projets aux fondations instables. Pendant ce temps, le maximalisme n’a cessé de gagner du terrain et a évolué au fil des itérations dans l’industrie crypto.

Genèse du maximalisme

Avant même que Twitter ne devienne la place centrale du village crypto, les forums BitcoinTalk rassemblaient déjà l’élite intellectuelle de l’industrie. C’est ici que les développeurs annonçaient le lancement de nouveaux projets crypto, qui étaient généralement des copies triviales du code source de Bitcoin. Il y avait relativement peu d’innovations majeures dans les méthodes de consensus par exemple et les annonces relevaient surtout du marketing.

“Shitcoin”. C’est dans ce magma de discussions cryptographiques que le terme « shitcoin » a commencé à émerger. Face à toutes ces escroqueries et ces copies sans plus-value notable par rapport à l’original, une personne a commencé à parler de shitcoins. Il fallait bien dénigrer ces altcoins qui étaient souvent des projets de “pump and dump” et qui permettaient à des initiés de jouir des phases de pre mint. Après une intense campagne marketing, ces projets finissaient définitivement par retomber vers le zéro absolu. Les maximalistes de l’époque n’appréciaient pas l’idée de pouvoir s’enrichir rapidement grâce à des contrefaçons de Bitcoin et sans grand effort. Une attitude aristocrate.

#Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy.

— Michael Saylor⚡️ (@saylor) September 18, 2020

Dénigrer la crypto pour attirer les développeurs

Dans les premiers temps de Bitcoin, lorsque Gavin Andresen était le responsable du projet, il n’y avait pas vraiment d’équipe de développement organisée. Tous ceux qui développaient sur Bitcoin étaient des bénévoles et il n’y avait pas d’argent pour financer les avancements.

Bitcoin avait donc besoin d’une forte culture pour attirer de brillants développeurs. L’un des moyens d’attirer et de retenir les talents était de décourager les gens de rejoindre d’autres projets en présentant les altcoins comme des escroqueries.

Il y avait tellement peu de développeurs, qu’il est vital de ne pas laisser partir cette force vive vers des projets voués à l’échec. Le récit maximaliste a donc été vital et a permis d’augmenter significativement la philosophie de Bitcoin, ses forces et ses faiblesses.

En 2014, il y avait déjà un nombre conséquent de contributeurs au projet. Les développeurs se penchaient de plus en plus vers l’élaboration de solutions innovantes pour scaler “la monnaie magique d’internet”. C’est ainsi que le livre blanc du Lighnting Network est publié en 2015. À partir de là, les maximalistes n’ont cessé d’être de plus en plus optimistes face au phénomène d’hyperbitconisation. Surtout, 2015 est l’aussi l’année où une troupe de cryptographes, dont Vitalik Buterin, ont commencé à se retourner contre l’Eternel. Un acte de rébellion contre le Dieu Bitcoin, qui naturellement est impardonnable pour les maximalistes.

Naissance de la toxicité

Mircea Popescu a été l’un des principaux porte-drapeaux des idées maximalistes, à la limite de la toxicité. Il a eu une influence significative sur la diffusion de ces idées et de nombreux adeptes continuent de véhiculer ses thèses maximalistes.

Il s’agit des plus fondamentalistes des maximalistes. À leurs yeux, si vous n’aviez pas de clef GPG (permettant de réaliser des signatures électroniques), vous n’étiez personne.

Un autre exemple pour illustrer la radicalité de ce clan (aussi appelé #bitcoin-assets) Dans un article dénigrant la mise à jour SegWit, Mircea Popescu publiait également une prime pour l’assassinat d’un développeur du protocole.

L’équipe était si déterminée à rejeter les changements apportés à Bitcoin qu’elle a forké Bitcoin Core 0.5 et maintenu sa propre implémentation de nœuds complets.

Peu à peu, Mircea a disparu de la circulation, notamment après son bannissement de Twitter. Celui-ci avait quand même menacé de mort Andreas Antonopoulos.

Qui a popularisé le terme maximalisme ?

C’est l’ange déchu Vitalik Buterin qui a commencé à populariser ce terme en 2014.

