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Alerte - Les États-Unis peinent à vendre leur dette

sam 11 Nov 2023 ▪ 7 min de lecture ▪ par Nicolas T.
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Des remous inquiétants ont secoué le marché de la dette US cette semaine. Vivons-nous les prémices d’un retour de la planche à billets ?

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Émission obligataire très tendue

L’émission de dette (112 milliards $) s’est très mal passée ce jeudi. Le Trésor US s’est retrouvé obligé d’accepter un taux d’emprunt plus élevé qu’anticipé lors de son émission de dette à 30 ans.

« L’adjudication des obligations à 30 ans a été franchement mauvaise », a déclaré le directeur des investissements chez Bleakley Financial Group.

Les « primary dealers » (les très grandes banques) qui achètent les titres non absorbés par les investisseurs ont dû accepter 24,7 % des titres proposés. C’est-à-dire plus du double de la moyenne de 12 % enregistrée au cours de l’année écoulée, peut-on lire dans Barron’s.

Le rendement à 30 ans a terminé jeudi à 4,777 %, soit 0,12 % de plus qu’à la clôture de mercredi. En sachant que les taux augmentent de la sorte lorsque la demande est faible. Les taux augmentent pour que la dette trouve preneur.

Cette émission de dette laborieuse n’est pas passée inaperçue. Elle a mis fin à huit sessions haussières consécutives du côté de la bourse américaine (S&P500).

Autre anomalie inhabituelle : la plus grande banque chinoise n’a pas pu participer normalement à l’adjudication à cause d’un ransomware. Avant d’en parler, petits rappels sur la dette US.

Dans les rouages de l’endettement

Les adjudications d’obligations du Trésor américain servent à financer la dette publique des États-Unis. Il existe différents types d’obligations :

  • Les obligations d’une durée inférieure à 1 an (T-Bills)
  • Les obligations d’une durée inférieure à 10 ans (Notes)
  • Les obligations d’une durée supérieure à 10 ans
  • Les obligations adossées à l’inflation (TIPS)

Ces différents types d’obligations sont communément regroupés sous le terme « bons du Trésor ». Ces adjudications sont régulières. Il y en a environ 300 par an. Les États-Unis ont émis des obligations pour une valeur totale de plus de 18 000 milliards de dollars en 2023. Soit 32 % fois plus que l’année précédente, soit dit en passant.

C’est la FICC (Fixed Income Clearing Corporation) qui organise ces adjudications. Les investisseurs (banques, fonds d’investissements, etc) lui annoncent la quantité de dette qu’ils souhaitent acheter à un taux décidé à l’avance par le Trésor. Ces offres sont acceptées en premier. Si ce n’est pas suffisant pour tout absorber, les primary dealers entrent en piste.

Par exemple, supposons que le Trésor veuille lever 10 milliards de dollars en obligations à 10 ans assorties d’un taux de 4 %. Et disons que les investisseurs annoncent en vouloir pour sept milliards, pas plus.

Le Trésor accepte d’abord ces sept milliards et passe ensuite aux enchères pour les trois milliards restants.

Imaginons que le Trésor reçoit les offres suivantes :

  • 1 milliard au taux de 3,8 %
  • 1 milliard de dollars à 3,99 %
  • 1 milliard de dollars à 4,05 %
  • 1 milliard de dollars à 4.1 %

Les offres ayant les taux les plus bas seront acceptées en premier jusqu’à obtenir les trois milliards nécessaires.

Et le fait est que c’est très mauvais signe lorsqu’un écart important se manifeste entre le taux demandé par le Trésor et celui proposé par les très grandes banques.

Coup de semonce chinois ?

Tout le monde sait que les BRICS accentuent régulièrement la pression sur les États-Unis en menaçant d’abandonner le dollar. Si bien que nous pourrions un jour observer une grave scission. Et c’est au niveau des adjudications de dette US que cela se verra en premier.

Les remous sur le marché de la dette US ce jeudi ont en effet très probablement été provoqués par l’absence de demande venant de la troisième plus grande banque mondiale, la Industrial and Commercial Bank of China (ICBC) qui fait partie des primary dealers de la FICC.

C’est par cette banque que transite une bonne part de la demande asiatique pour la dette américaine. Or la banque a été victime d’un ransomware ce jeudi. Le groupe de hackers Lockbit a paralysé les systèmes informatiques de la banque pendant l’adjudication des bons du Trésor US.

« L’ICBC est un membre important de la FICC. C’est certainement une préoccupation majeure et [ce ransomware] a potentiellement eu un impact sur la liquidité des bons du Trésor américain », a déclaré un cadre d’une autre grande banque qui compense les bons du Trésor américain.

« Il est extrêmement rare qu’une banque de cette taille soit touchée de la sorte », déclare encore un l’expert en cybersécurité Allan Liska au Financial Times.

Une question vient à l’esprit étant donné les temps qui courent : Est-ce que ce ransomware ne serait pas un coup de semonce politique ?

Les temps qui courent

6 000 milliards de dollars. C’est le montant d’obligations américaines arrivant à échéance au cours des douze prochains mois. Autant d’argent que le gouvernement américain n’a pas. Il faudra donc émettre de nouvelles obligations pour rembourser les anciennes.

C’est ce que l’on appelle faire rouler la dette dans le jargon. Mais il y a un hic. Les anciennes obligations payaient un taux d’environ 1 %, alors que les nouvelles obligations seront à 5 % ou plus. Cette fuite en avant est aggravée par la dédollarisation qui réduit la demande.

Tôt ou tard, cette baisse de la demande fera baisser le taux de change du dollar. Il en découlera de l’inflation et/ou des réductions des importations. Dit autrement, les Américains devront se serrer la ceinture.

L’Amérique vit au-dessus de ses moyens. D’où le coup de semonce de Moody’s qui menace de lui retirer son AAA. L’agence de notation a placé le pays sous perspective négative ce vendredi.

Raisons avancées par Moody’s :

  1. Les risques de détérioration de la solidité des finances publiques américaines se sont accrus.
  2. Les déficits budgétaires resteront très importants.
  3. Les taux élevés aggravent les déficits en l’absence d’une baisse des dépenses publiques.

Et vu que Washington finance deux guerres pour tenter de préserver ses pré-carrés monétaires impériaux, les déficits ne peuvent qu’empirer. Or, si la demande pour la dette US baisse significativement, la Fed devra redémarrer sa planche à billets.

Les limites physiques de la planète ne permettant plus d’avoir une croissance du PIB équivalente à celle de la dette, il en résultera de l’inflation.

Le Bitcoin n’est pas en hausse à cause de l’ETF, mais parce que les États-Unis sont insolvables. À bon entendeur.

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Nicolas T.

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Les propos et opinions exprimés dans cet article n'engagent que leur auteur, et ne doivent pas être considérés comme des conseils en investissement. Effectuez vos propres recherches avant toute décision d'investissement.