Quand Binance profite de formations cryptos Pôle Emploi pour faire sa pub

La polémique enfle du côté de Binance, accusé de pratiquer un marketing agressif, déguisé en parcours de formation. Une enquête du Financial Times révèle que l’exchange s’est associé à Pôle Emploi en proposant des formations à destination des demandeurs d’emploi issus des quartiers populaires. Une pratique discutable qui aurait pour but de recruter de nouveaux clients.

Un programme de formation à la blockchain et au web 3

Alors que le CEO historique de Binance, Changpeng “CZ” Zhao, a récemment démissionné, l’incursion de Binance dans les parcours de formation des demandeurs d’emploi français interroge. À première vue, l’intention est louable : former des jeunes aux métiers du web 3 et à l’utilisation de la blockchain. Des compétences qui s’inscrivent dans la politique de la “start-up nation” voulue par Emmanuel Macron. L’objectif annoncé ? Former 10,000 étudiants à ces nouveaux métiers à travers le Binance Scholar Program. Pour cela, Pôle Emploi est passé par l’entreprise Simplon, un prestataire spécialisé dans la formation professionnelle qui a choisi de faire appel à Binance Charity, le programme éducatif de l’exchange crypto.

Un marketing déguisé ?

Le problème, c’est que cette offre semble aller bien au-delà du simple développement de compétences. L’importante panoplie de cadeaux promotionnels durant la formation rend la démarche ambiguë. À leur arrivée, les participants ont ainsi reçu un sac contenant des chapeaux, des dépliants, des stylos et des carnets à l’effigie de la marque.

De plus, Binance, en répondant à la demande Simplon, aurait ciblé précisément un public défavorisé, et donc, plus vulnérable à l’aspect spéculatif des cryptomonnaies. Le Financial Times est allé à la rencontre des jeunes inscrits à la formation : beaucoup viennent de Bondy, d’Aulnay-sous-Bois ou encore de Montreuil. Ils se sont portés volontaires pour intégrer le programme, dans l’espoir de trouver un emploi de développeur ou d’ingénieur. Mais c’est aussi parce que Binance leur aurait fait miroiter des promesses de gains substantiels en tant que développeur blockchain junior. Jusqu’à « 100 000 $ par an » selon un participant.

Un NFT Binance en guise de diplôme

Pour mettre en pratique les compétences apprises durant la formation, quoi de mieux qu’un diplôme directement sur la blockchain, sous forme de NFT ? Là encore, la proposition pourrait paraître séduisante… si elle ne nécessitait d’obtenir le Non Fongible Token via un wallet Binance. En demandant de créer un compte sur leur plateforme, Binance aurait usé de pratiques commerciales abusives. D’autant que les éléments laissent penser que la nature commerciale de l’opération était clairement établie en interne, chez Binance.

Interrogé, Thierry Philipponnat, qui travaille notamment pour l’AMF, a déclaré au Financial Times : « J’imagine que les pratiques [décrites] pourraient donner lieu à un beau débat entre avocats sur la question de savoir si elles doivent ou non être considérées comme du marketing. »

Une régulation des activités annexes des exchanges crypto est-elle à prévoir ? L’offre de formation des gros acteurs de l’industrie est pour l’instant assez limitée. Mais l’expansion rapide de ce type de partenariat pourrait amener le régulateur à se pencher sérieusement sur la question.

Conclusion

Depuis 2021, Binance se développe rapidement en France, avec la bénédiction du gouvernement et de l’État. Mais les intentions de l’entreprise semblent plus que jamais éloignées de la philosophie initiale du bitcoin et des cryptomonnaies. L’exchange centralisé est à nouveau l’objet d’une polémique sous fond de pratiques marketing douteuses, se servant d’atelier de formation pour promouvoir la marque.