« L’une des dernières idées qui a récemment pris de l’importance dans certaines parties de la communauté Bitcoin est la ligne de pensée qui a été décrite par moi-même et par d’autres comme le « maximalisme Bitcoin ». Il s’agit de l’idée qu’un environnement où cohabiteraient plusieurs crypto n’est pas souhaitable, qu’il est mauvais de lancer « encore une autre crypto », et qu’il est à la fois juste et inévitable que la monnaie Bitcoin prenne une position de monopole sur la scène des cryptos. », Vitalik Buterin.

Bien que Buterin n’ait pas inventé le terme, il a certainement joué un rôle. Dans le positionnement d’Ethereum et de son point de vue sur les crypto-actifs en tant que contrepoids au Bitcoin et à l’opinion qui était dominante à l’époque selon laquelle les altcoins étaient systématiquement des escroqueries immorales.

Le maximalisme en tant que terme péjoratif est clairement destiné à évoquer une certaine fermeture d’esprit ou un manque d’imagination dans la communauté Bitcoin. Les bitcoiners ont même parfois étaient assimilés à des “socialistes” qui refusent le marché libre des cryptos et la concurrence inhérente au capitalisme.

Au cours des années suivantes, alors que des milliers de projets ont été lancés, certains maximalistes ont mis à jour leur point de vue pour le rendre plus nuancé. Bien sûr, ils continuaient à se considérer comme maximalistes, car le bitcoin était clairement différent de tous les autres projets et n’avait pas de véritable concurrence dans le domaine de la monnaie saine.

De BitcoinTalk à Reddit : la guerre de la scalabilité

En 2015, nous avons assisté à une migration massive de BitcoinTalk vers le subreddit /r/bitcoin qui réunissait alors plus de 150 000 abonnés.

Le fonctionnement de Reddit est propice à la pensée grégaire. La façon dont Reddit range les utilisateurs dans des silos qui ont chacun leurs propres règles et modérateurs, ainsi que la façon dont la visibilité du contenu est modifiée par le vote, Reddit qui encourage la pensée de groupe et les réponses émotionnelles plutôt que le débat rationnel.

Les grands subreddits deviennent inévitablement des chambres d’écho : si vous essayez de discuter d’une idée contraire, vous ne verrez aucun engagement.

Étant donné qu’il y avait de plus en plus de désaccords sur la façon de faire évoluer Bitcoin, les modérateurs de /r/bitcoin ont décidé d’interdire les discussions sur les propositions de hard fork.

Naturellement, la décision des modérateurs de /r/bitcoin d’interdire la discussion de certains sujets a suscité beaucoup de réactions négatives et a incité un certain nombre de personnes à migrer vers le subreddit /r/btc.

Pendant cette guerre de la scalabilité, Bitcoin Twitter s’est transformé en une communauté importante et a donné lieu à de nombreux débats.

Alors que les mécanismes et algorithmes de Reddit ont tendance à écraser la controverse et à créer des chambres d’écho, les mécanismes d’engagement de Twitter sont en fait optimisés pour augmenter la portée et l’engagement des messages controversés. Ajoutez à cela le fait que la longueur du contenu des tweets est assez limitée et vous obtenez une recette pour récompenser les tweets “toxiques” qui s’appuient sur d’autres tweets avec un manque total de nuance.

Le renouveau du maximalisme sur Bitcoin

L’utilisation du terme maximaliste est vraiment revenue sur le devant de la scène pendant la guerre de la scalabilité et le cycle d’euphorie pour les ICO en 2017. Et de nombreux shitcoiners ont commencé à donner raison aux maxis lorsque 90 % des ICO se sont révélés être de pures escroqueries.

Au cours de la guerre de la scalabilité sur Bitcoin, nous avons vu Samson Mow commencer à produire des casquettes comme nouvelle forme de signal.

Ultimately, the only pure bitcoiner will be a ridiculous caricature, as one by one they attempt to "cancel" those who deviate.

This rigid ideology is self-mocking with delicious irony: "political correctness run amok" and identity politics by those who claim to hate both.

— Andreas (aantonop) (@aantonop) August 26, 2020

Les premières casquettes étaient pour l’UASF (user activated soft fork). Fin 2019, il s’agissait de casquettes Toxic Maximalist en raison de l’utilisation plus fréquente de ce terme. C’était un moyen de signaler socialement dans quelle tribu vous vous trouviez : Bitcoin (la tribu des sacrés) ou au sein des tribus ennemies.

En 2018 et 2019, nous avons vu les débuts d’une nouvelle vague de maximalisme. Le livre le standard Bitcoin de Saifedean Ammous a été publié, d’innombrables nouveaux mèmes ont été élaborés et sont entrés dans le langage courant, et des dîners de carnivores ont commencé à être organisés.

Le maximalisme sur Bitcoin à l’heure de la Covid

En 2020, de nombreux OG qui avaient participé activement à la guerre de la scalabilité ont commencé à se retirer de la vie publique. Il restait donc un vide à combler pour les nouveaux venus et nous avions besoin de nouveaux ennemis ! La pandémie n’a pas tardé à fournir de la chair à canon en abondance. Il y avait beaucoup de gouvernements tyranniques à décrier et les planches à billets se sont mises à fonctionner à plein régime.

Pendant la pandémie, nous avons assisté à une accélération du maximalisme de style de vie. Du clivage monétaire, nos sommes passés aux clivages sociaux. Entre les bitcoiners carnivores et les vegans efféminés d’Ethereum. Entre les bitcoiners qui refusent la décadence moderne et les progressistes qui achètent des shitcoins. Les maxis anti-woke et les shitcoiners heureux de se soumettre à la doxa médiatique de CNN. Entre les bitcoiners au sang pur et les autres soumis à l’État qui se sont fait injecter par Pfizer. Bref, ça commençait à partir dans tous les sens !

À partir de 2020, le maximalisme s’est transformé en contrarianisme radical et étendu à tous les sujets sociétaux.

Bitcoin : maximalisme et contre-attaque

Pour la grande majorité des utilisateurs de Bitcoin, il n’y a pas de style de vie ou de culture associé à la possession de cet actif. Pour eux, il s’agit simplement d’un actif de plus dans leur portefeuille.

Mais il existe un sous-ensemble de personnes qui ont fait de Bitcoin leur personnalité à part entière et qui se sont investies émotionnellement, passant une grande partie de leur vie à l’évangéliser et, de manière plus controversée, à humilier ceux qui n’ont pas les mêmes opinions qu’eux.

Les maximalistes fondamentalistes considèrent tous les actifs autres que le bitcoin comme des escroqueries et voués à l’échec, malgré les données objectives indiquant qu’au moins certains des autres projets ont du potentiel. En outre, ils pensent que tout ce qui se construit en dehors de Bitcoin finira sur Bitcoin, malgré l’absence de preuve. Par conséquent, ils considèrent tout investissement réalisé en dehors de Bitcoin comme une erreur, une escroquerie ou une fraude.

Maximalisme et pureté

Il s’agit d’une culture de la pureté qui peut donner l’impression d’exclure. Le problème avec les tests de pureté, c’est qu’ils n’ont pas de fin. Les personnes qui appliquent des tests de pureté de plus en plus restrictifs s’enfoncent dans une spirale sans fin en essayant de surpasser leurs pairs en matière de signaux de vertu.

« Si vous pensez que je vais être « fidèle » au bitcoin en limitant ma curiosité intellectuelle, en refusant de lire ou de m’informer sur les technologies qui pourraient menacer la suprématie de la « seule vraie doctrine », ce n’est pas de la science, c’est de la religion, et je ne fais pas de religion. Il s’agit là d’un test décisif, d’un test de loyauté, d’un test de pureté, et je ne fais rien de tout cela. Je vais rester intellectuellement curieux »,Andreas Antonopoulos.

Le maximalisme sur Bitcoin a connu de nombreuses évolutions depuis la naissance du projet par Satoshi Nakamoto. Au fil du temps, le clivage est passé des sujets techniques et monétaires à une éthique de vie. C’est pourquoi, il peut être tentant d’y voir, une certaine forme de religiosité.